Environnement : La «forêt mosaïque», une stratégie française

04/10/2023 mis à jour: 00:47
AFP
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Faire absorber à la forêt en 10 ans un choc thermique de 10 000 ans, l’objectif de l’ONF

L’été glisse vers l’automne dans l’ancienne forêt royale. Le massif reste vert mais certains feuillus ont perdu des branches, des pins sylvestres ont roussi. La France a été confrontée à moins d’incendies qu’en 2022 mais le dépérissement se poursuit à bas bruit. «Le stress climatique, c’est une tempête silencieuse : il fait autant de dégâts mais qui se voient moins.

 La grande différence, c’est que cette tempête-là ne s’arrête pas», explique Albert Maillet, directeur forêts et risques climatiques à l’Office national des forêts (ONF). Gestionnaire des forêts publiques françaises (17 millions d’hectares en métropole), l’ONF cherche des solutions, avec en tête «un scénario de +4°C à l’horizon 2100» - alors que la France s’est réchauffée d’environ 1,8°C depuis le début du XXe siècle. Le défi est immense : «On va essayer de faire absorber à la forêt en 10 ans un choc thermique de 10 000 ans», résume Albert Maillet. 
 

La solution passe par «la diversification des essences et l’hétérogénéité des traitements», allant jusqu’à l’introduction d’essences «sudistes» ou «étrangères» plus au nord. La France «est le seul pays d’Europe au confluent de quatre zones bioclimatiques: atlantique, continentale, de montagne (alpine) et méditerranéenne. Et peut-être bientôt tropicale sèche dans une partie de la zone sud», souligne Albert Maillet. A l’échelle de la forêt domaniale de Moulière, tous les scénarios d’adaptation sont déjà là. 

Antoine Bled, directeur régional de l’ONF, déploie une carte de l’aménagement forestier. De petits carreaux irréguliers composent le dessin du massif : bleu pour la régénération naturelle (sans plantation), beige pour les îlots de vieillissement (arbres abritant oiseaux et insectes) ; les différents types de gestion s’étagent du saumon au bordeaux pour les résineux et du vert tendre au kaki pour les feuillus ; les parcelles mélangées se déclinent en blond et orange ; les landessont cerclées de bleu, les réserves hachurées en marron. Ce patchwork de 4200 hectares forme la «forêt mosaïque». L’image «illustre la stratégie de l’ONF face au changement climatique», explique sa directrice générale Valérie Metrich-Hecquet.
 

«Aide à la migration» 

D’abord, observer : «Parcelle 242», des chênes centenaires prospèrent en futaie régulière (arbres de même âge), avec un sous-étage de hêtres et de charmes. Ici, il s’agit de pérenniser le patrimoine français : des bois remarquables destinés à la tonnellerie. Le forestier Christophe Chopin y est chargé du dispositif de recherche «Renecofor», mis en place il y a 25 ans et qui évalue la réaction des écosystèmes forestiers au climat : «On évalue le niveau de croissance des arbres, la date d’apparition et de chute des feuilles, la production de glands.» Dans ce peuplement dit remarquable pour la qualité de ses arbres, l’ONF récolte les glands pour garantir la pérennité de la génétique exceptionnelle du chêne sessile, aujourd’hui adapté au climat local et qui pourra demain être implanté plus au Nord. 
 

A quelques kilomètres de là, «Parcelle 237», le chêne reste roi, mais cette fois en futaie irrégulière, accompagné de pins maritimes, de frênes ou d’alisiers. Les châtaigniers, vaincus par un chancre, ont dépéri, tandis que le bouleau a fait son entrée. «Là où on a des parcelles plus mélangées, on a un meilleur fonctionnement du sol et des écosystèmes. A l’inverse, on perd 30 à 40% de productivité si le sol a un mauvais fonctionnement hydrique», remarque Antoine Bled.
 

Le stade suivant est l’aide à la migration : «Parcelle 85», la cohabitation des pins sylvestres avec les chênes sessiles bat de l’aile.
 

Le feuillu capte l’essentiel des réserves d’eau du sol. Sur 7 hectares, l’ONF donne un coup de pouce à la régénération naturelle en introduisant des chênes plus méridionaux ainsi que des pins Laricio, mieux adaptés, espère-t-il. Les jeunes plants poussent à l’ombre de chênes centenaires, entourés d’un fin grillage qui les protège de la dent du gibier. 

Ailleurs, sont testés des pins de Turquie et un sapin d’Espagne toujours  «sur de petites surfaces, pour pouvoir revenir en arrière», explique Albert Maillet. Quelles que soient les interventions de l’homme, martèle-t-il, «les nouveaux boisements pousseront moins vite». «Récolter du bois en forêt mosaïque, c’est plus compliqué qu’en futaie régulière, mais c’est moins compliqué que dans une forêt qui crève.» 
 

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