Soumises à l’épuisement engendré par les déplacements forcés d’une zone vers une autre, plus de 57 000 femmes enceintes que compte la ville de Ghaza risquent de perdre leur fœtus, et au pire leur vie. Selon les services de santé de l’enclave, chaque heure, deux mères perdent la vie alors que des centaines d’autres avortent ou donnent naissance à des prématurés, faute de soins, de prise en charge, de nourriture, ou tout simplement en raison de l’épuisement, la guerre et la peur. Une situation inquiétante suscitée par cette guerre génocidaire menée par Israël, depuis déjà huit mois.
Déplacées sous un déluge de bombes et de balles israéliennes, du nord vers le sud, du sud vers le centre, et encore une fois du centre vers le sud, les femmes enceintes de Ghaza vivent continuellement dans la peur et la terreur, et ce, depuis le début de la guerre génocidaire il y a neuf mois. Un traumatisme à répétition qui les met en danger de mort à chaque instant et expose leur grossesse à une interruption brutale, avec toutes les complications possibles, en l'absence de prise en charge médicale.
Des récits glaçants ont été rapportés par de nombreux médias palestiniens sur cette pénible marche de centaines, voire de milliers de femmes enceintes. Certaines n’ont pu résister à la fatigue, la soif et le manque de nourriture et surtout la peur d’être la cible des balles et des bombes qui pleuvent sur leur route durant ces nombreux va-et-vient entre le Nord et le Sud, trimballant des ballots d’effets personnels sur le dos. Epuisées, bon nombre d’entre elles ont perdu leur enfant dès les premiers mois de leur grossesse.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), les 57 000 femmes enceintes à Ghaza «ont du mal à maintenir leur grossesse, exposant ainsi leur fœtus, leur vie, ou les deux à la fois, au risque de mort en raison de leur manque de protection, exigence minimale pour le suivi périodique de la grossesse». Dans un rapport publié il y a moins d’un mois, l’Organisation a affirmé qu’au moins deux mères meurent chaque heure à Ghaza. Ce qui donne une moyenne de 48 mamans qui décèdent chaque jour dans l'enclave.
A cela s’ajoute, précise l’OMS, «les centaines d’avortements et de naissances prématurées enregistrés par les hôpitaux de Ghaza. Parmi ces dernières, certaines ont eu lieu dans des conditions très difficiles, voire sans les soins primaires et sans respect des normes protocolaires». Le rapport précise, par ailleurs, que «les préoccupations vont au-delà de la question de la vie des mères à la naissance du bébé», expliquant que «sur les 20 000 naissances enregistrées à Ghaza, la majorité des bébés souffrent de malnutrition, en raison du manque sur le marché de nombreux produits alimentaires que la mère doit prendre pendant l’allaitement».
En effet, la guerre contre Ghaza a réduit à néant toutes les infrastructures de base et détruit une grande partie des commerces, marchés et bâtiments résidentiels, mettant à l’arrêt tous les circuits d’approvisionnement en produits de première nécessité. Même l’aide humanitaire sur laquelle comptait la population de Ghaza est bloquée durant des mois.
Utilisée comme arme de guerre, la famine a fini par s’installer et tuer de nombreux enfants. Le lait infantile, recommandé pour remplacer le lait maternel, n’est plus disponible et les alternatives utilisées à Ghaza, comme le lait de l'Unrwa, «ne conviennent pas aux nourrissons et provoquent de très mauvais symptômes de santé lorsqu’elles sont consommées», affirment certaines mamans au journal électronique palestinien Al Quds Press.
700 000 femmes et filles à Ghaza peinent à trouver des produits d’hygiène
Les femmes enceintes font face aussi à un défit majeur, celui de trouver des serviettes hygiéniques et surtout de l’eau potable. Le rapport de l’OMS avance un nombre de «700 000 femmes et filles de Ghaza qui ont du mal à se procurer des produits d’hygiène personnelle en raison de leur rareté sur les marchés».
La situation dans les camps de personnes déplacées est encore pire en raison de la rareté des installations sanitaires. Certaines ONG ont évoqué un nombre d’utilisateurs de toilettes dépassant les 700 personnes déplacées par salle de bains. L’une des sages-femmes travaillant à l’hôpital Al Awda, au centre de Ghaza, a déclaré au site Al Quds Press que «l’hôpital, doté de capacités modestes, est responsable du suivi de 20 000 grossesses dans le sud de la bande de Ghaza.
Les défis auxquels nous sommes confrontés sont le manque de consommables médicaux pour couvrir le grand nombre d’accouchements qui ont lieu par césarienne et non par des accouchements naturels, comme c’était le cas dans le passé en raison du manque de lits suffisants pour couvrir les besoins de tout le département».
Selon l’interlocutrice du média palestinien, il existe «une augmentation significative des fausses couches, dont certaines sont liées à la malnutrition, à l’épuisement et à la fatigue dus aux déplacements et aux mouvements constants, les mères portant des objets lourds, en particulier des gallons d’eau, l’étouffement auquel les mères sont exposées en allumant un feu, etc.».
Elle ajoute que «les fours à bois et à papier, en plus de la propagation des risques pour la santé et des odeurs de déchets, provoquent des fluctuations hormonales chez les femmes, entraînant une fausse couche», écrit le média.
Il y a quelques jours, le ministre palestinien de la Santé avait prévenu que «le travail des hôpitaux s'arrêtera d'ici quelques heures en raison de l'épuisement du carburant nécessaire au fonctionnement des générateurs, malgré les dures conditions météorologiques».
Une situation dramatique aggravée par la rareté du carburant et des médicaments bloqués par l’entité sioniste, mais aussi par les opérations de bombardement des infrastructures de santé, qui ont mis hors-service plus d’une trentaine d’hôpitaux depuis le 7 octobre dernier.
Selon l’Unrwa, sur les 84 000 personnes nouvellement déplacées, 10 600 ont trouvé refuge dans 27 endroits, dont des écoles de l’agence onusienne, où des points de santé provisoires sont disponibles et sont de plus en plus sollicités pour faire face à la demande, alors que les raids israéliens continuent à les prendre pour cibles.
«De nombreuses personnes ont perdu des membres de leur famille. Les femmes enceintes et les personnes handicapées sont parmi les plus vulnérables, car elles ne peuvent pas se déplacer facilement lors des déplacements forcés, et les milliers d’enfants non accompagnés et séparés de leur famille suscitent une grande inquiétude», a déclaré un responsable de l’Office onusien de coordination des affaires humanitaires (Ocha).
Et d'ajouter cependant qu’«il devient presque impossible pour l’ONU de fournir une quelconque réponse en raison du siège imposé par Israël, du manque de carburant, du manque de fournitures d’aide, du manque de sécurité et de toutes les difficultés pour notre personnel, qui lutte lui-même pour survivre pendant cette guerre». Et de relever que «depuis l’invasion de Rafah et les vastes opérations militaires dans le Sud, les zones sud de Ghaza sont désormais semblables aux scènes apocalyptiques du nord et de la ville».