Pour sa première visite au Bénin, Anastasie Badet s’estime chanceuse d’avoir pu assister aux côtés de milliers d’autres spectateurs à la première édition du festival de masques de Porto-Novo, la capitale du Bénin.
«Ç’a été magnifique. C’était très beau, haut en couleurs», dit cette touriste venue de France avec ses enfants découvrir un pan de la culture béninoise, en particulier le vaudou. Le culte vaudou est basé sur les forces de la nature et le lien avec les ancêtres, dont les représentations peuvent être des objets ou des éléments naturels. A quelques mètres de Mme Badet, Séverin Alodé, 43 ans, un dignitaire vaudou, un pagne noué à la taille et des perles au cou, explique qu’il n’a «jamais vu une telle effervescence. C’est une première». «J’en suis très ému. J’ai vu des masques que je n’avais jamais eu la chance de croiser avant», ajoute-t-il.
Le festival des masques de Porto-Novo, qui s’est tenu sur trois jours, du 2 au 4 août, a été créé à l'initiative du gouvernement béninois et la municipalité, pour remplacer le festival international de Porto-Novo, événement culturel organisé habituellement en janvier. Des dizaines de personnes portant différents masques venus de tout le pays ont défilé. D'autres masques originaires du Togo et du Burkina Faso ont également été exposés sur l›avenue principale de la ville. Les principales pièces du festival, les masques «Gonouko», de tailles variées et pouvant aller jusqu’à 15 mètres de haut, ont paradé à plusieurs reprises. Ces masques rares du Bénin et uniquement disponibles à Porto-Novo, se distinguent par leur forme mince et allongée, pouvant se ramollir très facilement.
Valoriser la culture
Au rythme des tambours et instruments traditionnels, le boulevard lagunaire s’est transformé en un vaste espace animé où certaines personnes portant des masques ont réalisé des acrobaties sous le regard admiratif du public et de responsables gouvernementaux. Avant le festival, des sacrifices et cérémonies rituelles se sont tenus loin des regards non-initiés. «On a diverses variétés avec des fonctions allant de la résolution des problèmes sociaux, à la résolution de ceux liés à l’infertilité», affirme Balè Atchadé, un autre dignitaire vaudou de 65 ans, tenant un petit bâton à la main, symbole de pouvoir.
«La ville de Porto-Novo se distingue désormais, car nous avons un événement qui la met en lumière avec ce genre culturel qui nous a manqué jusque-là», a indiqué Charlemagne Yankoty, maire de la capitale. Selon lui, «le festival des masques vient rehausser la culture béninoise, et révéler toute sa valeur au plan patrimonial et culturel». Le Guèlèdè, patrimoine mondial de l’Unesco, mais aussi les Bourian, les Assassa, les échassiers juchés sur des piquets, les veilleurs de nuit communément appelés Zangbéto, le Kaléta... les masques étaient nombreux à nourrir le spectacle. Même le Hounvè, reconnu comme un masque difficile à obtenir, a eu droit à son passage.
«Ce masque n’est pas vaudou pour tout le monde. Mais il l’est uniquement pour les Setto. Si vous n’êtes pas de cette ethnie, vous ne pourriez être adeptes», explique Adanklounon Ado Setondji, 51 ans, dignitaire vaudou. «Nos parents savaient bien cacher le Hounvè, mais comme nous autres sommes dans la logique de la valorisation, nous devons sortir les masques et les montrer au public», confie-t-il.
Mahougnon Kakpo, 59 ans, président du comité national des rites vaudou soutient que la parade a valorisé des masques profanes, mais également sacrés. «Le masque est un élément de l’identité de tout peuple et existe dans toutes les civilisations», indique l’enseignant à l’université et ex-ministre des Enseignements secondaires béninois. Il faut y voir «la beauté de notre culture et notre richesse», souligne Ayaba Collete Dossou, une reine traditionnelle locale. «En plus de faire découvrir ces masques au public, nous suscitons des vocations», lance ce membre du comité national des rites vaudou. Fréderica Nzamba, touriste trentenaire originaire du Bénin, y séjourne pour «mieux découvrir et comprendre sa culture» après 16 ans de vie hors du pays. Ce festival était pour elle «une aubaine et une fierté».