C’est la rentrée politique en Espagne. Après les élections législatives, vient maintenant la période consacrée à l’élection de la présidence du Parlement, qui constitue la première étape avant l’investiture du Premier ministre. Le Parti socialiste (PSOE) a obtenu une majorité suffisante pour contrôler l’hémicycle grâce au soutien des indépendantistes catalans. Cependant, la perspective d’une investiture demeure lointaine pour Pedro Sánchez.
C’est la socialiste Francina Armengol, ancienne présidente de la région des Baléares, qui présidera l’hémicycle. Elle a été élue jeudi présidente du Congrès des députés avec 178 voix sur les 350 que compte la Chambre, après avoir obtenu le soutien de deux partis indépendantistes catalans : l’ERC, avec lequel elle a conclu un accord, et Junts, dirigé par Carles Puigdemont, actuellement en fuite en Belgique pour échapper à des poursuites en Espagne.
Mme Armengol est connue pour ses positions pro-Polisario. Elle était parmi les rares hauts cadres du PSOE à s’opposer ouvertement au soutien de Pedro Sanchez au plan marocain d’autonomie au Sahara occidental, annoncé le 18 mars 2022.
Au lendemain de cet appui, elle avait exprimé son «soutien au peuple sahraoui qui mérite de vivre dans la paix et la liberté». Francina Armengol avait rappelé sa position en août 2022. La question est de savoir maintenant qu’elle est à la tête de la chambre basse du Parlement espagnol si elle restera fidèle à la cause sahraouie.
Mme Armengol a remporté la présidence face au candidat du Parti populaire conservateur (PP) qui, avec 137 sièges, n’a pas réussi à obtenir le soutien nécessaire des autres partis pour obtenir une majorité suffisante.
La socialiste a bénéficié du soutien des 31 députés du groupe de gauche (Sumar), des six députés d’EH Bildu (indépendantistes basques), des cinq députés du parti nationaliste basque (PNV) ainsi que d’un député des nationalistes galiciens (BNG). La socialiste devient la quatrième femme à occuper la présidence du Congrès espagnol, précisément lors de la 15e législature.
Elle représentera ainsi la troisième autorité la plus haute de l’État, après le roi et le président du gouvernement. À la Chambre haute, le leader du Parti populaire, Pedro Rollán, a été élu nouveau président du Sénat avec 142 voix, lors de la session constitutive, obtenant la majorité absolue lors du premier vote.
Avec toutes ces avancées dans le calendrier, quand y aurait-il un président du gouvernement espagnol ? En cas d’investiture gagnée du premier coup, le président pourrait prendre ses fonctions le 8 septembre. Dans le cas contraire, l’échéance est fixée au mois d’octobre au plus tard.
Selon les observateurs, cette élection est de bon augure pour Pedro Sánchez qui pourrait être à nouveau investi en tant que Premier ministre dans les jours à venir, évitant ainsi la tenue de nouvelles élections. Toutefois, les deux partis indépendantistes catalans qui ont apporté leur soutien à M. Armengol ont souligné que cela n’impliquait pas automatiquement qu’ils soutiendraient une éventuelle investiture de M. Sánchez au poste de Premier ministre.
La droite est-elle la grande perdante ? Donnés gagnants au printemps, les conservateurs étaient effectivement arrivés en tête lors des élections législatives. Cependant, les résultats ont été bien en deçà de leurs attentes.
Cela a conduit à leur rapprochement avec Vox (33 sièges), qui est déjà leur allié dans plusieurs régions. Cependant, il est important de noter que l’extrême droite, en proie à des divisions internes, a finalement choisi de siéger à part lors de la constitution du Parlement, marquant ainsi sa séparation.
Alberto Núñez Feijóo, le dirigeant du Parti populaire (droite), qui vise également le poste de Premier ministre, a essuyé un échec retentissant lors de cette session d’ouverture du Parlement. Sa candidate à la présidence de l’assemblée, Cuca Gamarra, qui espérait obtenir 172 voix et anticipait ainsi une victoire en cas d’abstention des députés de Junts, n’a finalement récolté que 139 voix.
Celles-ci proviennent des 137 députés du PP ainsi que des élus de deux petits partis régionaux. Les 33 députés de Vox, un parti d’extrême droite sur lequel le PP comptait, ont en effet choisi de voter pour leur propre candidat.
Le Congrès autorisera les langues co-officielles
Pour présider la chambre basse du parlement, le PSOE a tout de même dû faire des concessions. La nouvelle présidente du Bureau du Congrès, Francina Armengol, a annoncé son intention d’autoriser l’utilisation des langues co-officielles, telles que le catalan, le galicien et le basque, entre autres, au sein de la chambre basse. L’Espagne a également formulé la demande que ces trois langues soient reconnues comme langues officielles et de travail au sein de l’Union européenne.
Cette démarche revêt une grande importance, car elle répond à l’une des exigences des partis nationalistes pour soutenir l’investiture de la socialiste Francina Armengol à la présidence du Bureau du Congrès des députés. Bien que la mesure soit limitée au Conseil européen (elle ne concerne ni la Commission ni le Parlement), il s’agit d’un pas symbolique vers la reconnaissance de ces langues parmi l’ensemble des langues parlées dans l’Union européenne.
L’Espagne n’est d’ailleurs pas pionnière en la matière. Sur les 27 États membres de l’Union, cinq ont actuellement une ou plusieurs langues officielles reconnues : la Finlande (finnois et suédois), l’Irlande (irlandais ou gaélique et anglais), la Belgique (français, allemand et néerlandais), le Luxembourg (allemand et français) et Malte (anglais et maltais). Après son élection, Armengol s’est rendue à la Zarzuela pour informer le Roi, chef de l’État.
C’est ainsi qu’aux alentours du 21 août, la ronde des contacts aura lieu, au cours de laquelle Felipe VI, conformément aux fonctions qui lui sont attribuées par la Constitution, proposera qui sera chargé de se soumettre à la séance d’investiture en vue de devenir président du gouvernement espagnol.