Le musée des Arts et Expressions Populaires Hadj Ahmed Bey de Constantine abrite depuis le 20 juin et jusqu’au 27 du même mois, une exposition de l’artiste talentueux et autodidacte Samir Saâdi.
À travers ses 33 œuvres réalisées entre 1999 et 2021, le peintre sourd-muet décide de partager avec les esthètes la puissance du silence exprimée à travers sa palette. Malgré son handicap, il a su de par ses toiles «parler» avec éloquence, captivant les regards et touchant les âmes.
Le menu à présenter est très riche. Le public, qui s’est retrouvé devant plusieurs courants artistiques de la peinture, n’a pu rester indifférent devant la diversité des thèmes proposés dans les tableaux exposés. Il y a des tableaux des paysages naturels ou urbains à l’instar de ceux de la ville de Constantine inspirés d’anciennes photos.
Mais ce qui est éblouissant, c’est qu’il existe également de l’imaginaire, du réalisme avec un peu d’impressionnisme, et de l’abstrait agrémenté par une légère touche du cubisme.
Son talent transcende les barrières de la communication. Comment et pourquoi cette transition entre ces différents courants et que voulait l’artiste transmettre aux visiteurs ? «C’était spontané ! J’ai commencé à un très jeune âge à reprendre des photos des paysages naturels ou des villes, avec du crayon et au fil des ans avec de l’huile sur bois ou sur toile.
Par la suite, j’ai eu recours à mon imaginaire, tel est le cas des tableaux de Constantine. J’avais les photos en noir et en blanc. Donc, j’imaginais quelles sont les couleurs des murs et des matériaux de l’époque, avant de peindre ma ville.
Puis j’ai commencé à imaginer Constantine avant l’époque coloniale pour réaliser mon œuvre, avant de m’orienter vers le dessin des métiers et de la vie quotidienne des Constantinois. Ceci dit, mes tableaux inspirés des photos expriment mon avis de ces photos.
C’est mon propre commentaire d’une photo soigneusement choisie. Pour l’abstrait, c’est venu à l’improviste, sans demander mon autorisation.
C’était un besoin», a déclaré Samir Saadi avec le langage des signes, interprété par sa femme présente lors de l’exposition. Et de poursuivre devant son tableau «Paysage du Tassili» : «Cette diversité est un moyen de dire beaucoup de choses. Même les tableaux recopiés des photos ou autres comprennent une partie de moi, à travers lesquels je voulais m’exprimer même à travers les moindres détails, à l’instar des fissures dessinées sur le rocher.»
Des couleurs vives et des traits expressifs
Ce peintre hors du commun communique son monde intérieur en utilisant des couleurs vives et des traits expressifs. Ses pinceaux deviennent sa voix et la toile devient son langage. Chaque coup de pinceau, avec de l’huile ou du vinyle, est un cri silencieux, une symphonie visuelle qui transmettent ses émotions les plus profondes à travers des détails travaillés méticuleusement.
Son silence n’est pas une limitation, mais une force. Il perçoit le monde d’une manière unique, sans être distrait par les bruits extérieurs. Dans le silence de son atelier aménagé dans sa propre demeure et en usant des techniques différentes, il crée des paysages époustouflants, des portraits saisissants et des compositions abstraites qui captivent l’imaginaire.
Ses œuvres sont un moyen de dialogue universel, parlant à tous, indépendamment des langues ou des capacités auditives. Ce peintre sourd-muet, un employé à l’ODEJ, nous rappelle que l’art est une forme de communication qui va bien au-delà des mots.
Il nous montre que les limitations ne sont que des opportunités pour explorer de nouveaux horizons, pour découvrir des moyens alternatifs d’expression. Son talent incroyable et son courage face à l’adversité sont une source d’inspiration. En contemplant les œuvres de ce peintre, nous sommes invités à écouter le silence et à découvrir la beauté qui peut émerger lorsque l’expression artistique n’a pas de limites. «Je sens qu’il se détend en dessinant.
Une fois devant sa toile menottée par la palette et le pinceau, je ne l’aborde pas pour ne pas lui couper les idées et la parole. Sa propre parole dans son propre refuge.
Quand il n’arrive pas à dire ce qu’il voulait ou il est en colère et il n’arrive pas à décompresser, il interrompt, ce que je qualifie de sa séance de thérapie. Il ne reprend pas son œuvre seulement trois jours après», nous révèle sa femme.
Certains présents parmi le public estiment que cette exposition est un merveilleux voyage dans le passé, le présent et le futur avec l’abstrait, via ces tableaux réalisés laborieusement en 1999, 2006, 2007, 2010, 2019, 2020 et 2021.