Faudrait-il changer le paradigme en matière salariale en Algérie ?

21/09/2024 mis à jour: 08:14
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Oui, il serait pertinent de revoir les paradigmes salariaux pour mieux refléter les réalités économiques modernes et les aspirations des travailleurs, notamment en favorisant l’équité, la flexibilité et l’adaptation aux nouvelles formes de travail.
Pourquoi un changement s’impose ?


La politique salariale inappropriée en Algérie en 2024 reflète bel et bien des disparités persistantes entre les secteurs public et privé, avec des salaires insuffisants face à l’inflation et aux coûts de la vie croissants. Cela entraîne une frustration sociale, une perte de motivation et limite l’attractivité du marché du travail national.


En Algérie, beaucoup de jeunes se trouvent devant le choix difficile entre travailler honnêtement ou rechercher l’argent facile, souvent lié à des activités illégales ou informelles. Le travail, bien qu’offrant une stabilité à long terme et une sécurité sociale, est souvent mal rémunéré, avec peu de perspectives d’évolution. De l’autre côté, l’argent facile peut sembler séduisant en raison des gains rapides, mais il est risqué et éphémère, et peut entraîner des conséquences juridiques et sociales graves. Choisir le travail permet de construire une carrière durable, d’acquérir des compétences et d’éviter les dangers associés à des voies douteuses. L’argent facile, quant à lui, érode les valeurs éthiques et affaiblit le tissu social.


En effet, l’argent facile, souvent obtenu par des moyens illégaux ou informels (trafic, corruption, commerce parallèle), séduit en Algérie car il offre des gains rapides et parfois importants, surtout dans un contexte où l’économie formelle est marquée par des salaires bas et peu de perspectives d’emploi. Les jeunes, désillusionnés par un marché du travail saturé et une bureaucratie rigide, peuvent être tentés par cette voie pour améliorer leur situation financière. 

Cependant, cette solution est risquée et temporaire. Les activités illégales ou non régulées exposent les individus à des poursuites judiciaires, à l’emprisonnement ou à des amendes lourdes, ce qui peut détruire leur avenir. De plus, l’argent facile ne crée pas de compétences ou d’expériences utiles pour une carrière professionnelle stable. 

Ces gains rapides peuvent également disparaître aussi vite qu’ils sont apparus, laissant les individus dans une situation encore plus précaire. Sur le plan social, la recherche de l’argent facile affaiblit les valeurs éthiques et morales. Elle favorise la corruption, l’inégalité et la perte de confiance envers les institutions. Les jeunes qui choisissent cette voie deviennent des modèles négatifs, renforçant l’idée que l’effort et le travail honnête ne sont pas récompensés. 

Ce phénomène contribue à la déstabilisation du tissu social, où l’individualisme, la méfiance et l’instabilité prennent le pas sur la solidarité, l’entraide et l’engagement pour un avenir commun. En revanche, choisir de travailler permet de construire une carrière solide, d’acquérir des compétences transférables et de participer à l’économie formelle, tout en contribuant positivement à la société. C’est un choix qui, bien que plus lent, mène à une stabilité financière durable et à une reconnaissance sociale, en offrant des bases solides pour un avenir personnel et collectif.

La disparition progressive de la notion de travail en Algérie peut être perçue comme une cause majeure de la pauvreté persistante dans le pays. Plusieurs facteurs historiques, économiques et sociaux expliquent cette réalité. 


1. Héritage colonial et structures économiques fragiles : après l’indépendance, l’Algérie a hérité d’une économie fragilisée par des décennies de colonisation. 

L’État a adopté un modèle économique centralisé, basé principalement sur les revenus pétroliers, délaissant ainsi d’autres secteurs productifs comme l’agriculture et l’industrie. Cette dépendance excessive aux hydrocarbures a limité la diversification de l’économie et, par conséquent, les opportunités d’emploi. 


2. Détérioration du lien entre travail et récompense :

La valorisation du travail a perdu de sa force en raison de la déconnexion entre l’effort fourni et la récompense obtenue. En Algérie, l’accès à l’emploi repose souvent sur des réseaux sociaux ou des connexions, et non sur les compétences ou le mérite. Ce manque de transparence a démotivé une grande partie de la population active, surtout les jeunes, qui se sentent exclus du marché du travail, renforçant ainsi le chômage et l’informalité. 
 

3. Chômage élevé et sous-emploi :

Le chômage structurel, particulièrement parmi les jeunes et les diplômés, est une autre explication. Les jeunes Algériens, souvent bien éduqués, peinent à trouver des emplois correspondant à leurs qualifications. Cette situation les pousse soit à accepter des emplois sous-qualifiés, soit à chercher des solutions à l’étranger, contribuant ainsi à la fuite des cerveaux. De plus, le sous-emploi, où les travailleurs sont sous-utilisés, freine la productivité et réduit la croissance économique. 
 

4. Manque de culture entrepreneuriale :


En Algérie, la culture de l’entrepreneuriat n’a pas été suffisamment encouragée. Les initiatives privées sont souvent découragées par la bureaucratie, la corruption, et l’instabilité économique. Les entrepreneurs rencontrent des difficultés pour accéder au financement et naviguer dans les labyrinthes administratifs. Cela a empêché le développement d’un tissu économique dynamique capable de créer des emplois durables. 


5. Absence de réformes structurelles :
Les réformes structurelles nécessaires pour adapter l’économie algérienne aux défis mondiaux n’ont pas été menées à terme. L’administration publique, souvent inefficace, n’encourage pas les initiatives et ne favorise pas l’émergence d’un marché du travail compétitif. Les lois rigides du travail et l’absence d’incitations pour le secteur privé freinent l’innovation et l’investissement. 


6. Économie informelle et précarité :

L’expansion de l’économie informelle en Algérie est une conséquence directe de la faiblesse des structures formelles du marché du travail. Cette économie parallèle, bien que source de revenus pour de nombreuses familles, contribue à l’instabilité économique et à l’insécurité sociale. Les travailleurs informels n’ont pas accès aux protections sociales et sont souvent sous-payés, ce qui accentue leur précarité et les rend plus vulnérables à la pauvreté. 


Cette disparition de la notion de travail a engendré une société où le travail n’est plus perçu comme un moyen d’émancipation ou d’élévation sociale, mais comme une obligation souvent mal récompensée. Ce contexte a entraîné une baisse de la productivité, un chômage chronique, et une dépendance excessive aux ressources naturelles, notamment le pétrole. Pour sortir de ce cycle, des réformes profondes sont nécessaires, axées sur la valorisation du travail, la diversification de l’économie, et la promotion de l’innovation et de l’entrepreneuriat.


La réussite et la souveraineté d’un individu ou d’une nation se construisent par l’effort constant et l’abnégation. C’est en persévérant face aux défis et en sacrifiant le confort immédiat que l’on parvient à atteindre des objectifs durables et à s’affirmer pleinement. Le rêve inspire, mais seule l’action concrétise les aspirations. Rêver sans agir reste vain, tandis que l’action sans vision manque de direction.


En effet, il est illusoire de rêver d’un avenir meilleur sans effort ni travail. Le progrès ne se construit que par l’engagement et l’action. La réussite d’une nation repose sur le travail collectif, l’entente et la cohésion. Un salaire juste découle d’un effort équitable, tandis que la liberté, la discipline et l’organisation sont les fondements d’une société prospère et harmonieuse. Le déclin d’une nation peut être évité grâce à une politique qui valorise le travail et l’effort de chaque citoyen. 

L’Algérie, comme de nombreux pays, fait face à un défi majeur : celui de la productivité. Pendant longtemps, les Algériens se sont trouvés dans un système qui ne valorisait pas suffisamment le travail, ce qui a contribué à une certaine démotivation et à un sentiment d’improductivité. Il est impératif de réorienter cette dynamique en mettant en place des politiques efficaces pour encourager et récompenser le travail. 

Le développement économique passe par l’implication de tous. Si les jeunes sont rémunérés sans véritable contrepartie, sans effort, ils risquent de devenir dépendants d’un système assisté, qui favorise la passivité et la fainéantise. Pour y remédier, il faut créer une véritable culture du travail, basée sur l’effort, la responsabilité et la méritocratie.

 Chaque Algérien devrait non seulement travailler davantage, mais aussi être rémunéré de manière équitable pour son travail.

 Cela signifie mettre en place un système de rétribution qui motive à se surpasser et à contribuer au bien-être collectif. Le travail acharné, dans un cadre de légalité et de transparence, est la clé de la réussite. Il est fondamental de restaurer la dignité au sein de la société en récompensant ceux qui s’investissent pleinement pour le développement du pays. 

Cependant, dans un contexte où les tensions sont présentes, il est encore plus important d’adopter une approche de «guerre» : cela signifie mobiliser toutes les forces disponibles, rationaliser les efforts et se concentrer sur des objectifs communs. Ce n’est qu’en instaurant un climat de confiance et de justice que nous pourrons relancer l’économie et offrir à chaque Algérien la vie meilleure à laquelle il aspire. 

Pour revitaliser la notion de travail, il faut encourager une culture du mérite et de l’effort, valoriser l’éducation et la formation professionnelle, et réformer le marché du travail pour le rendre plus dynamique et attractif, tout en instaurant une transparence institutionnelle pour restaurer la confiance des citoyens. 

Pour ce faire, un salaire décent et digne de ce nom constitue une force motrice essentielle pour dynamiser le marché du travail et encourager une culture de la productivité. En effet, lorsque les travailleurs sont rémunérés de manière juste et équitable, ils se sentent valorisés et motivés à s’investir davantage dans leurs tâches, ce qui accroît leur efficacité et, par extension, la rentabilité des entreprises. Une rémunération décente permet également aux individus de subvenir à leurs besoins, d’améliorer leur niveau de vie et de contribuer au développement économique global. 


1 .Motivation accrue et productivité :

Un salaire attractif incite les employés à s’engager pleinement dans leur travail. En sachant que leurs efforts sont justement récompensés, ils adoptent une attitude plus proactive, cherchent à s’améliorer et sont plus enclins à proposer des solutions innovantes. Cela se traduit par une hausse de la productivité et un environnement de travail plus dynamique, où la motivation individuelle se transforme en bénéfice collectif. 


2. Stabilité et réduction de la fuite des talents :
En Algérie, de nombreux jeunes diplômés choisissent de quitter le pays en raison de salaires jugés insuffisants, d’un environnement adapté pour vivre bien  et de conditions de travail peu attractives. Un salaire décent aiderait à freiner cette fuite des cerveaux, en incitant les talents à rester et à contribuer à l’économie locale. De plus, des entreprises capables de bien rémunérer leurs employés attirent des compétences de qualité, indispensables pour innover et se développer dans un marché globalisé. 


3.Encouragement à l’innovation :


L’innovation est décisive pour le développement économique et la compétitivité des entreprises algériennes. Lorsque les employés sont bien rémunérés, ils sont plus susceptibles de s’impliquer dans des projets créatifs et novateurs, sachant que leurs contributions seront reconnues et récompensées. De plus, des salaires dignes permettent aux entreprises d’attirer des experts et des chercheurs, capables d’initier des changements technologiques et de processus qui peuvent transformer l’entreprise. 


4.Impact positif sur l’économie globale :

Un salaire décent permet également de renforcer le pouvoir d’achat des ménages. Lorsque les travailleurs gagnent suffisamment, ils peuvent consommer plus, ce qui stimule la demande de biens et services. Cette augmentation de la consommation favorise à son tour la croissance des entreprises locales, créant ainsi un cercle vertueux où l’investissement dans les salaires contribue à la croissance économique du pays. Les secteurs comme l’industrie, les services ou l’agriculture pourraient en bénéficier, renforçant la diversification de l’économie. 


5.Renforcement de la cohésion sociale :


Un salaire équitable permet de réduire les inégalités sociales et économiques, qui sont souvent sources de tensions et d’instabilité. En garantissant à chacun un revenu qui lui permet de vivre dignement, l’État et les entreprises contribuent à créer un climat social apaisé, où chacun se sent partie prenante du progrès collectif. Cela favorise une meilleure cohésion sociale, ce qui est indispensable pour le développement d’une nation prospère et innovante. 


En Algérie, un salaire décent ne serait pas seulement un moyen d’améliorer la qualité de vie des travailleurs, mais un véritable levier pour stimuler l’économie. Il redonnerait le goût du travail aux citoyens, augmenterait la rentabilité des entreprises et encouragerait l’innovation. Les entreprises algériennes, en offrant des rémunérations compétitives, pourraient ainsi entrer dans un cercle vertueux de productivité et de croissance, positionnant le pays comme un acteur innovant et dynamique sur la scène internationale.


L’égalité salariale entre les Algériens, qu’ils soient fonctionnaires, employés ou retraités du secteur public et privé, est une question essentielle pour instaurer la justice sociale et renforcer la cohésion nationale. Actuellement, de grandes disparités existent entre les salaires des fonctionnaires, souvent nommés par décret, et ceux du secteur privé ou économique public. Ces inégalités créent un sentiment d’injustice et de frustration, notamment pour les travailleurs qui, malgré des qualifications et des responsabilités similaires, perçoivent des rémunérations nettement inférieures. A titre illustratif, les pensions des retraités sont tellement insuffisantes pour répondre à leurs besoins. 

Le cout de la vie, les inégalités ont entraîné des difficultés financières rendant difficile le maintien d’un niveau de vie digne. Il est aussi très urgent d’harmoniser des salaires qui permettraient certainement de clarifier les ambiguïtés liées à la rémunération, en particulier celles qui proviennent de la nomination par décret. Actuellement, certaines fonctions peuvent bénéficier d’avantages financiers non justifiés par rapport à d’autres, créant des zones d’ombre. En réformant ce système, il serait plus facile de garantir l’application des droits de manière égale pour tous les travailleurs et cela réduirait les inégalités et ambiguïtés liées à ces nominations, tout en renforçant l’équité et l’engagement dans tous les secteurs économiques du pays.

Enfin, l’amélioration des conditions de travail et la lutte contre le chômage sont essentielles pour redonner un sens au travail et prendre son destin en main signifie ne plus attendre que les circonstances changent par elles-mêmes. Cela implique de se remettre au travail avec discipline et volonté pour façonner son avenir. En agissant ainsi, on devient maître de sa réussite et de son épanouissement. 

 

Par Rabah CHERIGUENE , Commissaire aux comptes et formateur
 


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