L’Allemagne va renforcer ses contrôles aux frontières avec la Pologne et la République Tchèque où les flux de migrants sont en forte hausse et mettent sous pression le gouvernement d’Olaf Scholz ainsi que les régions débordées par l’accueil des demandeurs d’asile. Le brûlant dossier migratoire revient aussi tirailler les relations entre les Etats membres de l’Union européenne (UE) divisés depuis des années sur la gestion des réfugiés aux frontières du bloc et leur répartition au sein du Vieux Continent.
Les ministres européens de l’Intérieur se retrouvent, d’ailleurs, aujourd’hui à Bruxelles pour une nouvelle réunion sur la laborieuse réforme de la politique migratoire commune.La ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, a annoncé, hier, un renforcement des contrôles mobiles à la frontière avec la Pologne (470 km de long) et la République tchèque (650 km), rapporte l’AFP.
Elle n’a, toutefois, pas annoncé de contrôles fixes comme le réclament les conservateurs de la CDU, principal parti d’opposition, une mesure exceptionnelle sur le territoire de l’Union européenne dont Bruxelles doit être avisé. «Mais je n’exclus pas la possibilité que nous le fassions plus tard», si les contrôles supplémentaires «ne fonctionnent pas», a-t-elle prévenu. Jusqu’ici, les seuls points de contrôle fixes pour entrer en Allemagne se trouvent à la frontière autrichienne, un héritage de la crise migratoire de 2015-2016 lorsque la première économie européenne a accueilli plus d’un million de réfugiés.
Si la situation aux frontières n’a rien à voir avec cette époque, quand l’Allemagne comptabilisait pas moins de 200 000 entrées illégales mensuelles, les chiffres de la police témoignent d’une hausse des flux, avec un plus haut à 15 000 entrées illégales en août. Depuis le début de l’année, plus de 70 000 entrées ont été dénombrées, soit une augmentation de près de 60% par rapport à la même période l’an passé.
Quant aux demandes d’asile, elles ont augmenté de 77% par rapport à 2022 (204 000 contre 115 000), selon les statistiques officielles. «Y arriverons-nous une nouvelle fois?», s’interroge en Une l’hebdomadaire Der Spiegel, en référence au «Nous y arriverons», la phrase prononcée en 2015 par l’ex-chancelière Angela Merkel qui avait été le symbole de la politique d’ouverture aux migrants.
Des voisins en colère
L’accueil des réfugiés est aussi revenu au centre des débats avec la forte poussée du parti d’extrême droite allemande AfD dont les intentions de vote atteignent des records.
Devant le Bundestag, mercredi, le ministre des Finances Christian Lindner a estimé que l’Allemagne a «partiellement perdu le contrôle de l’accès» à son territoire et que cette situation «ne devait pas perdurer». Ténor de l’opposition et chef des conservateurs en Bavière, Markus Söder a appelé à l’instauration d’un plafond d’environ 200 000 demandeurs d’asile par an, une idée rejetée par le gouvernement.
L’Allemagne est la cible de critiques de l’Italie depuis qu’elle a suspendu l’accueil de migrants transférés par Rome, dans le cadre d’un programme européen de solidarité. Berlin répond ainsi à la décision de Rome de déroger à ses obligations de reprendre des demandeurs d’asile déboutés dans d’autres pays. L’Italie reproche également à Berlin de financer des ONG aidant les migrants dans son pays.
Les relations avec la Pologne, par laquelle transitent les migrants venant de l’Est ne sont pas non plus au beau fixe: la semaine passée, Berlin et Bruxelles ont sommé Varsovie de s’expliquer sur une fraude présumée aux visas d’entrée dans l’UE qui éclabousse des membres du gouvernement.
Mme Faeser a appelé les pays se situant aux frontières extérieures de l’Europe, dont l’Italie et la Pologne, à «mieux protéger les frontières» et à «y appliquer les procédures» prévues par Bruxelles. Sans cela, «les frontières ouvertes au sein de l’UE sont en danger», a-t-elle prévenu. En Allemagne, les communes comme les régions se disent à la limite de leur capacité d’accueil.
Une situation d’autant plus délicate que se profilent dans moins de deux semaines, le 8 octobre, des élections régionales test pour Olaf Scholz, en Bavière (sud) et en Hesse (centre). La ministre de l’Intérieur est candidate des sociaux-démocrates, le parti du chancelier, en Hesse, la région de Francfort