Enjeux cruciaux en Libye

02/06/2024 mis à jour: 03:44
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Le vice-ministre russe de la Défense, Yunus-bek Yevkurov, s'est rendu, vendredi 31 mai 2024, à Benghazi pour la quatrième fois depuis août 2023. L’existence d’aéroports et de ports en Libye pousse la Russie à accorder un rôle majeur à l’ex-Jamahiriya dans les nouveaux plans du bataillon africain de l’armée russe opérant au Mali, Burkina Faso, Afrique centrale et Niger, en plus de la Libye. 

Lequel bataillon prenant la relève du groupe Wagner en Afrique, très actif ces derniers temps en Afrique subsaharienne. Et vu l’extrême importance du rôle géostratégique de la Libye, la Russie a décidé de mettre le paquet. Vladimir Poutine avait d’ailleurs reçu en personne Khalifa Haftar à Moscou le 28 septembre 2023, et il lui avait promis le renforcement des capacités de défense antiaérienne de ses troupes et le renouvellement de l’infrastructure de ses aéroports, talon d’Achille lors de la bataille de Tripoli en 2019/20. 

En contrepartie, les Russes demandent l’aménagement d’un port en eaux profondes à Benghazi ou à Tobrouk pour leurs navires militaires, et des facilités à leurs troupes sur les aéroports de l’Est et du Sud libyens, escale sur la route des alliés de la Russie en Afrique subsaharienne. Jusque-là, les informations en provenance de Benghazi indiquent que l’homme fort de l’Est libyen n’a pas encore tranché. Haftar a, ceci dit, prié les Américains, depuis 2023, de ne plus lui parler du danger russe, aussi bien à leur envoyé spécial en Libye, Richard Norland, venu plusieurs fois l’année dernière au QG de Benghazi, que le chargé d’affaires US à Tripoli, Geremy Brent. 

Les gros porteurs Antonov et les bâtiments de la marine russe continuent à affréter de l’armement russe en Libye. Mais, pour le moment, aucun signal n’a filtré sur des travaux d’aménagement sur les bases ou les ports de l’Est libyen. Les mouvements russes ont la même cadence qu’auparavant. Il est donc clair que Haftar hésite dans une Libye sujette à diverses pressions internationales de tous bords. 

Ainsi, le même jour de l’arrivée de Yevkurov à Benghazi, le 31 mai, le chef du gouvernement d’union nationale, Abdelhamid Dbeiba, a été reçu à Ankara pendant deux heures dix par le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Le reportage sur la rencontre, rendu par l’agence Anadolu, a parlé de l’importance de l’unité de la Libye. 
 

Dbeiba a fait une escale à Ankara alors qu’il rentrait de Pékin, où il a assisté à la 10e conférence ministérielle du Forum de coopération sino-arabe. A Pékin, Dbeiba a rencontré le président des Emirats arabes unis (EAU), Mohamed Ibn Zayed, qui est l’un des plus forts soutiens de Khalifa Haftar. 

Les EAU n’ont cessé de contribuer à l’instabilité de la Libye depuis 2016, voire avant. Divers récits ont détaillé leur financement de manière indirecte de la présence des Wagner en Libye. Et même s’il n’y a plus de guerre entre l’Est et l’Ouest en Libye, les enjeux restent de première importance, ne serait-ce que l’accès au secteur libyen de l’énergie et aux marchés de la reconstruction. Plusieurs puissances internationales et régionales se livrent une guerre par procuration pour une part plus importante dans ce «gâteau libyen», d’autant plus que les fonds sont disponibles. 

Aujourd’hui, les enjeux sont plus importants, puisque les Russes veulent utiliser l’accès de la Libye sur la mer Méditerranée et les aéroports libyens en soutien stratégique à leur contingent africain au Niger, Mali, Burkina Faso et Afrique centrale.

 Moscou lorgne même du côté de Dakar, N'Djamena et Khartoum. Un éventuel accord entre Haftar et Moscou serait de nature effectivement à changer la donne durablement en Libye et dans la région.

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