La Chine a imposé depuis hier des restrictions aux exportations de deux métaux indispensables aux semi-conducteurs et dont elle est le principal producteur, rapporte l’AFP. Selon une directive du ministère du Commerce, les exportateurs chinois de gallium et de germanium doivent dorénavant obtenir une licence.
Ils devront fournir des informations sur le destinataire final et en notifier l’utilisation, précise ce document de juillet entré en vigueur hier.
La décision est perçue comme des représailles aux mesures prises par Washington à l’encontre de son secteur technologique.
La Chine, qui cherche à devenir autonome dans la conception de semi-conducteurs, estime que les mesures de Washington visent à maintenir la suprématie des Etats-Unis dans ce domaine.
Par ailleurs, Pékin a annoncé lundi des restrictions pour l’exportation de certains types de drones à compter du 1er septembre. Cette mesure apparaît comme une réponse aux critiques occidentales sur l’assistance à la Russie dans son conflit contre l’Ukraine.
Hautement stratégiques, les micropuces sont essentielles à la production d’une multitude d’appareils électroniques, des machines à café aux voitures électriques, les smartphones, l’armement, entre autres.
Début juillet, la Chine a annoncé qu’elle compte limiter les exportations du gallium et du germanium. Pékin justifie officiellement ces mesures par la nécessité de «préserver la sécurité et les intérêts nationaux». Il s’agit aussi de répondre aux mesures de blocage envisagées par Washington à son encontre. L’administration Biden a en effet poursuivi la politique de l’administration Trump vis-à-vis de la Chine en durcissant l’accès des entreprises chinoises aux technologies américaines les plus avancées.
La Chine représente 94% de la production mondiale de gallium, présent notamment dans les circuits intégrés, les LED et les panneaux photovoltaïques, d’après un rapport de l’Union européenne (UE) publié cette année. Quant au germanium, indispensable pour les fibres optiques et l’infrarouge, 83% de la production de cet élément provient également de Chine.
Si la guerre des puces persiste, il n’est pas exclu de voir la Chine recourir à des restrictions sur les terres rares, ensemble de 17 métaux essentiels aux technologies de pointe sont relativement abondants.
Au nom de la «sécurité nationale», les Etats-Unis ont mis en place ces dernières années plusieurs mesures pour restreindre l’accès des entreprises chinoises à certaines technologies américaines ou compliquer leur fabrication de semi-conducteurs de pointe. Lors de sa visite en juin en Chine, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a indiqué que Washington ne cherche pas à «enrayer» le développement économique chinois.
«Nous voulons de la croissance. Nous voulons voir le succès dans toutes les parties du monde, y compris, bien sûr, dans les grandes économies comme la Chine», a-t-il ajouté. «Mais en même temps», il n’est «pas dans notre intérêt de fournir à la Chine des technologies qui pourraient être utilisées contre nous», a-t-il observé.
«Alors qu’elle développe de manière très opaque son programme d’armes nucléaires, qu’elle produit des missiles hypersoniques, qu’elle utilise la technologie à des fins répressives, en quoi est-il dans notre intérêt de fournir ces technologies spécifiques à la Chine ?», s’est-il demandé.
Lors de sa visite en Chine en juillet, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a indiqué que les Etats-Unis vont continuer de mener «des actions ciblées» pour préserver leur sécurité nationale. Mais «il est important de noter que ces actions sont motivées par de simples considérations de ‘‘sécurité nationale’’. Nous ne les utilisons pas pour obtenir un avantage économique».
Elle a affirmé que celles-ci seraient appliquées «de manière transparente». La Chine ambitionne de fabriquer d’ici à 2025, l’équivalent de 70 % de sa consommation nationale annuelle et, à la fin de la décennie, devenir «le principal centre d’innovation en matière d’intelligence artificielle au monde». Ce qui est loin d’être apprécié des Etats- Unis qui décident d’agir en conséquence.
«Sécurité nationale»
En 2018, l’administration Trump a interdit à l’entreprise chinoise de télécommunications ZTE d’acheter des semi-conducteurs conçus aux États-Unis. Le 15 mai 2019, l’administration américaine a décidé de placer Huawei sur la liste noire du Département au commerce. De ce fait, les entreprises qui ont des relations commerciales avec le géant chinois des télécoms peuvent faire l’objet de sanctions américaines, si bien qu’un grand nombre d’entre elles ont annoncé, les unes après les autres, leur intention de geler leurs relations commerciales avec Huawei.
Cette mesure est motivée par une accusation de pratiquer un espionnage massif. Le 23 du même mois, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo à l’époque a de nouveau reproché à Huawei de «mentir aux Américains et au monde entier» à propos de sa collaboration avec le gouvernement chinois. Le 7 octobre 2022, le département américain du commerce a annoncé des contrôles drastiques à l’exportation sur les circuits intégrés informatiques avancés utilisés pour propulser les missiles guidés. Comme 31 institutions et sociétés chinoises ont été ajoutées à sa liste d’entités avec lesquelles il est interdit de commercer.
Le 31 mars dernier, la Chine a annoncé l’ouverture d’une enquête contre le groupe américain Micron, quatrième fabricant mondial de semi-conducteurs pour des raisons de sécurité nationale. Pékin indique ne plus vouloir de ses produits chez les opérateurs d’infrastructures dites «sensibles» en Chine. En mai, Pékin a appelé les entreprises chinoises traitant des données sensibles à arrêter d’acheter des puces mémoires dudit groupe.
Dans une déclaration officielle, l’administration chinoise chargée de la cybersécurité a estimé que les produits de Micron «présentent des problèmes potentiels pour la sécurité des réseaux relativement sérieux, ce qui pose un problème majeur à la sécurité des chaînes d’approvisionnement (…) et affecte la sécurité nationale de la Chine».