Face à la Chine : L’Europe veut durcir ses instruments de sécurité économique

21/06/2023 mis à jour: 04:52
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Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne

Bruxelles a proposé hier de renforcer l’arsenal de l’Union européenne (UE) contre les menaces à sa sécurité économique, notamment en provenance de Chine, annonçant une future «initiative» pour mieux contrôler les investissements des firmes européennes à l’étranger, rapporte l’AFP. 

«Nous devons nous assurer que les capitaux des entreprises européennes, leur savoir, leur expertise et leurs recherches ne soient pas abusivement utilisés par certains pays pour des applications militaires», a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. «Nous travaillons donc sur la meilleure façon de construire un tel instrument et nous proposerons une initiative avant la fin de l’année», a-t-elle dit, sans plus de précision, lors d’un point de presse. 

L’exécutif européen entend aussi faire une évaluation du mécanisme de contrôle des investissements étrangers entré en vigueur fin 2020, pour éventuellement le renforcer. Cet outil vise à mieux contrôler les investissements de firmes étrangères dans des secteurs stratégiques en Europe. Mais sa portée est limitée: la Commission n’a pas la possibilité de bloquer un investissement, le dernier mot revenant aux Etats membres.

La crise de la Covid en 2020 a révélé les fragilités des chaînes d’approvisionnement européennes, victimes de la fermeture des frontières en Chine, tandis que la guerre en Ukraine a montré le risque d’une dépendance à la Russie pour les fournitures de gaz.  Ces crises «nous ont ouvert les yeux», a reconnu Mme von der Leyen.
Cette réflexion stratégique ne vise officiellement aucun pays, mais la Chine est clairement ciblée avec son quasi-monopole sur les terres rares cruciales pour de nombreuses technologies comme les batteries ou les éoliennes. «Il est judicieux de diversifier nos chaînes d’approvisionnement en s’éloignant de l’unique route vers la Chine», a déclaré la présidente de la Commission. 

La stratégie de sécurité économique sera discutée lors du prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement européens les 29 et 30 juin à Bruxelles. La Commission veut élaborer avec les 27 pays de l’UE un cadre commun pour évaluer les risques qui pourraient affecter l’économie européenne et établir une liste des technologies critiques. Elle entend aussi mieux contrôler les exportations de biens à double usage, civil et militaire. 

De nombreuses mesures ont déjà été adoptées ces dernières années, le sujet de la souveraineté économique ayant gagné en importance, porté notamment par la France face aux partisans traditionnels du libre-échange. L’UE a ainsi approuvé, début juin, la création d’un instrument commun visant à punir tout pays utilisant des sanctions économiques pour faire pression sur un de ses membres, comme l’a fait la Chine contre la Lituanie. 

La Commission a aussi simplifié l’octroi d’aides d’Etat à des secteurs stratégiques comme les puces électroniques. Elle a proposé en mars un texte pour sécuriser ses achats de matières premières critiques. La nouvelle stratégie de l’UE suscite des inquiétudes quant à une tentation protectionniste et recherche un équilibre délicat. «L’ouverture économique et l’intégration au marché mondial sont une force pour l’Europe. Cela ne changera pas à l’avenir, c’est très clair», a tenu à rassurer Mme von der Leyen. Sa stratégie repose d’ailleurs aussi sur le renforcement du marché intérieur européen. 

Elle met l’accent sur le développement de partenariats et le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Bruxelles veut trouver son propre positionnement à l’égard de Pékin, malgré les pressions exercées par les Etats-Unis en faveur d’une ligne dure. «Nous avons besoin d’un plan qui nous permette de résister aux tyrans économiques», mais «si nous nous dissocions complètement de la Chine, l’économie européenne en subira les conséquences», a averti l’eurodéputé conservateur allemand Markus Ferber. 

Business Europe, la voix du patronat européen, a appelé l’UE à prendre «soigneusement» en considération les intérêts et la compétitivité de l’Europe «avant d’introduire des restrictions supplémentaires sur les exportations de biens et de technologies et sur les flux d’investissement». «L’UE doit trouver un juste équilibre entre la protection de ses intérêts en matière de sécurité et le maintien d’un environnement propice au commerce et à l’investissement», a exhorté l’organisation.

Par ailleurs, la Commission européenne a proposé aux Etats membres d’approuver un paquet d’aide de 50 milliards d’euros pour soutenir l’Ukraine jusqu’en 2027, dans le cadre d’une rallonge du budget pluriannuel de l’UE. «Nous proposons une réserve financière pour les quatre prochaines années de 50 milliards d’euros», a annoncé Mme von der Leyen, lors d’un point de presse. Ce paquet inclut 33 milliards d’euros de prêts et 17 milliards d’euros de subventions. Il a été présenté dans le contexte d’une révision du budget 2021-2027 de l’UE qui devra être approuvée à l’unanimité par les Etats membres, et recevoir l’aval du Parlement européen.
 

«Réduction des risques»

Ce même jour, le Premier ministre chinois, Li Qiang, en visite à Berlin, a plaidé pour une coopération accrue avec l’Allemagne afin de surmonter les difficultés économiques et assuré que son pays attachait «une grande importance» aux liens avec l’UE. «La reprise économique mondiale manque d’une dynamique de croissance. La Chine et l’Allemagne, en tant que grandes nations influentes, devraient d’autant plus collaborer étroitement à la paix et au développement dans le monde», a déclaré Li Qiang lors d’une conférence de presse avec le chancelier allemand Olaf Scholz. Il a également assuré que Pékin accorde «une grande importance aux liens entre l’UE et la Chine et souhaitait travailler avec l’Allemagne pour promouvoir ces liens».

Un peu plus tard, il a mis en garde les pays qui veulent diminuer leur dépendance économique à la Chine de ne pas utiliser cette politique de «réduction des risques» pour discriminer son pays. «Je pense que la plupart des amis de l’industrie allemande ne verront pas la Chine comme un risque et n’accepteront pas une soi-disant réduction des risques ciblant la Chine», a dit le responsable dans un discours à Berlin, où il s’est inquiété de possibles «mesures discriminatoires» contre son pays.

Le chancelier a reçu le Premier ministre chinois en plein réajustement de la diplomatie allemande envers la Chine, qui reste son premier partenaire commercial. L’Allemagne adopte désormais un ton plus critique à l’égard du géant asiatique, comparé aux pratiques passées, notamment l’ère de la chancelière Angela Merkel, quand l’Allemagne cherchait avant tout à renforcer ses relations commerciales avec la Chine. 

La première économie européenne mise sur une diversification de ses partenaires pour «réduire les risques» liés à sa trop grande dépendance à la Chine mais ne peut se permettre de mettre en péril son accès au marché chinois, crucial pour sa puissante industrie. «L’Allemagne mise sur un élargissement des relations économiques en Asie.

Nous ne voulons pas nous fermer à un partenaire, nous voulons des partenariats équilibrés», a dit Olaf Scholz lors de la conférence de presse, assurant que Berlin n’a «aucun intérêt» à se couper économiquement de la Chine.

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