Le raisin de table peut générer d’importantes rentrées en devise pour l’Algérie. Catégoriques, les viticulteurs de la wilaya de Boumerdès évoquent, avec chiffres et arguments à l’appui, l’état des lieux et les perspectives de la filière viticole en Algérie.
Abordés lors de la Fête du raisin, organisée jeudi à la maison de la culture Rachid Mimouni, nos interlocuteurs ne cachent pas leurs ambitions de conquérir le marché international. «Le raisin peut apporter au pays plus que n’importe quel autre produit.
Ce fruit se vend entre 220 à 400 euros/quintal sur le marché international. Soit nettement plus que les céréales qui sont cédées actuellement à 25 euros/quintal», estime Kamel Ladada, président d’une coopérative agricole à Baghlia.
L’année passée, l’Algérie a été classée en 2e position dans le monde arabe en termes de production de ce fruit, a indiqué l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Connue pour ses rendements record, la wilaya de Boumerdès couvre plus de 50% des besoins du marché national. Les responsables de la direction de l’agriculture s’attendent cette année à une production de plus de cinq millions de quintaux, soulignant que la viticulture occupe 32% de la superficie agricole de la région.
«La production est là. Et nous avons le savoir-faire et l’expertise, il reste des efforts à faire au plan de la qualité et de la logistique», dira Sadek Sabaoui, président de la section locale de l'Union nationale des paysans algériens (UNPA). Avec son climat varié, l’Algérie a de grands atouts pour avoir des parts sur le marché international du raisin. Un marché en nette progression qui devra passer de 215,17 milliards de dollars en 2024 à 303,20 milliards de dollars d’ici 2029, estime une récente étude sur la filière. «Au Sud, il y a des variétés de raisin qui arrivent sur le marché en mai et d’autres au Nord qui peuvent attendre jusqu’au mois d’octobre ou novembre.
C’est un avantage que les autres grands pays producteurs comme le Chili, le Pérou, l’Italie n’ont pas», indique Saïd, membre de l’association locale des viticulteurs. «En 2021, les trois principaux pays importateurs de raisins – les Etats-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas – ont importé environ 32% des raisins commercialisés dans le monde. La plupart des pays de la région européenne importent du raisin de table, tandis que des pays comme l’Italie disposent d’immenses superficies de vignobles pour la production de vin», lit-on dans l’étude de la FAO.
Plateformes de conditionnement
A Boumerdès, beaucoup de paysans plaident pour la mise en place d’une stratégie nationale et une feuille de route afin de développer cette filière et augmenter la facture des exportations hors hydrocarbures. «Il y a une surproduction de raisin. Les fortes chaleurs du mois d’août ont fait que de grandes quantités sont arrivées à maturité en un laps de temps très court. Avant-hier, le raisin se négociait entre 60 et 80 DA/kg en gros alors que son prix de revient dépasse 100 DA», explique Abderrahmane, paysan de Ouled Kheddache. Dans les marchés de détails, les prix restent toujours élevés.
Certaines variétés comme le Muscat et le Rede Globe sont cédées à plus de 250 DA/kg. «Les détaillants pratiquent des marges bénéficiaires de plus de 200%. Les plus grands perdants sont les agriculteurs et les pauvres consommateurs», regrette Abderrahmane.
Outre la création de plateformes logistiques et de conditionnement, les professionnels sont appelés à s’organiser au sein de coopératives et d’associations afin d’atteindre les objectifs escomptés. «J’ai déjà exporté de petites quantités par le passé, mais cela n’a pas été facile. On doit penser à réaliser des dépôts de stockage avec des variétés qui peuvent être gardées dans des chambres froides durant six mois», confie un autre viticulteur.
Pour lui, les quantités qui seront destinées à l’exportation doivent être définies préalablement en tenant compte de plusieurs critères et de données sur le marché. «L’Etat doit trouver un moyen afin de limiter l’usage des pesticides. Sinon on risque de voir notre raisin renvoyé des pays de destination, ce qui ternira l’image de l’Algérie et la qualité de nos produits agricoles», souligne-t-il. Meddaga Mohamed (59 ans), lui, ambitionne de produire du raisin sec. «Je cultive quatre variétés, mais maintenant je veux développer la Sultanine, une variété sans pépins, qui peut être séchée», a-t-il indiqué. Comme beaucoup de ses semblables, l’objectif de Mohamed est de limiter les importations.
Car personne n’en produit actuellement en Algérie. «Mon seul obstacle est que je n’ai pas d’électricité. Cela fait 4 ans que j’ai déposé mon dossier à la Sonelgaz, j’attends encore», confie-t-il avec optimisme.