Dans un contexte de chaos et de frappes brutales et intenses, l’armée d’occupation israélienne a lancé hier un nouvel appel à la population libanaise pour évacuer certaines zones de Baalbeck, région à l’est du Liban.
Ce territoire devient à nouveau le théâtre d’une violence accrue, rappelant les pires jours de la guerre de 2006, mais à une échelle bien plus sévère et avec des conséquences dramatiques pour les libanais.
Le porte-parole de l’armée d’occupation israélienne, Avichay Adraee, a fait mine d’avertir hier les résidants de la région de Douris, dans la vallée de la Bekaa, par des messages diffusés sur les réseaux sociaux. «Vous êtes situés près d’installations et d’intérêts du Hezbollah contre lesquels l’armée israélienne opérera prochainement», a déclaré Adraee, en ajoutant que les familles devaient évacuer d’urgence, s’éloignant de leurs habitations d’au moins 500 mètres dans les quatre heures. Des menaces lourdes pour des habitants déjà épuisés par les attaques israéliennes discontinues au cours des derniers jours.
Dans la ville de Baalbeck elle-même, la situation vire à la catastrophe. Des bâtiments résidentiels, des zones publiques et même des lieux proches des aires de jeux pour enfants ont été la cible d’attaques aériennes. Les monuments romains, inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, risquent de subir des dommages irréversibles, menaçant l’héritage millénaire de la région. La cité antique est désormais en grande partie abandonnée, les habitants ayant fui dans des conditions précaires pour échapper aux bombes.
Les autorités libanaises ont appelé l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) à protéger Baalbeck, ville millénaire contre les menaces de l’entité sioniste de la bombarder. Le ministre libanais de la Culture, Mohammed Wissam El Murtada, a annoncé sa demande officielle à la mission permanente du Liban auprès de l’Unesco à Paris pour «accélérer les actions de suivi» avec le directeur général de l’Unesco et les organismes internationaux concernés. «Toute trace de conscience dans le monde doit empêcher Israël de mettre à exécution ses menaces de bombarder la citadelle de Baalbek», a déclaré El Murtada, considérant que «ce patrimoine n’appartient pas seulement au Liban, mais à toute l’humanité».
Dans les dernières 48 heures, plus de deux douzaines de villages dans la région nord-est du Liban ont été frappés par des raids israéliens. Les pertes humaines sont déjà élevées, avec des dizaines de morts et de blessés, et le bilan continue de s’alourdir. Bien que l’armée d’occupation israélienne prétende cibler ce qu’elle nomme des «sites militaires du Hezbollah», les habitants contestent ces allégations, affirmant que leurs maisons ont été réduites en ruines sans qu’aucune présence d’armement ne soit visible.
Les ordres d’évacuation et les frappes intensives ont provoqué un exode massif, déplaçant plus de 1,2 million de Libanais, selon les autorités libanaises, tandis que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dénombre au moins 842 648 déplacés internes. Cette crise se double d’un enjeu humanitaire majeur : les civils déplacés se retrouvent sans abri, sans accès à des soins de santé suffisants et dans des conditions de vie précaires, tandis que les écoles et autres centres d’accueil sont saturés.
Dans la vallée de la Bekaa, les nuits sont désormais synonymes d’angoisse. Farah Saifan, de l’ONG Islamic Relief, décrit des situations «littéralement cauchemardesques». Les habitants, relate-t-elle, «ne savent pas ce qui se passe la nuit, ne sachant pas qui est attaqué ni où». L’aide humanitaire peine à atteindre les zones les plus affectées, les routes étant soit détruites, soit rendues impraticables par l’intensité des bombardements israéliens.
Plus de 900 000 libanais déplacés
La crise touche également les travailleurs étrangers présents au Liban, parmi lesquels une grande majorité de Bangladais employés comme ouvriers ou travailleurs domestiques. Un travailleur bengalais est d’ailleurs mort hier sous les frappes israéliennes.
Les tensions entre Israël et le Liban ont, par ailleurs, été exacerbées par l’enlèvement d’un civil libanais. Identifié comme Imad Amhaz, un officier de la marine libanaise, il a été capturé par les forces d’occupation israéliennes à Batroun, selon l’agence nationale de presse libanaise (NNA).
D’après l’armée d’occupation israélienne, Amhaz serait un «responsable du Hezbollah», mais le gouvernement libanais conteste cette version et dénonce un acte de violation de souveraineté. Le Premier ministre libanais par intérim, Najib Mikati, a exigé que cette affaire soit portée devant le Conseil de sécurité des Nations unies.
Les observateurs internationaux notent que la situation actuelle dépasse en gravité celle de la guerre de la guerre de 2006, qui avait coûté la vie à 1191 Libanais et déplacé plus de 900 000 personnes. Cette fois, l’ONU estime que «la situation humanitaire au Liban a atteint des niveaux dépassant la gravité» de 2006. Le bilan des attaques israéliennes s’élève désormais à 2867 morts et plus de 13 000 blessés, des chiffres qui continuent de grimper.
«Les structures humanitaires sont également touchées», a déclaré Filippo Grandi, chef de l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dans un message publié sur les réseaux sociaux. «Même fuir (et prendre soin de ceux qui fuient) devient difficile et dangereux à mesure que la guerre continue de se propager», a-t-il déclaré.
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) indique que les frappes israéliennes ont entraîné la destruction de plusieurs infrastructures vitales, à commencer par les établissements sanitaires.
Depuis septembre, 36 attaques ont visé des établissements de santé, faisant au moins 85 morts parmi les personnels médicaux et des dizaines de blessés. Dans le sud du Liban, six premiers secours ont été tués lors de frappes sur Khiam, soulignant les risques élevés auxquels les travailleurs humanitaires sont confrontés.
Les femmes enceintes ont été gravement touchées par l’escalade de la violence, selon l’agence des Nations unies pour la santé sexuelle et reproductive (UNFPA). «L’intensification du conflit dans tout le pays a eu un impact sur plus de 11 000 femmes enceintes, et 1 300 d’entre elles devraient accoucher sous peu malgré des pertes massives en infrastructures et un système de santé à la limite de la vulnérabilité», selon l’UNFPA.
Amel Blidi
La Turquie demande un embargo sur les armes contre Israël
Signée par 52 pays et deux organisations, demandant l'arrêt de la fourniture et de la livraison d'armes à Israël, a annoncé hier le ministre turc des Affaires étrangères. «Nous avons écrit une lettre conjointe appelant tous les pays à cesser la vente d'armes et de munitions à Israël. Nous avons remis cette lettre, qui compte 54 signataires, à l'ONU le 1er novembre», a affirmé Hakan Fidan lors d'une conférence de presse à Djibouti, où il s'est rendu pour une réunion du Partenariat Turquie-Afrique. «Nous devons répéter à chaque occasion que vendre des armes à Israël signifie participer à son génocide», a ajouté M. Fidan, qui a précisé que la lettre est «une initiative lancée par la Turquie».
La lettre a été signée par 52 pays, dont l'Arabie Saoudite, le Brésil, l'Algérie, la Chine, l'Iran et la Russie, et deux organisations, la Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique. Mi-octobre, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait appelé les Nations unies à décréter un embargo sur les armes destinées à Israël, qui serait, selon lui, une «solution efficace» pour mettre fin au conflit dans la bande de Ghaza.