Etude : Causes et effets de l’immigration clandestine en Algérie

16/01/2023 mis à jour: 01:55
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L’Algérie est un pays de transit de prédilection pour les migrants clandestins souhaitant rejoindre l’Europe, mais aussi un pays de destination pour ceux qui s’y installent faute d’avoir réussi à continuer leur périple vers l’Europe. De ce fait, l’Algérie est amenée à gérer non seulement les migrations entrantes mais également le circuit migratoire clandestin de ses ressortissants. La loi qui organise les conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers en Algérie, pénalise lourdement l’immigration illégale, ce qui rend les migrants clandestins encore plus vulnérables aux discriminations et aux abus éventuels en matière d’emploi. Ni les restrictions ni les sanctions prévues par la loi n’ont empêché les flux migratoires subsahariens, sans compter celui des réfugiés syriens, de prendre des proportions qui ont alarmé les autorités et éveillé l’hostilité d’une partie de la population. Faute de régularisation, ces migrations contribuent au secteur informel, notamment dans la région du Sud, et plus particulièrement dans le domaine de l’agriculture où la pénibilité du travail fait fuir les nationaux.» 

«Les migrants clandestins en Algérie forment un réseau important de travail dissimulé, qu’ils exercent dans des conditions propices à l’exploitation et aux pratiques discriminatoires par certains employeurs profitant de la situation précaire de cette population vulnérable. Si la migration de la main-d’œuvre est de plus en plus reconnue comme un vecteur de développement de l’économie, elle est aussi un facteur d’accroissement de l’économie informelle en raison de cadres politiques inadéquats pour l’accueil des migrants. De ce fait, les travailleurs migrants sont bien souvent concentrés dans l’économie informelle et y travaillent dans des conditions de vulnérabilité et d’insécurité». 

«Envisager une solution radicale à l’immigration clandestine et à son impact sur l’emploi oriente nécessairement vers le renforcement du contrôle des frontières. Mais il est difficile d’éliminer les migrations sans aller à l’encontre des considérations humaines et économiques qui y sont liées. Le renforcement du contrôle des frontières serait une bonne chose dans la mesure où l’on peut assurer que ceux que l’on renvoie dans leurs pays d’origine seraient épargnés d’une tragédie certaine qu’ils tentaient de fuir.» 

«Ce n’est malheureusement pas souvent le cas. Sur le plan humain, il faut combattre l’austérité avec laquelle les réfugiés sont accueillis par les nationaux en chassant l’idée selon laquelle les migrants sont des concurrents dans les chances d’employabilité, et ce, par une politique de sensibilisation basée sur la tolérance et le partage, ainsi que par la mise en valeur du potentiel économique de la diversité des origines et des cultures véhiculée par les migrants.»

«La régularisation des migrants clandestins peut donc tout aussi bien être bénéfique pour l’Algérie en ce qu’elle permet de fournir une main-d’œuvre stable pour des secteurs importants de l’économie nationale. Cette régularisation appelle en premier lieu la révision des lois qui organisent le travail et le séjour des étrangers, de manière à les rendre plus flexibles, et l’adoption d’un cadre juridique adapté au statut des réfugiés. Pour endiguer l’informalité, il faut aussi lutter contre les facteurs qui poussent les groupes vulnérables, dont les migrants, vers l’économie informelle. La discrimination que le marché du travail exerce à l’égard des migrants, sous la tutelle d’une législation qui la préconise, contraint souvent ces travailleurs à se regrouper dans l’économie informelle. C’est pourquoi le contexte juridique et politique doit éliminer ces discriminations sur le marché du travail formel et permettre d’y accéder grâce à des stratégies ciblées d’intégration des migrants dans le développement économique et sociétal.» 

«L’attitude des décideurs politiques envers les immigrants illégaux s’avère décisive, non pour l’éradication de ce phénomène inévitable dans le monde contemporain, mais pour en amoindrir les effets négatifs. Un décideur altruiste devra s’inquiéter autant du bien-être des travailleurs légaux, nationaux ou pas, que de celui des immigrants illégaux, et faire en sorte d’accueillir moins d’immigrants illégaux mais dans de meilleures conditions.» 

«L’ampleur que prennent les migrations clandestines en Algérie ou ailleurs impose une stratégie d’accueil réfléchie qui concilie les besoins de l’Etat d’accueil en main-d’œuvre et les attentes de l’Etat d’émigration en développement. Ainsi, il convient pour les Etats d’adopter des politiques d’emploi attractives afin de ne pas pousser les citoyens vers l’émigration et de répondre aux flux migratoires par une stratégie permettant non seulement de réduire le taux d’immigration sans recourir à la politique de répression, mais aussi de régulariser graduellement la situation des migrants et promouvoir le travail décent pour tous.» 

«La loi qui encadre le travail des étrangers en Algérie est bien trop obsolète pour réguler les flux migratoires et leur implication dans l’économie informelle. En attendant l’adoption d’une nouvelle loi, qui prendrait en charge toutes les catégories de travailleurs étrangers, dont les réfugiés, avec des dispositions claires et adaptées, force est de constater l’absence d’une politique d’accueil adéquate qui réponde aux engagements internationaux et aux recommandations de l’OIT.»

(*) Docteur en sciences, spécialité droit, Maître de conférences à l’Université de Béjaïa, consultante

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