Ezzaouia, symbole de l’instabilité dans l’Ouest libyen : Lutte acharnée des groupes armés pour le contrôle de la contrebande

25/07/2024 mis à jour: 18:57
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 Incidents armés à répétition à Ezzaouia, ville charnière à 50 kilomètres de l’entrée ouest de Tripoli. 22 décès ont été déplorés durant les trois derniers mois dans des règlements de compte entre les groupes militarisés de la ville. La société civile et les observateurs accusent le gouvernement Dbeiba d’entretenir certaines milices aux dépens des unités sécuritaires officielles dans la ville. 
 

 

Mardi 23 juillet, le grondement des armes a repris dans la zone de R’kina, l’un des quartiers à l’ouest de la ville d’Ezzaouia sur la route côtière vers la Tunisie. Le Croissant-Rouge libyen a dû intervenir pour solliciter une voie sécurisée afin d’évacuer une quarantaine de familles et quatre nourrissons de la clinique El Bassatine, dans la zone d’affrontements. La faculté des sciences a été obligée de suspendre ses examens d’hier en raison des combats. Il s’agissait là de la dernière réaction de la brigade dirigée par Riadh Belhaj dont le frère, Othmane Belhaj, a été visé par un attentat il y a 48 heures. Une réaction dirigée contre l’Unité 103 conduite par Othmane Lahab, accusée d’être derrière la tentative d’assassinat de Othmane Belhadj. 

«Cette lutte d’influence entre les groupes armés constitue malheureusement notre pain quotidien à Ezzaouia ; elle a déjà coûté la vie à 22 parmi nos vaillants jeunes durant les trois derniers mois», a regretté l’activiste Ayoub Erretil dans son intervention au cours de l’émission «Ici Libye» sur Al Wassat TV, consacrée aux affrontements d’Ezzaouia.

L’activiste Erretila ajoute que «les citoyens constituent le dernier des soucis de ces groupes armés, favorisés par le gouvernement Dbeiba, alors que les officiels de la sécurité ne bénéficient pas des mêmes avantages ni équipements». L’autre militant de la société civile Mohamed Mustapha a précisé, dans la même émission, que «la confusion est née des interférences dans les champs d’intervention de ces diverses milices ; d’où ce chaos régnant en Libye puisque chaque unité piétine sur sa concurrente pour se donner de l’importance aux yeux de ses bailleurs de fonds, locaux et étrangers». 

Pour sa part, l’analyste Mahmoud F’hil a appelé les notables d’Ezzaouia à «concevoir des règles de conduite pour stabiliser leur ville, à l’instar de ce qui a été conçu dans les localités voisines de Zentane, Ouerchfana ou encore Zouara», en attirant l’attention sur le fait que, dans l’état actuel des choses en Libye, «nul ne va se soucier de ta situation mieux que toi, surtout pas les gouvernants en place». 

Le journaliste Mabrouk Saïi, présent lui-aussi sur le même plateau, a regretté le fait que «la ville d’Ezzaouia dispose de plusieurs personnalités de très haut rang, comme Abdallah Ellafi, vice-président du Conseil présidentiel, ou Issam Bouzriba, ministre de l’Intérieur du gouvernement de Hammad à l’Est, ou encore des députés et des membres du Conseil supérieur de l’Etat. Malheureusement, tout ce monde ne se soucie plus de sa ville natale». 

Les dessous de la montée de la tension

Les intervenants dans l’émission d’Al Wassat TV ont évité de parler du principal enjeu des différentes milices à Ezzaouia, qui est la contrebande de l’essence raffiné provenant de la raffinerie de cette ville d’une capacité de 120 000 barils par jour. Les observateurs avérés assurent que les différents groupes armés se disputent leurs quotas respectifs dans ce marché, évalué à 50 millions de dollars. Les analystes locaux, comme ceux présents sur le plateau d’Al Wassat TV, ne sauraient nommer les choses explicitement, pour se protéger des réactions de ces milices. Les lobbies de l’essence raffinée sont très puissants et disposent de jonctions dans les hautes sphères du pouvoir en Libye. Tout le monde se rappelle comment les drones turcs de la base aérienne El Watya, 160 kilomètres de Tripoli et 40 kilomètres des frontières tunisiennes, ont été utilisés en mai 2023 pour départager un conflit de contrebandiers. C’est tout dire sur la puissance de ces lobbies et leur proximité avec Dbeiba. 

Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si le ministre libyen de l’Intérieur, Imed Trabelsi, a déclaré, suite aux incidents du début de ce mois, que la sécurité d’Ezzaouia n’entre pas dans ses prérogatives, provoquant les protestations des notables de la ville et de leurs formations sécuritaires, qui ont demandé la démission dudit ministre. Les troupes du ministère de l’Intérieur n’interviennent qu’en territoire conquis. 

Or, ce n’est pas le cas d’Ezzaouia, où les unités officielles de sécurité sont moins bien loties, comparativement aux autres unités militaires et paramilitaires, dépendant pourtant elles aussi du gouvernement libyen. 

«Le gouvernement ne veut pas entrer en conflit avec ces unités (…). Elles sont payées par le contribuable libyen mais elles tirent profit de la contrebande d’essence et l’immigration irrégulière, ainsi que d’autres trafics illégaux (…)», assure avec amertume le politologue Ezzeddine Aguil. Le chaos persiste en Libye.

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

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