Une attaque des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) lancée mardi soir a fait 40 morts dans l’Etat d’Al Jazira, en proie depuis un mois à une flambée de violence dans le centre du Soudan, pays ravagé par plus d’un an et demi de guerre, a indiqué un médecin local, cité hier par l’AFP.
«Les 40 personnes ont été directement touchées par balle», a déclaré ce médecin de l’hôpital Wad Rawah, situé juste au nord du village attaqué de Wad Ochaïb, qui a demandé l’anonymat par mesure de sécurité après des attaques répétées contre le personnel médical. Les FSR, en guerre contre l’armée soudanaise depuis la mi-avril 2023, ont attaqué pour la première fois le village, situé à 100 km au nord de Wad Madani, la capitale de la province d’Al Jazira, mardi soir. Il s’agit de la dernière attaque en date d’une série menée depuis un mois par les FSR sur les villages d’Al Jazira, à la suite de la défection d’un important commandant paramilitaire passé du côté de l’armée en octobre. Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre, les combattants des FSR ayant notamment assiégé des villages entiers, procédé à des exécutions sommaires et pillé systématiquement les biens des civils.
Mardi, Abdel Fattah Al Burhan a rejeté «toute ingérence étrangère» dans la guerre au Soudan, au lendemain du veto russe à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu.
S’exprimant à l’occasion d’une conférence économique à Port-Soudan (est), le général al Burhan a dénoncé des «diktats destinés à nous imposer des solutions que nous n’acceptons pas» et a salué la «position de soutien» de la Russie. Il a affirmé que son gouvernement n’a «jamais accepté» le projet de résolution, qui cherchait à mettre fin à la guerre opposant depuis avril 2023 l’armée régulière aux FSR. Il a réitéré que l’armée ne négocierait ni n’accepterait un cessez-le-feu sans un «retrait total» des FSR. «La fin de cette guerre passe par l’élimination complète des rebelles», a-t-il déclaré, ajoutant que c’est seulement alors que la vie civile pourrait reprendre, que l’aide pourrait parvenir à tous les Soudanais et que les questions politiques pourraient être abordées.
Pas d’arrêt des hostilités
Le projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, préparé par le Royaume-Uni et la Sierra Leone, appelait les parties «à cesser immédiatement les hostilités» et à s’engager dans un dialogue sur «un cessez-le-feu national». «Cette décision inappropriée qui porte atteinte à la souveraineté du Soudan, n’a pas répondu à nos exigences», a dit mardi le général al Burhan.
Les multiples efforts de médiation, notamment ceux des Etats-Unis, de l’Arabie saoudite et de l’Union africaine, ne sont pas parvenus à obtenir un cessez-le-feu. Selon des experts, ni l’armée ni les FSR souhaitent un règlement pacifique, les deux côtés cherchant à obtenir un avantage militaire.
Des experts de l’ONU ont accusé en octobre les deux parties d’utiliser des «tactiques pour affamer» 26 millions de civils au Soudan, tandis que trois grandes organisations humanitaires ont mis en garde contre une crise de la faim d’une ampleur «historique», de nombreuses familles étant obligées de se nourrir de feuilles d’arbres et d’insectes. Selon les Nations unies, plus de 340 mille personnes ont été déplacées dans cet Etat depuis octobre. Les violences y «mettent en danger la vie de dizaines de milliers de personnes», a mis en garde vendredi le porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Stéphane Dujarric. La guerre a déraciné plus de onze millions de personnes, dont plus de trois millions ont fui au-delà des frontières. De nombreux déplacés arrivent dans les Etats voisins après avoir «marché pendant des jours», sans «rien d’autre que les vêtements qu’ils portaient sur le dos», a décrit S. Dujarric. Même dans les zones épargnées par les combats, des centaines de milliers de personnes déplacées sont confrontées à des épidémies, dont le choléra et à une famine imminente, sans infrastructures d’accueil ou de prise en charge.
«Ils doivent désormais s’installer à l’air libre, y compris les enfants, les femmes, les personnes âgées et les malades», a relaté S. Dujarric.
Selon les Nations unies et les responsables sanitaires, le conflit a contraint 80% des établissements de santé des secteurs touchés par le conflit à fermer leurs portes.
Pour l’ONU, le Soudan est actuellement confronté à l’une des pires crises humanitaires de mémoire récente, avec 26 millions de personnes souffrant d’une faim aiguë.