Abdelkader Alloula, victime d’un attentat le 10 mars 1994 alors qu’il se rendait, lors d’une soirée du mois de Ramadhan au théâtre d’Oran pour donner une conférence, fut très proche des jeunes, comme le souligne sa veuve Radja Alloula. «Sa coopérative théâtrale 1er Mai comptant de nombreux jeunes comédiens qui donnaient des spectacles et des représentations dans divers espaces, notamment dans les établissements scolaires, dans les villages les plus reculés et à l’occasion des festivals de théâtre et remportaient d’énormes succès», a-t-elle affirmé.
Alloula, a précisé son épouse Radja, «était un habitué du festival du théâtre. Il était accueilli comme un grand frère, n’hésitant pas à prodiguer conseils et orientations aux jeunes férus des arts des planches et aux autres artistes en matière de textes, de mise en scène et autres facettes de l’art scénique», a précisé sa veuve qui préside la fondation, dédiée à son défunt époux. «Homme de théâtre, il a su donner au 4e art national une nouvelle dimension aussi bien dans la forme que dans le contenu, en intégrant des formes d’expression puisées du terroir, à l’exemple de la Halqa et du Goual, en utilisant la musique, la lumière, le décor, l’expression corporelle comme éléments fondamentaux de la dramaturgie», a souligné sa veuve qui préside la fondation dédiée à son défunt époux. Alloula, a-t-elle affirmé, «a su mieux que quiconque parler et faire parler les petites gens, les laissés-pour-compte, les hommes et les femmes broyés par les aléas de la vie».
Une école nommée Alloula
Après près de trois décennies de sa disparition tragique «Sebâa Wahrane» (Le lion d’Oran) comme aiment à l’appeler affectueusement et avec respect les Oranais, ses £œuvres constituent une grande source d’inspiration pour bon nombre de jeunes comédiens. La fondation qui porte son nom offre une aide appréciable aux jeunes désirant faire des recherches sur l’oeuvre et le parcours de ce monument du théâtre national. Le metteur en scène, Mohamed Belfadel, a indiqué que «Alloula accompagnait souvent les jeunes troupes des années 80 et 90 à l’instar du TTO (théâtre des travailleurs d’Oran), les associations El Amel, Hammou Boutlelis, Ibn Sina et Noudjoum, de véritables pépinières qui ont permis l’éclosion de bien de talents et d’exaltantes aventures» Son amour pour le 4e art l’incitait à encourager toutes les initiatives juvéniles.
Les jeunes d’«Oran et d’autres régions du pays le prenaient pour leur exemple et symbole dans cet art. Alloula a pu donner à sa personnalité plusieurs facettes, celles du comédien, de l’auteur et du metteur en scène», a affirmé Mohamed Belfadel. «C’est Alloula qui m’a encouragé à m’investir dans le théâtre», reconnaît avec fierté, Mohamed Mihoubi, metteur en scène et président de l’association El Amel d’Oran. «Il était toujours présent pour soutenir les jeunes comédiens. Il assistait aux générales de notre association et lui prodiguait conseils et orientations», a-t-il affirmé. «J’ai beaucoup appris de lui notamment en matière d’art», a indiqué Mihoubi, qui garde encore en mémoire une des recommandations de l’artiste : «Avant d’être artiste, il faut s’armer de culture.» Mohamed Mihoubi a reconnu avoir beaucoup appris de l’expérience d’Alloula, notamment dans le monologue. «Sa pièce Homk Salim adaptée du ‘Journal d’un fou» de Nicolas, Gogol m’a motivé à suivre cet exemple et j’ai réussi à mettre en scène Nar fi haratna (Un incendie dans notre quartier», s’est-il remémoré.
Centre de ressources théâtrales inauguré
Pour sa part, le comédien Samir Zemmouri Mazouri a indiqué avoir découvert la Halqa grâce aux œuvres d’Alloula. «Ce qui m’a poussé à traduire en tamazight des tableaux de l’époustouflante interprétation de Djeloul Lefhaymi, dans la pièce Ladjouad (Les généreux) du défunt homme de théâtre. Cette oeuvre magistrale d’Alloula a été également traduite en tamazight et présentée au théâtre régional de Béjaïa». Abdelkader Alloula, natif de Ghazaouet (Tlemcen) a fait ses études de dramaturgie et des arts de spectacle à Paris (France), avant de commencer la pratique théâtrale durant les années cinquante. Il fut l’un des premiers, aux côtés d’Ould Abderrahmane Kaki, à intégrer Le goual dans le théâtre de la Halqa. Il avait notamment à son actif, entre autres, sa trilogie le Goual (Les dires), Lajouad (Les généreux) et Litham (Le voile), El Khobza, Homk Salim, Touffah (les pommes), «Arlequin, valet des deux maîtres». Jeudi, un centre de ressources théâtrales Abdelkader Alloula a été inauguré au niveau du théâtre régional d’Oran qui porte le nom du défunt.
Cette structure contient sa bibliothèque personnelle, ses documents, ses textes dramatiques, des thèses et des mémoires de fin d’études ayant pris son £œuvre comme objet de recherche, des photos, des articles de presse et autres documents. Tout ce précieux fonds archivistique, don de la famille d’Alloula, sera mis à la disposition des chercheurs, des étudiants, des artistes et journalistes, a-t-on indiqué au TRO.