Ferdi Sabah. archéologue et maître de recherche : «La création d’une direction générale pour les parcs culturels est indispensable»

02/05/2023 mis à jour: 08:56
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Directrice de recherche émérite, la notoriété de l’archéologue Ferdi Sabah a dépassé les frontières algériennes. Elle a écrit des ouvrages inhérents au patrimoine archéologique national. Son intérêt s’est accentué sur l’importance des parcs culturels en Algérie, depuis qu’elle avait travaillé avec le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), à la suite d’une mission de recherches consacrée depuis des années aux parcs culturels algériens. Sa conférence a suscité un intérêt grandissant au sein d’une assistance mixte, peu nombreuse, constituée d’universitaires et d’étudiants dévoués pour la protection du patrimoine algérien au pluriel. Sollicitée par nos soins à l’issue de son intervention qui s’est déroulée au siège de l’ENSCRBC de Tipasa, Sabah Ferdi, retraitée aujourd’hui, a voulu répondre à nos questions.

Propos recueillis par M’hamed  Houaoura

  • Vous venez de donner un aperçu sur l’importance des parcs culturels, à travers votre conférence. C’est très instructif !

En effet. C’est un précieux patrimoine que nous devons mettre à tout prix en valeur. L’Algérie compte cinq parcs culturels. L’Ahaggar, Tassili N’Ajjer, Touat-Gourara-Tidikelt, Atlas saharien et Tindouf. Ces parcs culturels constituent des outils de conservation de la biodiversité. Ces parcs ont vu le jour pour la première fois en 1972 avec la création du parc national de Tassili N’Ajjer. Le parc national de l’Ahaggar a été créé en 1987. Quant aux trois nouveaux parcs culturels, en l’occurence l’Atlas saharien et ceux de Tindouf et Touat-Gourara-Tidikelt, ont été créés en 2009. Les cinq parcs culturels algériens constituent un réseau de territoires habités, à dominance rurale, d’importance nationale et souvent internationale en raison de la richesse de leurs patrimoines culturel et naturel. Ils couvrent une superficie de 1 042 557 km2, soit plus de 43% du territoire national. 

Ils regroupent 151 communes implantées au niveau de 10 wilayas du pays. Ils sont à l’heure actuelle une réalité tangible et un opérateur effectif de la gestion et du développement de leurs territoires. Ils ont pour mission de préserver les patrimoines naturels et culturels d’importance exceptionnelle. Les parcs culturels sont des espaces protégés qui abritent à la fois des richesses naturelles et culturelles exceptionnelles. En effet, ces parcs sont le reflet d’une histoire, de traditions, de savoir-faire et de pratiques culturelles spécifiques à leur territoire. 

La préservation de ces parcs est indispensable pour maintenir leur équilibre écologique et préserver la biodiversité, mais également pour protéger leur patrimoine culturel immatériel et matériel. Il faut revoir et mettre à jour la loi la 98- 04. L’Algérie a besoin d’une loi qui doit être adaptée à la situation actuelle, afin de protéger ces parcs et leur donner un sens dans le cadre de la stimulation du développement économique et social de notre pays, avec l’avènement de la numérisation, autant d’élements qui permettent de créer des emplois et des richesses dans leurs régions respectives. Les parcs culturels nationaux ont donc pour mission de préserver les patrimoines naturels et culturels d’importance exceptionnelle.

  • Comment gérer ces parcs ? Quelle stratégie  adopter pour leur conservation ?

La gestion efficace des grands parcs culturels peut être un défi complexe. La stratégie générale en mesure d’assurer une gérance éfficace s’articule sur 6 aspects, en l’occurrence, la planification stratégique ; l’implication des communautés locales ; la gestion des ressources humaines ; la conservation et la préservation ; le marketing et la promotion ; et enfin la mise en place d’un plan de gestion pour chacun des parcs culturels selon ses spécificités. Il y a moult patrimoines qu’il faut protéger et exploiter dans le cadre du développement durable, tels que le patrimoine matériel et immatériel, le patrimoine paysager, le paysage lunaire, le patrimoine faunistique, le patrimoine floristique, le patrimoine géologique, le patrimoine de la terre, le patrimoine des hamadas, le patrimoine rupestre, l’organisation de la distribution de l’eau, les carrières.

  • Mais alors, comment valoriser ces parcs culturels ?

La valorisation des parcs culturels est essentielle pour attirer les visiteurs et assurer leur durabilité à long terme selon des axes précis, tels la création des programmes éducatifs, les expériences immersives, la mise en place des circuits touristiques et la création du site web, le développement participatif des réseaux sociaux.En mettant en œuvre ces stratégies, les parcs culturels peuvent accroître leur visibilité, attirer des visiteurs et renforcer leur impact culturel et économique sur la région.

  • Dans ce cas, selon vous, quel plan de conservation allez-vous proposer pour adopter ces parcs ? 

La conservation combine plusieurs actions, d’abord la conservation physique des vestiges par des mesures matérielles appropriées et ensuite la protection juridique, qui intègre des mesures à l’égard du foncier, encore plus la propriété du terrain et des vestiges et assure la connectivité avec d’autres mesures réglementaires et législatives. C’est un aspect crucial de la gestion des parcs culturels. Néanmoins, je suggère quelques éléments-clés dédiés à un plan de conservation pour les parcs culturels. Je vous cite les inventaires et l’évaluation des ressources culturelles, l’élaboration du développement d’un plan de gestion qui inclut des mesures de surveillance, de restauration et de préservation, la formation et la sensibilisation du personnel, une surveillance et un entretien réguliers, la préservation des ressources naturelles. En élaborant un plan de conservation complet, les parcs culturels peuvent garantir la préservation à long terme de leurs ressources culturelles pour les générations à venir.

  • Quelle activité peut-on promouvoir dans ces parcs culturels ?

Il existe de nombreuses activités intéressantes qui peuvent être promues dans les parcs culturels pour attirer les visiteurs et leur offrir une expérience mémorable. Je citerai les visites guidées qui peuvent être organisées pour permettre aux touristes locaux et étrangers de découvrir les trésors culturels et historiques du parc, avec l’aide d’un guide expérimenté, l’organisation des spectacles de musique et de danse traditionnelles peuvent être organisés pour offrir aux visiteurs une expérience immersive de la culture locale, la tenue des ateliers d’artisanat peuvent offrir aux visiteurs la possibilité de participer à des activités créatives, telles que la poterie, la vannerie, le tissage… et de repartir avec leur propre création, la création des événements culturels, tels que les festivals gastronomiques, les expositions d’art ou les marchés de producteurs, peuvent être mis en place pour permettre aux visiteurs de découvrir la culture locale sous un angle différent ; l’organisation des parcours et des excursions peuvent être organisées pour permettre aux visiteurs de découvrir les paysages naturels et les sites historiques du parc, avec bien sûr des guides expérimentés pour fournir des informations sur l’histoire et la culture de la région, l’organisation des activités de plein air peuvent permettre aux visiteurs de profiter de la nature, tout en découvrant la culture locale. 

A mon humble avis et à travers le résultat de mes recherches durant des années, j’estime sérieusement que nos parcs culturels sont des éléments essentiels de notre environnement. Ils sont riches en histoire, en biodiversité et en ressources naturelles, et sont souvent intimement liés à notre identité culturelle. Cependant, ils sont confrontés à de nombreux défis tels que la dégradation de l’environnement, l’urbanisation et le développement économique non planifié. Il est donc essentiel de les protéger et de les préserver pour les générations futures.

  • Votre conclusion pour cet entretien ?

Il faut mettre d’abord en réseau les parcs culturels que j’estime est une excellente façon de promouvoir la coopération, le partage de connaissances et de ressources, et de renforcer l’impact culturel et économique de ces parcs. Il faut établir des partenariats, organiser des événements et des projets communs, échanger des informations et des connaissances, utiliser les réseaux sociaux, les sites web et enfin collaborer avec les autres acteurs, notamment locaux qui interviennent autour du parc culturel, afin de renforcer l’impact de ces parcs culturels sur la région, pour qu’à l’avenir les rendre plus attrayants, en attirant les touristes qui et mettre en réseau les différents parcs culturels, c’est important Aujourd’hui les moyens technologiques sont des puissants atouts qui doivent être exploités, afin de renforcer la communication et la solidarité entre les parcs culturels. Je dois vous préciser que le classement d’un nouveau parc culturel verra le jour, il s’agit du parc culturel des Aurès et les sites web sont considérés comme étant des outils puissants, qui renforcent la communication entre les parcs culturels, qui seront appelés à collaborer avec les autorités des wilayas et des communes, les universités, les opérateurs économiques, et les associations, afin de renforcer et consolider leur impact culturel et économique sur la région. 

C’est une perspective sérieuse et rentable. Le plan d’aménagement général des parcs culturels n’est pas encore approuvé par le gouvernement. Sous d’autres cieux, il existe des institutions nationales qui dirigent ou coordonnent les parcs culturels. Par exemple, aux États-Unis, le National Park Service gère un certain nombre de parcs culturels, tels que le Parc national de Mesa Verde et le parc national de la vallée de la mort. 

De même, en Espagne, le réseau des parcs nationaux est géré par l’Organisme autonome des parcs nationaux. Par conséquent, pour organiser la gestion des parcs culturels, il est important de mettre en place une structure de gouvernance efficace qui peut garantir une gestion durable, transparente de ces espaces culturels. 

Cette structure centrale indépendante devra être pourvue d’un conseil d’administration. La direction générale des forêts est un exemple. Pourquoi pas une DG pour les parcs culturels qui occupent plus de la moitié de notre territoire national ? 

Enfin, il ne faut pas perdre de vue un partenariat avec les autorités, les opérateurs économiques qui entourent chaque parc culturel, afin de fournir un soutien financier, technique et logistique pour la gestion des parcs, dans l’intérêt du développement social et économique local.

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