Explosion du trafic des drogues de synthèse : L’ONU tire la sonnette d’alarme

11/06/2024 mis à jour: 03:06
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Le trafic de drogue de synthèse connaît une hausse vertigineuse ces dernières années - Photo : D. R.

En plus de la route directe entre le Maroc et l’Espagne, la résine de cannabis est acheminée par voie terrestre du Maroc vers la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, a précisé l’Organe des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), dans un rapport publié en avril.

Le trafic de drogues de synthèse explose. Selon le dernier rapport de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), dépendant de l’Organisation des Nations unies, il y a une inquiétante prolifération de drogues illicites puissantes et de l’usage abusif de produits pharmaceutiques.

Les opioïdes les plus commercialisés sont la codéine, la fentanyl, l’hydrocodone, l’oxycodone et la péthidine. Ces substances sont fabriquées dans des laboratoires clandestins basés dans des pays secoués par de fortes violences en Amérique latine, en Asie ou en Afrique.

Les matières premières utilisées dans la fabrication des psychotropes proviennent essentiellement de l’Inde. La culture illicite du cocaïer a atteint des niveaux record en Colombie et au Pérou. «La superficie cultivée en Colombie a augmenté de 13% pour atteindre un deuxième record consécutif de 230 000 hectares», a précisé le même rapport.

Aussi, une superficie record de 95 008 hectares de cultures illicites de cocaïer a été signalée au Pérou pour 2022. Une augmentation de 18% par rapport à 2021, selon l’OICS. Une évolution qui concerne plus particulièrement l’Amazonie péruvienne.

Si la récolte du pavot à opium a enregistré une chute spectaculaire en 2023 en Afghanistan, la fabrication de la méthamphétamine  a, en revanche, atteint de nouveaux sommets. Ce pays du sud de l’Asie centrale alimente en cette substance à la fois les marchés d’Asie, du Caucase du Sud, d’Afrique, d’Europe et d’Océanie.

En Afrique, le trafic de drogue (cocaïne, résine de cannabis, héroïne) s’ajoute au commerce florissant des opioïdes, notamment du Tramadol qui circule en grande quantité, particulièrement en Afrique de l’Ouest et centrale, deux régions de transit. «Au cours de la période 2017-2021, l’Afrique représentait la moitié de la quantité totale d’opioïdes pharmaceutiques saisies dans le monde et 97% du tramadol saisi sur la planète en 2021», précise l’ONUDC. Cette substance circule à travers les ports maritimes d’Afrique de l’Ouest, principalement au Bénin, au Nigeria et au Togo, avant d’arriver dans les pays du Sahel à bord de bus, de camions et de motos.

Les saisies dans ces deux régions ont atteint un niveau record. En 2023, précise l’OICS, les pays d’Afrique du Nord ont continué à saisir d’importantes quantités de cannabis en transit vers l’Europe, ou destinées au marché nord-africain. L’Algérie, selon ce même rapport, a saisi 58 tonnes de résine de cannabis en 2022 et plus de 2,5 tonnes de kif en mars et avril 2023.

Les milliards du cannabis

«Les données des pays du Sahel montrent que la résine de cannabis provient généralement du Maroc», a indiqué un rapport de l’Organe des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) rendu public en avril dernier. Cette drogue, a affirmé le même rapport, «est généralement destinée aux pays d’Europe occidentale et du Nord».

Le Maroc conserve ainsi sa place de premier producteur mondial de cannabis et bouscule les pays traditionnellement connus pour leur grosse production de drogues de synthèse comme l’Afghanistan, la Birmanie, ou de drogues dures comme le Pérou, la Colombie ou encore la Bolivie. Le marché illicite de la drogue se chiffre en milliards de dollars au Maroc.

Selon les estimations du ministère marocain de l’Intérieur, les revenus officiels d’exportation générés par le marché licite du cannabis oscilleraient entre 4,2 et 6,3 milliards de dollars à l’horizon 2028. Mais selon d’autres enquêtes, la production marocaine du cannabis est beaucoup plus importante que les chiffres officiels. Elle pèserait plus de 23 milliards de dollars.

En 2003 déjà, ce pays s’est distingué par sa grosse production de cannabis. Selon une enquête de l’ONUDC, dirigée par le directeur exécutif de l’époque Antonio Maria Costa, la surface cultivée était estimée à l’époque à 134 000 ha, soit 12% des terres agricoles irriguées. La production de cannabis brut était de l’ordre de 47 400 tonnes et celle de la résine était de 3000 tonnes.

Ce trafic illicite représentait 12 milliards de dollars. Le marché est aujourd’hui tellement juteux que les autorités marocaines ont annoncé de manière officielle leur décision d’accorder plus d’autorisations pour la culture et la production du cannabis. L’annonce a été faite en mai dernier par l’Agence marocaine de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC).

«Au-delà de la route directe entre l’Espagne et le Maroc, la résine de cannabis est surtout acheminée par voie terrestre du Maroc vers la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad», a précisé l’ONUDC qui a fait état de l’existence d’une autre voie maritime alternative allant du Maroc aux portes du golfe de Guinée. «La reconfiguration des routes du trafic de résine de cannabis en Afrique de l’Ouest est susceptible d’avoir un effet sur les réseaux de distribution de drogue opérant entre l’Afrique du Nord, le golfe de Guinée et le Sahel», a ajouté l’ONUDC dans son rapport.

«Les trafiquants de drogue marocains deviendront probablement moins dépendants des groupes criminels organisés maliens, tandis que les trafiquants du golfe de Guinée seront probablement de plus en plus exposés à la résine de cannabis. Ce qui leur permettra de diversifier leur commerce et les marchés auxquels ils ont accès», a souligné l’ONUDC.

Complicités

Cet office onusien a relevé dans le même sillage le fait que le trafic de drogue soit «facilité par un large éventail d’individus, tels que des hommes politiques, des membres des forces de défense et de sécurité, et du pouvoir judiciaire, notamment lorsqu’ils contournent les contrôles et évitent les arrestations et les procédures judiciaires».

D’ailleurs, le journal espagnol El Espanol avait rapporté, en mars dernier, des faits sur la complicité de responsables marocains dans ce trafic de plus en plus juteux, en faisant état de la participation de patrouilleurs de la marine royale dans une opération d’introduction de stupéfiants en Espagne.

Selon l’OICS, la fabrication, le trafic et l’usage illicites de drogues de synthèse, notamment de nouvelles substances psychoactives et de produits pharmaceutiques, continuent de poser d’importants problèmes dans les quatre coins du monde et particulièrement en Afrique où beaucoup de pays sont soit déstabilisés par des conflits soit plongés dans une pauvreté extrême.

Le trafic de tramadol constitue un problème croissant dans certains pays africains, a indiqué le rapport de cet organe onusien. Le trafic de drogue de synthèse est stimulé par l’Internet et la multiplication des plateformes de réseaux sociaux et d’outils de communication cryptés, a alerté l’OICS.

Aucune tolérance

Pour y faire face, cet organe des Nations unies a fait état de nouvelles initiatives qui ont été mises en place afin d’aider les gouvernements «à renforcer les partenariats avec l’industrie chimique, à cartographier les secteurs de leur industrie chimique, à prévenir le détournement et l’utilisation abusive du matériel spécialisé utilisé dans la fabrication de drogues illicites».

En Algérie, le général d’armée Saïd Chanegriha, chef d’état-major de l’ANP, a attiré récemment l’attention sur «la tendance haussière et alarmante que ne cesse de prendre, ces derniers temps, le phénomène de trafic de psychotropes, en tout genre» vers l’Algérie. Il s’est référé aux statistiques émanant des différents services de sécurité qui font état de la saisie d’énormes quantités.

Il a assuré qu’il n’y aura aucune tolérance envers les barons de la drogue. En 2023, les différents services de lutte contre les stupéfiants ont saisi plus de cinq tonnes de cannabis, plus de 151 kg de cocaïne, plus de 2 kg d’héroïne et plus de huit millions de comprimés psychotropes.

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