Ces dernières années, les jeunes privilégient davantage la consommation de boissons dites «énergisantes». Si certains cherchent à améliorer leurs performances sportives, d’autres abusent dans leur consommation pour favoriser la concentration à l’approche des examens, et cela n’est pas sans conséquences sur leur santé. Explications !
«Les boissons énergisantes sont associées à un risque accru de problèmes de santé mentale chez les enfants et les jeunes, notamment l’anxiété, le stress, la dépression et les pensées suicidaires.» C’est ce qu’a révélé l’étude réalisée par les chercheurs du Centre de recherche translationnelle en santé publique (Fuse), de l’université de Newcastle et de l’université de Teesside.
Ces derniers ont examiné les données de 57 études portant sur plus de 1,2 million d’enfants et de jeunes de plus de 21 pays. D’ailleurs, Dr Visram, maître de conférences en santé publique au Fuse et co-auteur de l’étude, a confié être profondément préoccupé par ces résultats.
De son côté, M. Lake, professeur de nutrition en santé publique au Fuse et auteur principal de l’étude, a affirmé que si les boissons énergisantes sont commercialisées auprès des enfants et des jeunes comme un moyen d’améliorer leur énergie et leurs performances, les conclusions de l’étude suggèrent qu’elles font en réalité plus de mal que de bien. «Nous exprimons nos inquiétudes concernant les effets de ces boissons sur la santé depuis près d’une décennie», a-t-il ajouté.
En effet, si ces boissons ne devraient pas être consommées par les enfants et adolescents, c’est parce qu’elles «contiennent des stimulants susceptibles d'entraîner une hausse de la pression artérielle, une accélération du rythme cardiaque, une nervosité, de l’anxiété et des troubles du sommeil», explique Mme Attab, pédiatre.
«Ce mode de consommation est dangereux»
Selon elle, la quantité de caféine que contiennent ces boissons, le genseng, la taurine et autres stimulants extraits des plantes ne sont pas adaptés aux enfants et aux adolescents et peuvent même être à l’origine d’accidents graves. «Si elles sont consommées en grandes quantités, à savoir plus de 3 canettes par jour, les boissons énergisantes peuvent être responsables d’arythmie cardiaque, de maux de tête, d’hallucinations et même de convulsions», a-t-elle mis en garde.
Le risque est donc principalement lié aux excitants que ces boissons contiennent et pour en mesurer la dangerosité, il est important de comprendre le mécanisme par lequel elles affectent l’organisme. A cet effet, Mme Attab explique : «Ces substances agissent au niveau cardiaque et circulatoire. En fait, elles agissent sur le système nerveux central en augmentant la vigilance et la concentration.
C’est ce qui explique le regain d’énergie ressenti par les jeunes consommateurs. Toutefois, elles perturbent par-là même le sommeil et augmentent l’irritabilité, l’anxiété et la nervosité, en particulier, si ces boissons sont consommées avec d’autres boissons contenant de la caféine, la théine ou les boissons gazeuses.» Malgré toutes ces nuisances, de plus en plus de jeunes consomment ces boissons. Certains pour améliorer les performances sportives, d’autres pour «mieux se concentrer» à l’école ou à l’université.
Ce à quoi, Mme Attab met en garde : «Ce mode de consommation est dangereux, car il expose ces étudiants à une sorte d’addiction avec un effet néfaste sur leur santé sur le long terme.» Plus loin encore, la spécialiste estime que ce mode de consommation «ouvre la voie aux jeunes vers d’autres habitudes de consommation malsaines, à l’exemple de l’alcool ou des drogues».
La raison : un corps qui s’habitue aux excitants va, selon elle, chercher toujours d’autres substances ou associations de substances stimulantes ou excitantes. «Le risque de dépendance existe du fait de l’effet stimulant que procurent ces boissons et les individus peuvent avoir besoin de quantités croissantes pour obtenir les effets souhaités», poursuit-elle.
Finalement, la consommation de boissons énergisantes entraîne des effets sur la fonction et le débit cardiaque, la tension artérielle ainsi que le système nerveux central, source d’insomnie et d’anxiété. «Elles peuvent aussi avoir un effet négatif sur le comportement et la personnalité de l’enfant et l’adolescent. C’est pourquoi, ce type de consommation ne devrait pas avoir de place dans leur alimentation», suggère Mme Attab. En ce qui concerne leur consommation pour améliorer les performances physiques, Mme Attab incombe la responsabilité aux campagnes de publicité.
Selon elle, ce sont ces campagnes qui ont permis, à tort, d’associer ces boissons aux activités sportives. «Cependant, ces produits ne doivent pas être recommandés ni avant, ni pendant, ni après une activité physique», prévient-elle. Et pour cause : «Elles peuvent provoquer dans ce contexte une déshydratation, une tachycardie, de l’arythmie et de l’hypertension», précise Mme Attab. C’est pourquoi, elle estime que la vente de ces produits devrait être interdite dans les salles de sport. Plus loin encore, elle estime que la vente de ces produits devrait être interdite pour les moins de 18 ans et dans les écoles.
Si la spécialiste rappelle que la consommation de ces boissons est interdite pour la femme enceinte ou allaitante, elle met en garde les adultes : «Une consommation régulière de plus de 3 canettes par jour les expose au risque de troubles du rythme cardiaque, en particulier si la personne consomme d’autres boissons cafeinées.»
En conclusion, Mme Attab rappelle que la consommation de ces boissons est loin d’être anodine et devrait même être encadrée par une information plus importante et plus juste auprès des consommateurs. «Mais ce n’est sûrement pas une boisson pour les sportifs ni pour les enfants», conclut-elle. S. O.
- L’avis du cardiologue : «50% des effets indésirables ces boissons sont d’ordre cardiovasculaire»
La popularité des boissons énergisantes a connu une croissance phénoménale, et cela n’est pas sans conséquences sur la santé de manière générale et le système cardiovasculaire en particulier. «La recommandation officielle stipule que la consommation de caféine ne doit pas dépasser 3 mg par kilogramme de poids corporel pour les enfants, et un maximum de 400 mg/j pour les adultes», affirme tout d’abord Youcef Mohamedi Bouzina, cardiologue.
Selon lui, il est très facile pour un jeune d’absorber une telle quantité, soit l’équivalent en caféine d’un à deux cafés contenu dans une canette de boisson énergisante selon les différentes marques de ces boissons. La teneur élevée en sucre peut également, selon le Dr Bouzina, endommager les dents des enfants. «Si en plus s’ils ne mangent pas déjà sainement, cela contribue à développer l’obésité», ajoute-t-il. Précisant au passage que les boissons énergisantes peuvent aussi avoir des conséquences désastreuses sur le sommeil. «On sait très bien que l’enfance et l’adolescence sont des moments essentiels pour construire le sommeil.
La caféine contenue dans ces boissons énergisantes peut bouleverser de manière dangereuse la qualité du sommeil et le temps d’endormissement», met-il en garde. Et lorsque le sommeil de l’enfant est perturbé, le cercle vicieux commence. L’enfant est fatigué dans la journée et cet état de somnolence va le pousser à reprendre de la caféine. Autre conséquence sur la santé et non des moindres : les effets d’ordre cardiaque.
«Il faut savoir que plus de 50% des effets indésirables des boissons énergisantes sont d’ordre cardiovasculaire en particulier par l’élévation de la pression artérielle et les troubles du rythme cardiaque provoqué par un allongement du QT», prévient le Dr Bouzina. En ce qui concerne les symptômes, le spécialiste assure qu’ils peuvent aller de palpitations secondaires à une tachycardie en plus d’une sensation d’oppression ou douleurs thoraciques.
Par ailleurs, le spécialiste rappelle que ces boissons ont également un effet d’ordre neurologique : «Elles peuvent entraîner des crises d’épilepsie, des tremblements ou encore des vertiges». Et enfin, les conséquences d’ordre psychiatrique causées par la consommation de ces boissons sont multiples. «Il y a par exemple l’angoisse, l’agitation et aussi une confusion», précise le Dr Bouzina. Pour lui, l’importante consommation de ces boissons chez les enfants est due à plusieurs facteurs, notamment le manque d’information autour de ces produits nouveaux. «Si les parents savent qu’on ne donne pas de café aux enfants, ils ne sont pas aussi bien renseignés sur ces boissons énergisantes», affirme-t-il.
La force promotionnelle des marques qui les commercialisent est, selon lui, une deuxième hypothèse pour expliquer cela. C’est pourquoi, il estime que la consommation des boissons caféinées doit être évitée chez les personnes sensibles, à savoir les enfants, les adolescents, les femmes enceintes ou allaitantes et les personnes qui présentent des pathologies chronique (cardiovasculaire, neurologique, hépatique, rénale...). Sofia Ouahib
Hacène Menouar. Président de l’association El Aman pour la protection des consommateurs : «Il faut taxer fortement ces produits afin de décourager leur consommation abusive»
Il faut savoir que toutes ces boissons énergisantes, comme toutes les autres boissons «artificielles» sont un danger pour la santé publique, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants ou de personnes vulnérables, dont la santé est fragile.
- De plus en plus d’enfants consomment les boissons énergisantes, ce qui n’est pas sans risque sur leur santé.
Existe-t-il une loi qui interdirait de leur vendre ces produits ?
Il faut savoir que toutes ces boissons énergisantes, comme toutes les autres boissons «artificielles» sont un danger pour la santé publique, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants ou de personnes vulnérables, dont la santé est fragile. Ces boissons contiennent des ingrédients excitants, comme la caféine. Normalement, ces produits relèvent du domaine de la médecine et de la pharmacie. Malheureusement, ils sont actuellement inscrits dans le domaine des produits alimentaires.
Et c’est justement cela qui permet à tout le monde, grands et petits, de les acheter dans des épiceries, des supérettes, des bureaux de tabac ou encore dans des stations de services. Leur consommation étant en forte augmentation, et ce, dans le monde entier, reste inquiétante.
Toutefois, il faut signaler qu’ailleurs, un travail de sensibilisation et de réglementation, concernant la commercialisation de ces produits, a permis de réguler la situation. Pour l’heure, il n’existe pas encore chez nous une loi qui interdirait la commercialisation de ces boissons. Par contre, il existe la loi de l’étiquetage qui peut s’avérer utile concernant ce type de produit.
Celle-ci oblige les opérateurs économiques, qu’ils soient producteurs ou importateurs, à porter toutes les informations utiles sur l’étiquetage. N’ayant malheureusement pas cette culture de lire la composition des produits avant de les acheter et les consommer, les gens les consomment avec abus, jusqu’à 3 fois par jour pour certains, pensant que cela va les aider dans leurs révisions par exemple.
- Quelles sont vos propositions afin de stopper ce phénomène ?
En tant qu’association, on estime que ces produits doivent être mieux réglementés et considérés comme compléments alimentaires qui ne se vendraient que sur autorisation du ministère de la Santé. A titre d’exemple, on propose que ces produits, qu’ils soient produits en Algérie ou importés, doivent porter un numéro d’autorisation du ministère de la Santé, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, dissuader les importateurs et les producteurs mais aussi pour rendre leur commercialisation plus stricte.
Cependant, le plus grand travail devrait se faire au niveau des foyers. Les parents doivent avoir plus de maîtrise par rapport à la consommation alimentaire de leurs enfants. Ils peuvent par exemple contrôler l’argent de poche et ce qu’ils en font. Car n’oublions pas que, d’une manière générale, l’argent avec lequel les adolescents se permettent d’acheter ces boissons et parfois des cigarettes, est donné par les parents.
C’est pourquoi, il faut qu’il y ait un meilleur contrôle. De plus, la sensibilisation à tous les niveaux reste très importante. Il faut inculquer une culture de consommation saine et équilibrée. Il faut aussi interdire la vente de ces boissons dans les supérettes. Les retrouver dans les mêmes étalages que les autres boissons est trompeur. Il devrait y avoir une différence entre les deux. Enfin, on recommande de taxer ces produits de manière à freiner leur consommation abusive.
- Qu’en est-il de la commercialisation de ces boissons dans les salles de sport ?
La commercialisation de ces boissons dans les salles de sport est anormale, voire grave. Cela porte une réelle atteinte à la santé publique. Ces dernières années, nous avons constaté une hausse dans les décès chez les personnes sportives et cela serait dû à une consommation abusive de compléments alimentaires ainsi que ces boissons. Il faut savoir que la consommation de ce type de produit n’est absolument pas recommandée pour les sportifs. C’est pourquoi, il est important d’intensifier le contrôle dans ces salles de sport et de déterminer si elles ont réellement le droit de vendre ces boissons dans des frigos présentoirs.
Boissons énergétiques vs énergisantes
• Les deux sont différentes par leur composition et leurs effets sur l’organisme. «Les boissons énergétiques sont destinées à lutter contre la fatigue et la déshydratation durant l'effort», assure Dr Attab. Selon elle, ces boissons contiennent de l’eau, du sucre, des sels minéraux, des vitamines et des antioxydants mais ne contiennent pas de stimulants. «Elles sont généralement consommées par les sportifs ou tout individu ayant une activité sportive intense», affirme-t-elle.
En effet, prévues pour réhydrater et reconstituer les stocks de ces nutriments, les boissons énergétiques peuvent être utiles en cas d’effort physique prolongé et/ou intense, car elles procurent une sensation de rafraîchissement et de bien-être grâce à la réhydratation et aux autres composants qui permettent de lutter contre la fatigue et qui redonnent ainsi de l’énergie au corps, et ce, sans inclure de composant stimulant tel que la caféine. En ce qui concerne les risques pour la santé suite à la consommation de ce type de boisson : ils sont modérés.
• «A contrario, les boissons énergisantes possèdent des propriétés stimulantes tant au niveau physique qu’intellectuel», prévient Dr Attab. Selon elle, ces produits contiennent des excitants tels que la caféine, la taurine, le D-glucuronolactone, les extraits de plantes (ginseng, guarana, maté) en plus de la quantité importante de sucre. Communément appelées «energy drink », ces boissons sont donc essentiellement composées d’un mélange d’ingrédients aux effets stimulants. Et comparativement aux boissons énergétiques, les boissons énergisantes présentent davantage de risques sur la santé. S. O.