Exploitant les résultats de l’enquête réalisée dans le cadre du projet de recherche Sahwa, initiée par l’Union européenne (UE) et sur un échantillon de 10 000 jeunes dans ces cinq pays de la région Mena (Moyen Afrique du Nord) dont l’Algérie, Yougourtha Bellache, enseignant-chercheur à l’université de Béjaïa, a publié tout récemment une étude sur ce dossier en Algérie.
Intitulée «L’entrepreneuriat des jeunes en Algérie : déterminants et inégalités de genre», cette analyse souligne, d’emblée, le retard accusé en Algérie en matière de création d’entreprises, «en dépit d’une forte croissance du nombre de PME au cours des deux dernières décennies».
Aussi, même si les dispositifs publics d’aide à la création d’activités ont contribué à la création de micro-entreprises par les jeunes, le taux de mortalité de ces dernières est très élevé et l’impact sur l’emploi est resté limité.
Cela pour souligner que l’environnement ne joue pas en faveur de l’entrepreneuriat. L’étude le dit clairement : «La faiblesse de l’activité entrepreneuriale en Algérie s’explique par la nature de l’environnement global qui demeure fortement contraignant pour les entrepreneurs, a fortiori pour les jeunes et aussi par des facteurs individuels propres aux entrepreneurs et leur environnement immédiat».
Aussi, comme dans la plupart des pays de la région MENA, il existe en Algérie des écarts importants entre les sexes en termes de niveau et de nature de l’activité entrepreneuriale. L’étude en question menée sur un échantillon de 1004 jeunes actifs comprenant 127 entrepreneurs a globalement porté sur les déterminants du choix de l’entrepreneuriat.
Elle a essentiellement relevé que les caractéristiques sociodémographiques des jeunes ainsi que leur réseau familial jouent un rôle important dans l’accès à l’entrepreneuriat. «Notre étude introduit dans l’analyse des variables rarement explorées par les études antérieures portant sur l’Algérie comme la catégorie socioprofessionnelle des deux parents et le rôle du réseau familial. Nos résultats mettent en évidence l’effet des caractéristiques sociodémographiques (âge, genre, éducation) et du réseau familial des jeunes sur l’accès à l’entrepreneuriat», résume M. Bellache.
Et de noter que l’accès à l’entrepreneuriat est aussi associé à un faible niveau d’éducation. Comment ? «Les jeunes plus éduqués ont tendance à préférer le statut de salarié ou rester au chômage.» Autre conclusion : le genre constitue un déterminant significatif. Ce qui fait que les femmes sont moins susceptibles que les hommes d’accéder à l’entrepreneuriat.
La typologie des entrepreneurs élaborée montre aussi que les femmes se distinguent nettement par des revenus plus faibles, l’absence de réseaux de soutien et la nature de leur activité (services). «Cette typologie met en évidence une classe d’entrepreneurs purement informels, se caractérisant aussi par des revenus modestes et l’absence de réseaux de soutien», explique notre chercheur.
L’étude révèle, par ailleurs, que la catégorie socioprofessionnelle des parents, notamment celle du père, constitue un déterminant majeur de l’accès des jeunes à l’entrepreneuriat.
Ainsi, les jeunes dont les parents sont entrepreneurs ont plus de chance de devenir eux aussi entrepreneurs. «Les trois autres classes se démarquent par des revenus plus élevés et par la présence de réseaux familiaux (aide des parents, père entrepreneur).
Ces résultats montrent l’importance cruciale des réseaux familiaux dans l’activité entrepreneuriale des jeunes, particulièrement pour les femmes peu instruites», conclut M. Bellache. Ce sont autant de résultats qui ont, selon lui, des implications directs en termes de politiques à mener pour promouvoir l’entrepreneuriat des jeunes en général et l’entrepreneuriat féminin en particulier.
Compte tenu du déficit d’éducation et de formation des jeunes entrepreneurs, M. Bellache plaide pour des programmes de formation adaptés pour ces jeunes et pour le renforcement de ceux déjà existant, en améliorant leur efficacité. L’implication des chambres et associations professionnelles ainsi que des collectivités locales dans ces programmes de formation afin de faciliter l’accès au plus grand nombre est également préconisé. Et ce d’autant que l’étude relève dans certains cas l’absence totale de soutien et d’accompagnement à toutes les phases de l’activité entrepreneuriale.
Les femmes sont nombreuses à souffrir d’une telle situation. D’où la nécessité de l’avis de ce chercheur d’encourager la création de réseaux dédiés exclusivement aux femmes et de mener des campagnes d’information et de communication pour valoriser l’entrepreneuriat féminin.
«De façon plus générale, les pouvoirs publics devraient offrir un cadre global favorable à l’entrepreneuriat en favorisant la création d’écosystèmes entrepreneuriaux au niveau local, impliquant les acteurs locaux, les centres de formation et les universités», recommande l’étude. Le lancement en ce début d’année de l’Agence nationale de l’auto-entrepreneur est un début, en attendant que d’autres mesures suivent.