Pierre Audin est décédé, dimanche à Paris, à l’âge de 66 ans. Fils de Maurice Audin, militant de la cause algérienne, Pierre est décédé des suites d’une maladie, selon ses proches.
Professeur de mathématiques, le défunt avait poursuivi les combats de ses parents, Josette et Maurice Audin, exécuté par les forces coloniales françaises pour son soutien à la Révolution algérienne. Il avait à peine un mois et demi lorsque son père a été arrêté en 1957 à son domicile à Alger par les parachutistes du 1er R.C.P. Ces dernières années, depuis la reconnaissance en 2018 du crime d’Etat commis par l’armée française sur son père pendant la guerre d’Algérie, Pierre avait donné de son temps, et de la voix, pour défendre les libertés individuelles et collectives.
Sur les traces de son père dont il était le digne héritier, il est resté attaché, intrinsèquement, à cette Algérie libre qui l’a vu naître. Le président français Emmanuel Macron a reconnu, en septembre 2018, «au nom de la République française», que le jeune mathématicien communiste Maurice Audin avait été «torturé à mort, ou torturé puis exécuté par l’armée française». Il avait aussi demandé «pardon» à Josette Audin, sa veuve. Il a fallu, tout de même, plus de 61 ans pour que la France reconnaisse ce qu’elle avait fait. Pierre Audin, qui était responsable au sein de l’Association Josette et Maurice Audin, avait assisté en juin 2022 à l’inauguration du buste de son père à la place éponyme à Alger, et ce, à la veille de la commémoration du 65e anniversaire de sa tragique disparition.
Le fils du militant de la cause algérienne avait exprimé sa fierté de se retrouver sur cette place qui porte le nom de son père, fervent défenseur de la cause algérienne. «La stèle, je la connais depuis qu’elle a été érigée en 2012. Mais la place a été nommée ''Maurice Audin'' depuis 1963, alors qu’elle s’appelait Lyautey avant. Ça me fait très plaisir personnellement qu’on ait remplacé un colon, un massacreur, par quelqu’un comme Maurice Audin, qui était un intellectuel et un militant pour l’indépendance de l’Algérie et pas pour le massacre des peuples. Je trouve que c’est une bonne chose», avait-il alors déclaré dans un entretien accordé à El Watan.
«Il faut faire éclater la vérité»
Il avait aussi appelé à l’ouverture des archives, l’accès aux témoignages… «C’est fondamental, de façon à ce qu’on réussisse à tout savoir sur ce qui s’est passé», insiste-t-il, réclamant la vérité sur l’assassinat de son père, sur l’endroit où sa dépouille a été enfouie et sur les autres disparus de la guerre de Libération. «Il faut faire éclater la vérité, dire la vérité. Il n’y a pas lieu de demander pardon à ma mère. Ça serait trop simple de demander pardon à ma mère ou à la femme d’Ali Boumendjel ou au peuple algérien... », disait-il.
Et d’ajouter : « (…) Ce qui est fondamental, c’est de dire la vérité. C’est de dire : voilà ce qui s’est passé, laissons la place aux historiens pour faire des commentaires, pour dire les choses au grand public… Mais voilà ce qui s’est passé. Il ne s’agit pas de pardon, il ne s’agit pas d’excuses.» «Mon père se décarcassait pour le journal du Parti communiste algérien, Liberté. Après cent trente-deux ans de colonialisme avec un peuple bâillonné et contraint de courber l’échine, après sept ans d’une guerre sauvage, violente, l’Algérie aurait dû être la première sur les droits humains et les libertés», avait-il confié au quotidien l’Humanité, après sa visite d’Alger.
«Elle a aujourd’hui les moyens d’avancer vers une société solidaire, grâce à sa première richesse : la jeunesse.» Pierre Audin avait été reçu en mai 2022 par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique dans le cadre de l’encouragement du partenariat entre les établissements de recherche scientifique et l’Association Josette et Maurice Audin.
Le défunt avait, de son vivant, plaidé en faveur de la pérennisation du Prix de mathématiques Maurice-Audin attribué, en même temps, à deux chercheurs, (un Algérien et un Français) activant dans le domaine.