Lancée il y a une semaine, la grève des médecins résidents s’étend progressivement à plusieurs wilayas, prenant une envergure nationale. À Constantine, le mouvement a atteint une adhésion totale, avec un taux de 100 % enregistré dans les principaux établissements hospitaliers de la région, tels que le CHU Dr Benbadis, l’hôpital de Didouche Mourad, la pédiatrie d’El Mansourah et la maternité de Sidi Mabrouk.
L’absence de certaines spécialités, notamment en anesthésie, exacerbe la pression sur les services hospitaliers, aggravant ainsi les répercussions de cette mobilisation.
D’après les témoignages de nombreux patients rencontrés au CHU Ben Badis, hier, les conséquences de ce mouvement se font lourdement sentir, affectant considérablement l’accès aux soins. Les grévistes, toutefois, affirment maintenir un service minimum, en assurant notamment la gestion des urgences et l’administration des traitements essentiels aux malades. Selon leurs estimations, près de 95 % des services hospitaliers de la wilaya sont concernés par le mouvement de protestation. Profondément convaincus de la légitimité de leurs revendications, les grévistes ont organisé, hier, un nouveau rassemblement devant le CHU Dr Benbadis à partir de 9 heures du matin. Ils estiment que la concrétisation de leurs doléances pourrait freiner l’exode massif des médecins vers des contrées offrant de meilleures conditions de vie et un cadre professionnel plus attractif. Le débrayage illimité à Constantine, entamé le 28 novembre, s’inscrit dans une dynamique amorcée bien plus tôt dans d’autres wilayas de l’Est à l’instar de Batna, avant de s’étendre à d’autres régions.
Primes covid-19
Les médecins résidents dénoncent un cadre professionnel qu’ils jugent dégradé et pointent du doigt une double tutelle pesante, exercée par les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur. Leurs doléances sont claires. En tête de liste figure une révision substantielle de leurs salaires, qu’ils considèrent dérisoires. Ils réclament une augmentation de 300 %, reflétant les exigences scientifiques et pratiques de leur fonction. Ils dénoncent également le plafonnement des primes de garde à 2 800 DA pour 12 heures de travail, un montant jugé dérisoire, surtout dans des services en sous-effectif où certains résidents cumulent jusqu’à dix gardes mensuelles, bien que seules six soient rémunérées. Par ailleurs, les résidents exigent le versement des primes Covid-19, en attente depuis août 2022, ainsi qu’une révision des pratiques relatives à l’octroi des logements de fonction.
Ces logements, souvent accessibles uniquement à partir de la troisième année de résidence, «obligent nombre de médecins à s’acquitter de loyers dépassant 25 000 DA par mois, une charge financière insoutenable pour beaucoup». Ils rappellent que le droit au logement est un fondement constitutionnel et non un simple privilège. Le flou entourant le statut des médecins résidents contribue à l’aggravation de cette crise.
Placés sous la double tutelle des ministères de l’Enseignement supérieur pour leur formation et de la Santé pour leur exercice, ils se retrouvent dans une impasse lorsqu’il s’agit de négocier des améliorations salariales ou professionnelles. Cette ambiguïté rend les démarches revendicatives plus complexes et nourrit un sentiment d’abandon parmi les résidents. En dépit des récentes déclarations du ministre de la Santé, Abdelhak Saihi, rejetant toute responsabilité dans cette crise, les grévistes restent déterminés à poursuivre leur mouvement.
Ils estiment que seule une réforme en profondeur, accompagnée de mesures concrètes pour améliorer leurs conditions de travail, permettra de mettre un terme à cette mobilisation.