Les annonces officielles évoquant la réduction de la précarité ou, mieux, la relance économique, réservent parfois des surprises qui laissent les observateurs dubitatifs quant à l’efficacité des programmes engagés.
L’opportunité qui sera offerte aux salariés de prendre un congé d’un an pour lancer leur entreprise et de rejoindre leur poste en cas d’échec apparaît comme un objet social non identifié. En dehors du fait que la période d’une année suffit à peine à installer les bases de son projet, après une étude de marché sommaire, cette initiative n’est pas extrêmement convaincante, ni encourageante pour l’employeur ou le salarié. Dans l’absolu, elle peut apparaître comme une prime à la banqueroute.
C’est un véritable paradoxe d’envisager qu’en échouant dans l’entreprise, on ne perd pas son travail, on le gagne. L’annulation de toute idée de prise de risque réduit la notion de l’entrepreneuriat à sa plus simple expression, quand elle ne la vide pas totalement de sa substance.
Ce sera une réédition de l’épopée Ansej, tant décriée, désavouée par les jeunes bénéficiaires eux-mêmes qui, au moment critique de leur parcours, se disent bernés par le discours politique leur promettant le succès sans conditions de leurs entreprises. Du côté des employeurs, il n’est pas sûr de déceler de l’enthousiasme au sujet du projet gouvernemental inclus dans la révision de la loi relative aux relations de travail. Quand une entreprise fixe des objectifs de développement précis, il ne sera pas simple d’adopter de nouvelles dispositions appuyant la mise en disponibilité des employés. La flexibilité de l’emploi est une exigence moderne et éprouvée, mais quand l’unité de mesure est ramenée à une année, elle devient ingérable.
La révolution ou le déclic qui induira une relance de la vie économique ne viendra pas du sommet, mais prioritairement de l’initiative individuelle. La démarche officielle emplie de générosité et de bonnes intentions peut être d’une parfaite inanité si la volonté de s’émanciper et de s’accomplir n’émane pas du corps social. «Il suffit de traverser la rue pour trouver du travail», a dit un jour un chef d’Etat à l’adresse de jeunes qui réclamaient de meilleures perspectives sociales dans leur pays. Le recul du sens de l’initiative et de l’esprit d’entreprise ne peut pas être résorbé par la simple attitude volontariste des autorités. Celles-ci, en multipliant et en relayant à l’infini les dispositifs de filet social, ne font le plus souvent que perpétuer la précarité ou ouvrent la voie à de nouvelles formes d’iniquité sociale.
Un responsable associatif local a fait remarquer, ces derniers jours, que les pré-emplois seront désormais régularisés mais payés, en travaillant cinq heures par jour, à un niveau équivalent à celui des chômeurs, promis à une allocation mensuelle de 13 000 DA. Ce sera en simplifiant et en rénovant le cadre juridique entourant la création d’entreprise et l’investissement que le pays pourra sortir de l’ornière sociale pour s’engager dans une réelle dynamique de développement.