Le commissaire du festival, Abdelkader Djeriou, a rendu un vibrant hommage au septième art et à celles et ceux de son métier, notamment dans le rang des plus jeunes.
C’est en grandes pompes, vendredi soir, que la cérémonie d’ouverture de la 12e édition du Festival international d’Oran du film arabe a eu lieu, une manière de marquer d’une pierre blanche le retour de ce festival après une interruption de six années. L'événement s’étant déroulé à l’auditorium de l’hôtel Méridien, pour pouvoir y assister, il fallait au public être soit muni d’un carton d’invitation ou s’être préalablement inscrit sur le site du festival.
L’un dans l’autre, ce spacieux auditorium, pouvant accueillir des milliers de places, a été bien garni, ce qui a donné à la cérémonie l’ambiance qui lui allait. Abdelkader Djeriou, commissaire du festival, a fait son apparition sur scène en étant attifé d’un keffieh palestinien, une manière de montrer sa solidarité (et partant, celle de tout le festival) à la cause palestinien.
Dans son discours d’ouverture, il a aussi rendu un vibrant hommage au septième art et à celles et ceux de son métier, notamment dans le rang des plus jeunes, qui ne se découragent pas à persévérer afin de pouvoir percer dans ce monde ô combien complexe et en même temps jubilatoire. La ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, était également présente sur les lieux, ainsi que le wali d’Oran, Saïd Sayoud.
Dans son discours, Soraya Mouloudji a réitéré l’engagement de l’Etat à davantage booster le secteur cinématographique algérien, et ce, à travers la mise en place, ces deux dernières années, de plusieurs projets. Elle a cité entre autres la Cité du cinéma, qui est implantée dans le sud du pays, le Centre national des archives cinématographiques, l’Institut supérieur de cinéma (baptisé au nom du cinéaste Mohamed Lakhdar Hamina), ou encore un lycée exclusivement réservé aux arts, unique en son genre au niveau africain, a-t-il expliqué. C’est la comédienne algérienne Adila Bendimerad qui, la première partie de la soirée, a rendu un hommage, elle aussi, à la Palestine et au cinéma palestinien.
«Je dis choukran à l’Algérie»
D’ailleurs, on pouvait aussi compter sur la présence du cinéaste ghazaoui Rashid Masharaoui, qui est monté sur scène pour exprimer sa joie et sa fierté de participer à ce festival et faire voir au public, en avant-première, Grand Zéro, cette série de 22 courts métrages palestiniens tournés au pied levé à Ghaza depuis le 7 octobre 2023, c'est-à-dire, dans des conditions extrêmes tant les bombardements faisaient rage.
Des minifilms se voulant un miroir de la vie ghazaouie et dont les scènes ont été tournées parfois en direct et parfois reconstituées, le but étant de prendre, par le truchement du cinéma, le monde entier à témoin. Des moments plus légers étaient aussi de mise dans cette cérémonie, notamment quand l’acteur Khaled Benaissa, ayant animé la deuxième partie de la soirée, s’est complu à un numéro humoristique, faisant esclaffer de rire l’assistance, ou lorsqu’il «enquiquinait» le président du jury des longs métrages, l’acteur Samy Boualdjia, quand il était monté sur scène pour prendre la parole.
A ce propos, on a appris que certains invités de cette 12e édition, à l’image du cinéaste irakien Fadel Abbès et du syrien Djoud Saïd, qui devaient être respectivement les présidents de jury des films documentaires et des courts métrages n’ont malheureusement pas pu se déplacer à Oran.
Cependant, assure Zahra Harkat, l’autre animatrice de la soirée, tout sera fait pour qu’ils puissent voir les films à distance et se concerter, par visioconférence, avec les membres de leurs jury.
Un peu après, ce fut au tour du cinéaste égyptien, Mahmoud Hamida, de monter sur scène pour recevoir une distinction récompensant l’ensemble de sa carrière. En prenant la parole, il s’est déclaré heureux de se retrouver à Oran, dans ce festival qui a été l’un des premiers (bien avant que d’autres aient vu le jour ici et là) à se consacrer exclusivement au cinéma arabe, ce cinéma particulier qu’on peut qualifier «d’auteur» tant un très grand nombre de ses productions relatent la vie sociétale, celle des petites gens, loin de blockbusters et autres films d’action.
Costa Gavras, le génial réalisateur grec, à qui on doit nombre de grands films, était également présent et un hommage en bonne et due forme lui a été rendue, à lui et sa femme la productrice Michèle Ray-Gavras. «Nous ne nous séparerons jamais, nous sommes mariés à l’Algérie», avait-il déclaré sous une salve d’applaudissements alors qu’il était entouré de sa femme et d’Ahmed Rachedi, un vieil ami qu’il connaît depuis l’aventure Z. «Je voudrais avant tout dire un immense choukran à l’Algérie parce que ce pays a eu un rôle très important dans ma vie personnelle et professionnelle. Grâce à l’Algérie, j’ai pu faire le film de mes rêves (nldr : Z) que tout le monde, alors, avait refusé.
C’est grâce à l’Algérie qu’il a pu se faire ; faire le tour du monde, et en même temps, me donner une liberté totale pour, par la suite, de faire les films que j’ai voulus». Et de dire aussi qu’avec le retour du Festival d’Oran et de la discussion qu’il a eue avec la ministre de la culture, Soraya Mouloudji, il a compris qu’il avait une sorte de «renouvellement» du cinéma algérien, rappelant qu’à l’époque du tournage de Z, soit à peine quelques années après l’indépendance, il existait déjà dans le pays une superbe dynamique autour du cinéma.
Projection de 60 films
Michelle Ray-Gavras a évoqué, quant à elle, le souvenir de la cérémonie hollywoodienne, quand le film Z avait fait obtenir à l’Algérie son premier Oscars, Elle a aussi déclaré avoir produit 3 films en Algérie : à Sétif, Tlemcen et Alger, et se considère, donc, comme une productrice algérienne. Le troisième hommage de cette cérémonie devait être rendu à Mohamed Lakhdar Hamina, mais n’ayant pu se déplacer à Oran, c’est finalement son fils qui est venu à sa place recevoir la distinction.
Cependant, Lakhdar Hamida - ce formidable réalisateur algérien ayant fait obtenir à l’Algérie la palme d’or du festival de Cannes 1975 avec Chronique des années de braise - s’est exprimé via une vidéo. «C’est avec une émotion profonde et une immense gratitude que je reçois cet hommage du festival d’Oran du film arabe», a-t-il déclaré.
Cet honneur ne représente pas seulement une reconnaissance de mon parcours mais celle de toutes les personnes qui ont œuvré à mes côtés : artistes, techniciens, créateurs, qui ont chacun à leur manière contribué à la réalisation de mes films. Mon engagement pour le cinéma est avant tout un engagement envers l’Algérie dont la culture et l’histoire m’ont toujours inspirés. Ainsi que pour le cinéma arabe et africain, véritables miroirs de nos sociétés.
Chaque film, chaque projet est une tentative de porter haut la voix de notre raison, de mettre en lumière la richesse de nos récits, de nos valeurs et de nos réalités. A travers mon travail, j’ai également cherché à tisser des ponts avec le cinéma mondial pour affirmer que les histoires locales peuvent toucher l’universel. Rappelons enfin qu’en cette semaine, ce sont 60 films qui seront projetés tous les jours à Oran, entre le cinéma Maghreb, la salle Es Saada et la Cinémathèque. Parmi eux, une quarantaine de films sont en lice pour décrocher le Wihr d’or à l’occasion de la cérémonie de clôture qui aura lieu le jeudi 10 octobre.