Le prix de la banane a pris l’ascenseur en cette première décade du mois de Ramadhan. Et en toute vitesse. Sur les étals, la banane est passée en l’espace de quelques jours de 450 à 700 DA le kilogramme, alors que son cours mondial (un demi-dollar en moyenne, soit 240 DA au marché informel) est des plus stables et les coûts de transport inchangés depuis des mois.
Cette flambée – de trop – des prix de la banane est devenue récurrente et suscite bien des interrogations chez le consommateur lambda. L’actuel ministre du Commerce et de la Régulation du marché intérieur, Tayeb Zitouni, n’a cessé, depuis au moins trois ans, de s’exprimer au sujet de cette flambée des prix. Toujours le même topo. Et, depuis, la spéculation est toujours au rendez-vous, même lorsqu’on annonce une hausse des quotas d’importation et des «mesures de régulation draconiennes» d’un marché placé entre les mains d’une poignée d’importateurs.
Un cartel de la banane – quatre ou cinq – qui dispose d’un monopole exclusif sur cette filière. «Cette hausse ne peut être du moment que la chaîne d’approvisionnement n’a pas connu de rupture. Il n’y a pas de pénurie de banane, bien au contraire», explique un vendeur de fruits d’Alger.
Selon plusieurs observateurs, cette hausse ne s’explique ni par une pénurie ni par une augmentation des coûts d’importation. Les volumes de bananes importés ont en effet augmenté ces dernières années, sans que cela ne stabilise les prix.
L’Association de protection et d’orientation du consommateur et de son environnement (Apoce) a dénoncé, le lundi 3 mars, cette hausse inexpliquée et a appelé les autorités à ouvrir une enquête pour déterminer les causes de cette flambée des prix.
Aussi, l’Association a, dans un communiqué, appelé les autorités à «intervenir et à lutter contre les spéculateurs» dans cette filière. Dans une déclaration à El Khabar, Benlaraj Mohamed Lotfi Wahid, membre de l’Apoce a, notamment, appelé les pouvoirs publics à s’attaquer aux commerçants occasionnels, qu’il a qualifiés de «mafia de la banane» et de «spéculateurs sans foi ni loi», soulignant que la banane est «un indicateur et un repère pour fixer les prix d’autres fruits».
La hausse du prix de la banane est un feu vert pour augmenter ceux d’autres fruits, déjà inabordables. Le président de l’Apoce, Mustapha Zebdi, a, lui, accusé, lundi dernier, les importateurs et les grossistes de pratiques spéculatives visant «à maximiser leurs profits» au détriment des consommateurs.
«Soupçons de manipulations du marché local»
D’après lui, les prix internationaux de la banane n’ont pas connu de hausse significative, «ce qui renforce les soupçons de manipulations du marché local».
C’est ce qu’a également affirmé l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) dont la réaction a été très énergique. Dans un communiqué, l’Union a tenu à se démarquer par rapport à cette crise en affirmant que les commerçants et les grossistes ne sont pas responsables de la hausse des prix.
L’UGCAA a, sans détour, pointé du doigt certains importateurs en les accusant de pratiques spéculatives à large échelle. Selon elle, ces mêmes importateurs écoulent la banane à des prix élevés, tout en imposant des facturations sous-évaluées, ce qui fausse le marché et entraîne une flambée artificielle des prix.
Des témoignages relayés, la semaine dernière, sur les réseaux sociaux ont en effet révélé ce genre de pratiques qui consiste à facturer le kilogramme de banane à 290 DA et de le céder aux grossistes à presque le double de ce prix.
Dans une logique de monopole, comme celle que connaît la filière de la banane, la plupart des commerçants ont accepté de rouler dans cette combine. Pour l’UGCAA, les autorités gagneraient en efficacité «en orientant les contrôles vers les importateurs» plutôt que vers les détaillants et les grossistes, qui, selon elle, subissent également les conséquences de cette manipulation du marché.
Pour le moment, les services de contrôle ont commencé à resserrer l’étau sur le palier le plus bas de la spéculation.
Ils ont intensifié les inspections au niveau des points de vente et des marchés de gros, procédant également à des descentes médiatisées dans certains dépôts de stockage.
Des actions qui se sont soldées par des saisies d’importantes quantités de banane. Mais qui ont eu, aussi, pour effet d’installer une psychose chez les détaillants qui ont préféré, depuis quelques jours, ne plus exposer de banane, de peur d’être verbalisés ou poursuivis en justice.
Le ministre du Commerce et de la Régulation du marché intérieur, a, rappelons-le, affirmé, à maintes reprises, que les importateurs de banane ont eu «toutes les facilités nécessaires» et les «financements en devise» pour un meilleur approvisionnement du marché et à des prix abordables.
Il y a quelques mois, il avait promis de sévir en cas de spéculation avérée dans la filière de la banane. Mais force est de constater que le travail de régulation des circuits d’approvisionnement et de distribution n’a pas permis de maîtriser les prix de la banane qui trône sur tous les fruits du haut de ses 700 DA.
Les services du Commerce multiplient les saisies
Les opérations de saisie de banane se sont intensifiées ces derniers jours au niveau des points de vente et des marchés de gros. A Tipasa, services de contrôle économique et de répression des fraudes de la direction du commerce intérieur ont mené, dimanche, une opération de contrôle au marché de gros des fruits et légumes de Hattatba. Plus de 26 quintaux de banane ont été saisis à l’issue de cette opération, et ce, pour absence d’enregistrement au registre du commerce et défaut de facturation. A Chlef, les services de contrôle habilités de la direction du commerce et de la sûreté de wilaya sont à pied d’œuvre pour verbaliser les commerçants qui s’adonnent à des pratiques commerciales illégales durant le mois sacré de Ramadhan. Dans un communiqué diffusé lundi, la direction du commerce et de la promotion des exportations de la wilaya a fait état d’une visite de contrôle au marché de gros des fruits et légumes Antar de Chlef, effectuée par les inspecteurs de contrôle, en collaboration avec les services de la sûreté de wilaya. L’opération, d’après la même source, s’est soldée par la saisie de 22 quintaux de banane stockés au niveau de cette structure de distribution, ajoutant que les mesures et dispositions réglementaires nécessaires ont été prises contre les contrevenants. Il convient de signaler que le prix de ce fruit a connu, ces dernières semaines, une envolée spectaculaire, atteignant 700 DA le kilo. M. A. et A.Yechkour