Grand prix des rendez-vous de l’histoire : L’historienne Malika Rahal lauréate

10/09/2022 mis à jour: 18:03
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L’historienne Malika Rahal et Ali Bey, gérant de la librairie du Tiers-Monde, à Alger

L’historienne et universitaire algérienne Malika  Rahal a reçu, jeudi en France, le Grand prix des rendez-vous de l’histoire pour son dernier ouvrage Algérie 1962, une histoire populaire publié cette année, chez  les éditions Barzakh a annoncé  l’APS.

 

Le Grand prix des rendez-vous de l’histoire  récompense un ouvrage d’histoire, en langue française, ayant contribué de façon remarquable au progrès de la recherche historique et/ou à sa diffusion, toutes périodes confondues. Un jury composé de professeurs et d’universitaires spécialistes de l’Histoire sélectionne chaque année une liste d’ouvrages, qui entrent en lice pour remporter le prix littéraire du festival. 

La cérémonie de remise du Prix aura lieu le samedi 8 octobre à 18h30, Hémicycle de la Halle aux Grains, suivie du débat proposé par la revue L’Histoire. Parmi les ouvrages  concourant à l’édition 2022 l’on peut citer La vie à crédit. La consommation des classes populaires à Paris (années 1880-1920) d’Anaïs Albert(Éditions de la Sorbonne), La société des voleurs. Propriété et socialisme sous Staline  de Juliette Cadiot(Éditions de l’EHESS), Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy  de Jérémie Foa (Éditions La Découverte), Des pays au crépuscule. 

Le moment de l’occupation coloniale (Sahara-Sahel) de   Camille Lefebvre( Fayard) ou encore Les Ratonnades d’Alger, 1956. Une histoire de racisme colonial  de  Sylvie Thénault (Éditions du Seuil).  
 

Un flash-back très instructif, commémoratif et pédagogique
 

Récemment, au mois de juillet, l’historienne Malika Rahal a signé son nouvel ouvrage intitulé Algérie 1962, une histoire populaire paru chez les éditions Barzakh, à la librairie du Tiers-Monde, place Emir Abdelkader, à Alger. La rencontre avec l’historienne qu’on ne présente plus, Malika Rahal, à la librairie du Tiers-Monde à Alger, nous avait plongés au cœur de l’année héroïque, 1962, celle du recouvrement de sa souveraineté, l’indépendance après la révolution anti-coloniale française (132 ans de colonisation). L’ouvrage intitulé Algérie 1962, une histoire populaire  est  un flash-back très instructif, commémoratif et pédagogique. Ce n’est pas une leçon d’histoire rébarbative et doctorale. 

Un ex-cathedra. Ce discours pompeux du haut de la chaire. Loin de là, Malika Rahal discute, échange, explique et vulgarise avec une démarche, une voix douce, 1962, cette «bonne année» révolutionnaire. Autre chose, avec le sourire en prime. Il faut rappeler que Malika Rahal, 48 ans, est agrégée d’histoire, spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Algérie, chargée de recherche au CNRS. Elle dirige, depuis janvier 2022 l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) de l’Université Paris-VIII. Elle est l’auteure de Ali Boumendjel. Une affaire française, une histoire algérienne (Belles Lettres/Barzakh, 2011) et de l’ouvrage (issu de sa thèse de doctorat) L’UDMA et les Udmistes. Contribution à l’histoire du nationalisme algérien (Barzakh, 2017).
 

Elle raconte la libération des prisons ainsi que celle des camps de concentration
 

Le pitch de l’ouvrage Algérie 1962, une histoire populaire ? L’année 1962 est à la fois la fin de la guerre et la difficile transition vers la paix. Concluant la longue colonisation française marquée par une combinaison rare de violence et d’acculturation, elle voit l’émergence d’un État algérien d’abord soucieux d’assurer sa propre stabilité et la survie de sa population. En Algérie, l’historiographie de l’année 1962 se réduit pour l’essentiel à la crise politique du FLN et aux luttes fratricides qui l’ont accompagnée. Mais on connaît encore très mal l’expérience des habitants du pays. D’où l’importance de ce livre, qui entend restituer la façon dont la période a été vécue par cette majorité.

 L’année 1962 est scandée par trois moments : cessez-le-feu d’Évian du 19 mars, Indépendance de juillet, proclamation de la République algérienne le 25 septembre. L’histoire politique qu’ils dessinent cache des expériences vécues, que restitue finement Malika Rahal au fil d’une enquête captivante, mobilisant témoignages, autobiographies, photographies et films, chansons et poèmes. 

Émerge ainsi une histoire populaire largement absente des approches classiques : elle relate le retour de 300 000 réfugiés algériens de Tunisie et du Maroc, tout en décrivant le désespoir des Français d’Algérie dont le monde s’effondre, elle raconte la libération des prisons ainsi que celle des camps de concentration où était détenu un quart de la population colonisée, et retrace la démobilisation et la reconversion de l’Armée de libération nationale, la recherche des morts et disparus par leurs proches, l’occupation des logements et terres laissés par ceux qui ont fui le pays ou encore les spectaculaires festivités populaires.
 

«1962,  une année populaire»
 

«1962,  une année populaire ? «Une année populaire. Parce que c’est le maximum. Le peuple est au summum tout le temps. 1962, c’est le résultat de ce qui a précédé. La population a joué un grand rôle en occupant l’espace algérien, algérianisé. L’espace de résistance à des risques accrus notamment la vengeance. Ce n’est pas un déchaînement violent. 1962, ce n’est pas une année d’hommes d’exception. Ils sont des Algériens qui accomplissent des miracles. Une année de miracles. 

Des gens ordinaires qui résistent notamment contre l’OAS. L’ouvrage relate le début et la fin de l’année 1962. Les accords d’Evian, la période transition, l’OAS, les responsables du FLN. Doit-on répondre ? La vengeance ? La crise dite de l’été 1962. Le GPRA, Ben Bella, Houari Boumediène, le désarmement des combattants de l’intérieur du pays. C’est un rapport de force et la négociation. 

Une crise politique et reconversion de l’armée. Une transition politique très violente à cause de l’OAS et les violences vengeresses entre Algériens dans le cadre de lutte du pouvoir. Et lutte contre la violence impressionnante de l’OAS...» Ce que fait 1962 à la violence ? «Comme toute fin de guerre, la paix crée une violence accrue.» Ce que fait 1962 au corps ? «1962 dynamise les corps, les rend énergiques. 

Les Algériens dorment peu. Ils peuvent faire des miracles. Cette impression. L’euphorie et l’urgence. Il faut résister, aider, s’entre-aider, se nourrir, s’organiser…» Ce que fait 1962 à l’espace ? « 1962 ouvre un espace où tout le monde circule. Les prisonniers rentrent chez-eux, le retour des réfugiés de Tunisie et du Maroc. Les gens déménagent. Ils recherchent les disparus. Tout le monde se déplace…» «Ce que fait 1962 au temps ? 1962, coupe le temps. Et sépare le passé de l’avenir. 

Une césure, même si la guerre n’est pas finie. La guerre appartient au passé. C’est tourner la page. Cela appartient au passé…» C’est sûr, c’est un ouvrage de référence et de haute facture que celui de Malika Rahal, Algérie 1962, une histoire populaire ». Félicitations  Mme Malika Rahal, à   d’autres consécrations.
 

K. Smail/APS


 

Algérie 1962, une histoire populaire
Malika Rahal
Février 2022
Editions Barzakh
424 pages  

http://www.editions-barzakh.com/
 

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