Les Etats-Unis et le Japon s’en sont pris hier aux activités «déstabilisatrices» de la Chine, s’inquiétant également de la coopération entre Pékin et Moscou, rapporte l’AFP. Comme ils ont annoncé un renforcement de leurs liens militaires et de défense.
Pour Washington et Tokyo, la Chine ambitionne de «remodeler l’ordre international à son profit», ce qui représente «le plus grand défi stratégique dans la région indo-pacifique et au-delà».
Les ministres américains et japonais des Affaires étrangères et de la Défense «ont réitéré leurs fortes objections aux revendications maritimes illégales de la Chine (...) et aux activités menaçantes et provocatrices en mer de Chine méridionale», selon une déclaration commune adoptée à l’issue de leur réunion à Tokyo.
Les ministres ont, par ailleurs, «souligné avec inquiétude la coopération militaire stratégique croissante et provocatrice de la Russie» avec la Chine, citant des manœuvres militaires communes proches du Japon, et ils ont dénoncé le soutien présumé de Pékin à l’effort de guerre russe en Ukraine. A propos de la Corée du Nord, ils «condamnent fermement l’approfondissement de la coopération entre la Russie et la Corée du Nord», selon le communiqué. Le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin, présent à Tokyo aux côtés du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, a également annoncé la mise en place d’une nouvelle structure de commandement au Japon. Ce quartier général, qui sera dirigé par un général trois étoiles, permettra «une meilleure interopérabilité et de favoriser les manœuvres communes» avec les forces japonaises, selon un responsable militaire américain sous le couvert de l’anonymat. S’il existe déjà un commandement militaire américain au Japon, celui-ci a essentiellement un rôle administratif. Quelque 54 000 soldats américains sont présents au Japon, rattachés au Commandement pacifique à Hawaï.
Cette annonce intervient dans le sillage de la visite du Premier ministre japonais Fumio Kishida aux Etats-Unis en avril, lors de laquelle le président américain, Joe Biden, avait salué une «nouvelle ère» de coopération avec le Japon, visant à mieux contrer la Chine et la Corée du Nord, ainsi que la Russie. «Nous sommes à un tournant historique», a relevé la chef de la diplomatie japonaise, Yoko Kamikawa.
«Dissuasion élargie»
Pour sa part, le chef de la diplomatie américaine, arrivé à Tokyo hier matin, poursuit une tournée marathon en Asie, qui vise à renforcer les alliances et partenariats des Etats-Unis dans la région. La veille, il a eu des échanges «francs et productifs» avec son homologue chinois Wang Yi à Vientiane, au Laos, en marge d’une réunion des pays de l’Asie du Sud-Est. «Sur un certain nombre de points, ils (les Chinois) pensent que nous tentons d’empêcher la Chine de croître et nous leur disons clairement que non, que ce n’est pas notre objectif», a assuré à la presse un haut responsable du département d’Etat sous le couvert de l’anonymat. En privé, des diplomates américains concèdent cependant que le jeu d’alliances et de partenariats noués tous azimuts par les Etats-Unis vise à envoyer un message clair à Pékin. Les deux grandes puissances se livrent une compétition féroce pour la suprématie mondiale.
MM. Blinken et Austin ont participé hier à des entretiens dits «2+2» avec leurs homologues japonais, Yoko Kamikawa et Minoru Kihara. Ils seront rejoints aujourd’hui par leurs homologues du Quad, autre alliance considérée comme un rempart contre Pékin, le ministre indien des Affaires étrangères, S. Jaishankar, et l’Australienne Penny Wong. Les discussions américano-nippones portent également sur la «dissuasion élargie», sorte de parapluie sécuritaire de Washington pour protéger le Japon.
Le Japon, seul pays au monde à avoir été la cible de deux bombes atomiques lancées par les Etats-Unis, a progressivement abandonné ces dernières années sa politique de stricte pacifisme imposée depuis la Seconde Guerre mondiale. Tokyo a considérablement augmenté ses dépenses militaires et s’efforce de se doter de capacités de «contre-offensive».
De leur côté, le Japon et la Corée du Sud se rapprochent également, soutenus par le président américain, Joe Biden, qui a accueilli les dirigeants des deux pays à Camp David en août dernier. Le ministre sud-coréen de la Défense, Shin Won-sik, est d’ailleurs présent à Tokyo, pour la première fois en 15 ans, et a rencontré L. Austin. Une réunion trilatérale, également jugée «historique», a eu lieu hier. «La coopération trilatérale entre le Japon, les Etats-Unis et la Corée du Sud s’est renforcée et est aujourd’hui inébranlable», a déclaré à la presse Minoru Kihara après cette réunion.