Des «organoïdes » de cerveaux, sortes d’avatars de cerveaux dérivés de cellules humaines, vont être envoyés pour la première fois dans la Station spatiale internationale (ISS) pour sonder les effets de l’apesanteur sur le vieillissement et mieux comprendre certaines maladies associées.
L’expérience «Cerebral Ageing», élaborée par des scientifiques de l’Institut Pasteur et SupBiotech avec le Centre national d’études spatiales (CNES), doit décoller vendredi à bord d’une capsule Dragon, propulsée par une fusée Falcon 9 depuis Cap Canaveral (Floride). Les astronautes de l’ISS, en orbite à 400 kilomètres de la Terre, réceptionneront plusieurs dizaines d’organoïdes de cerveaux, petites structures cellulaires cultivées in vitro également appelées «mini-cerveaux». Il s’agit de cellules prélevées sur des humains qui ont été reprogrammées vers un type de cellule souche particulier pour recréer des cellules neuronales.
Depuis le début des recherches en 2020, des milliers de mini-organes ont vu le jour en laboratoire : avatars de cerveaux, de pancréas, de vessie... qui ont l’avantage d’être en trois dimensions, donc relativement proches d’un organe humain en développement.
Les mini-cerveaux permettent d’étudier «à volonté» le processus de vieillissement à l’échelle moléculaire et cellulaire, ce qui n’est pas possible sur des individus vivants «à moins de faire une biopsie», explique à l’AFP Miria Ricchetti, à la tête du laboratoire de mécanismes moléculaires du vieillissement pathologique à l’Institut Pasteur.
L’intérêt de les envoyer en orbite est double : observer les effets de la microgravité et d’une exposition prolongée aux radiations cosmiques sur «le vieillissement et le stress des cellules du cerveau», précise la chercheuse. Un enjeu de taille pour la santé des astronautes dans la perspective de vols habités lointains et de longue durée.
L’autre objectif est de mieux comprendre certaines maladies génétiques qui provoquent un vieillissement prématuré chez les enfants.
Pour cela, des organoïdes développés à partir de cellules de jeunes patients atteints de progéria seront mis en culture dans l’ISS. «Sur Terre, la gravité peut masquer certains phénomènes biologiques», décrypte Pierre-Antoine Vigneron, chercheur à l’Institut SupBiotech. S’affranchir de la gravité pourrait selon lui «faire émerger les effets d’une maladie du vieillissement qu’on ne peut pas voir dans nos conditions expérimentales au sol».Les mini-cerveaux - des sains et des malades - séjourneront 33 jours dans l’ISS où les astronautes seront chargés de surveiller leurs conditions de culture. Une fois redescendus sur Terre, ils seront comparés à des cultures témoins au sol.
L’expérience, qui devait initialement être envoyée en 2021 durant le séjour de l’astronaute français Thomas Pesquet, suppose une logistique complexe. «C’est une première étape. Si on démontre que ça peut fonctionner, on pourra la reproduire sur des périodes plus longues», selon Frank Yates, chercheur à SupBiotech.