Accueilli au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (Tna) dans le cadre du «Mois du Théâtre» organisé en célébration du soixantenaire de l’Indépendance de l’Algérie, le spectacle a été mis en scène par Karim Boudechiche sur un texte tiré de l’œuvre Il n’y a pas de hasard (1973) du regretté Djamel Amrani (1935-2005), un traitement dramaturgique de Said Boulmerka et une adaptation et traduction de Lahbib Sayeh.
D’une durée de 65 mn, Taht El Hissar glorifie, à travers un microcosme de la société algérienne représenté par la famille du docteur Mokrane, le sentiment de cette conviction inébranlable qui a habité le peuple algérien entier à embrasser la cause nationale durant la Guerre de libération. Attitude militante qui a révélé la grandeur des Algériennes et Algériens, la discrétion, évidemment maître-mot de toute action menée en faveur du mouvement national, était vécue au fond de chacun des membres de la famille du docteur Mokrane qui avaient tous, séparément, rejoint les rangs de la résistance comme un siège intérieur au-delà de celui réellement décrété par l’armée coloniale.
Dans un contexte où la ville était complètement assiégée, la conviction de se livrer corps et âme à un combat juste et la détermination de servir sa patrie quel qu’en soit le prix, généraient, à des moments différents et de manière naturelle - car, après tout, il s’agit de sentiments humains - quelques troubles où le doute se mêlait à l’incertitude, mais vite rattrapés par l’idée de vivre dans un pays libre qui engendrait alors, courage, loyauté et bravoure.
Loin de découvrir qu’il était le chef d’une famille de fedayins, le docteur Mokrane était quant à lui, respecté de tous les notables de la ville, ainsi que des officiers militaires et municipaux de l’administration coloniale qui le croyaient ainsi, acquis à leurs thèses expansionnistes et leur idéologie coloniale, moins que ses enfants à la maison qui, eux, voyaient en lui tout juste «un citoyen étrangement neutre !».
Chaque membre de cette famille militante s’étant fait, à l’insu des autres, le serment de défendre sa chère patrie, une des opérations à laquelle ils avaient tous participé va les contraindre de se dévoiler les uns aux autres, découvrant avec fierté que le docteur Mokrane était en fait le maître à penser de tout ce groupe de fedayins. Se donnant la réplique dans un rythme ascendant, Saber Amior, Said Boulmerka, Raouf Bouguenez, Kamel Toreche, Fayçal Benjamaa, Tayeb Chidouh, Racha SaadAllah, Djawhara Draghla, Hasina Nekab, Sihem Mebirouk, Nacer Sifeddine Bendif et Abdelouahab Rahai ont réussi à porter la densité du texte, occupant tous les espaces de la scène dans des échanges pertinents, glorifiant le combat libérateur contre le colonialisme français. La scénographie était faite d’un éclairage judicieux qui a su créer les atmosphères adéquates à la solennité des différentes situations de la trame et d’un décor fonctionnel qui suggérait le repère spatial du spectacle intérieur maison, laboratoire d’explosifs et commissariat notamment.
La bande son, œuvre d’Abdeladim Khomri, a également réussi à relever le ton du spectacle avec des corpus musicaux porteurs de l’esprit de l’événement historique et de la détermination à servir la cause nationale. Monté dans une nouvelle conception focalisée sur l’aspect humain des fedayins algériens, nous avons tenté d’aborder le côté psychologique de la Révolution algérienne par l’exploration et la mise en valeur des pulsions internes qui ont propulsé chaque personnage du spectacle, militant de la bonne cause, à aller de l’avant pour que vive enfin l’Algérie, libre et indépendante, a expliqué Karim Boudechiche.
Le spectacle Taht El Hissar a été produit par le Théâtre régional de Skikda dont le directeur Sofiane Attia, de retour à la pratique de sa passion, était présent et à qui un accueil chaleureux a été réservé, tant par ses pairs que par le public.