Inconditionnels de la monarchie britannique, touristes curieux d’un événement sans équivalent en Europe et chefs d’Etat étrangers affluaient à Londres pour le couronnement de Charles III aujourd’hui samedi lors d’une cérémonie religieuse fastueuse. Le Royaume-Uni n’avait plus connu cela depuis 70 ans : le souverain de 74 ans et la reine Camilla, 75 ans, recevront la couronne et l’onction à l’abbaye de Westminster devant 2300 invités et certainement des centaines de millions de téléspectateurs.
Si l’événement a été préparé sans grand engouement dans un Royaume-Uni en pleine crise du coût de la vie, les admirateurs les plus fervents de la royauté ont commencé à s’installer sur le Mall, l’avenue partant du palais de Buckingham, pour être aux premières loges. Les invités étrangers -Emmanuel Macron, le prince Albert de Monaco ou encore Jill Biden, l’épouse du président américain- arrivent progressivement à Londres et une réception est organisé
e vendredi en leur honneur.
Couronnes et carrosses
Les dernières mises au point ont été finalisées lors de répétitions des parades et de la cérémonie elle-même. Car tout est réglé au millimètre pour ce rituel ancré dans près de 1.000 ans d’histoire mais que peu de Britanniques ont vu de leur vivant. Le dernier couronnement remonte à 1953 pour la Elizabeth II, morte le 8 septembre dernier à l’âge de 96 ans, ultrapopulaire, dans son château écossais de Balmoral. Chef de l’Eglise d’Angleterre, Charles prêtera serment et recevra l’onction de l’archevêque de Canterbury. Puis la couronne de Saint-Edouard sera posée sur sa tête. La reine consort Camilla, seconde épouse de Charles après son divorce avec la princesse Diana, sera également couronnée.
Accompagné par près de 4000 militaires, le couple royal repartira en carrosse vers le palais de Buckingham où les membres actifs de la monarchie salueront la foule depuis le célèbre balcon. Le fils cadet de Charles, Harry, fera le déplacement à l’abbaye, sans sa femme Meghan et leurs deux enfants, et ses faits et gestes, à distance des premiers rangs, seront scrutés. Il devrait être absent du balcon, à moins d’un geste de réconciliation entre la famille et le prince exilé depuis 2020 en Californie et qui tire depuis à boulets rouges sur la royauté, surtout son frère William et sa belle-mère Camilla.
Questions sur l’avenir
Malgré sa volonté supposée de moderniser la monarchie et son engagement sur l’environnement, Charles III reste un roi qui suscite peu d’enthousiasme après huit mois sur le trône. Il est bien moins populaire que son héritier William, déjà très impliqué dans les affaires publiques, qui s’est offert un bain de foule jeudi avec son épouse Kate dans un pub du quartier londonien de Soho. Charles a cherché à donner un coup de jeune à son couronnement, plus court que celui de sa mère, invitant des représentants de la société civile et impliquant des responsables de cultes non chrétiens. Tout a été fait pour impliquer le public lors des trois jours de festivités qui se poursuivront dimanche par des repas entre voisins et un concert au château de Windsor puis lundi par un jour férié.
Mais bien des Britanniques ont la tête ailleurs, surtout dans l’inflation bloquée à plus de 10% depuis des mois. L’invitation qui leur a été faite de prêter allégeance au roi devant leur télévision pendant la cérémonie a été jugée souvent maladroite voire condescendante. Lyn Fowler, retraitée interrogée par l’AFP au centre de Londres, trouve l’atmosphère bien moins festive que pour les 70 ans de règne d’Elizabeth II l’année dernière : «C’était plus excitant, plus palpitant, là je suis un peu déçue, vraiment». L’approche du couronnement a aussi donné l’occasion de rouvrir le débat sur l’avenir de la monarchie. Chaque camp a retenu ce qui l’arrangeait des divers sondages réalisés pour l’occasion : l’institution reste défendue par une large majorité de Britanniques, mais ce soutien recule, surtout chez les jeunes.
Quasi invisibles sous Elizabeth II, les militants antimonarchie appellent à manifester samedi à Londres, où plus de 11 000 policiers seront déployés. Hors du Royaume-Uni, dans les 14 autres royaumes dont Charles III est chef d’Etat, l’heure n’est pas à l’allégresse. Le Belize et la Jamaïque ont dit vouloir devenir rapidement des républiques comme l’avait fait la Barbade en 2021. «Beaucoup de Jamaïcains avaient une affection chaleureuse pour la reine Elizabeth II», a expliqué la ministre Marlene Malahoo Forte jeudi sur Sky News. Mais ils ne s’identifient pas au roi Charles.
En Australie, le couronnement est vécu dans une relative indifférence mais le rockeur Nick Cave a accepté l’invitation. Face aux critiques, il a réfuté être monarchiste mais a dit sa curiosité d’assister à «l’événement historique le plus important de notre époque au Royaume-Uni. Non seulement le plus important, mais aussi le plus bizarre.»