En finir avec les pénuries organisées

08/01/2022 mis à jour: 05:15
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De façon cyclique, des tensions sur certains produits de large consommation sont observées sur le marché, donnant lieu à ces images récurrentes de queues interminables devant les magasins d’alimentation.

La persistance du phénomène fait croire que nous avons vraisemblablement affaire à des pénuries organisées. Ces derniers jours, c’est de nouveau l’huile de table qui fait parler d’elle. Avant cela, il y a eu l’épisode de la semoule, de la farine, ou encore le lait dont la distribution est régulièrement perturbée, sans oublier la pomme de terre qui à un moment donné était hors de prix.

Ces humeurs du marché, entre surenchère, mercuriale qui s’emballe et pénuries, rythment le quotidien des Algériens depuis suffisamment longtemps maintenant pour que l’on se pose sérieusement la question : n’y a-t-il donc pas moyen de mettre le holà une bonne fois pour toutes à ces abus, sécuriser les approvisionnements en produits de première nécessité et stabiliser les prix ? La tâche s’avère à première vue complexe, surtout qu’un autre phénomène souterrain s’en mêle : l’informel.

De fait, le marché obéit dans sa structure, pour une large part, à des forces obscures. Des agents presque invisibles. Mais la mission n’est pas pour autant impossible. A ce propos, on ne peut que saluer la promulgation de la nouvelle loi «relative à la lutte contre la spéculation illicite». Le texte (loi n°21-15 du 28 décembre 2021) vient d’être publié au Journal officiel.

A travers cet arsenal juridique, l’Etat durcit le ton et entend sévir contre les spéculateurs qui, selon le mot du ministre de la Justice, Abderrachid Tabi, ont «déclaré la guerre au citoyen» et «menacent la stabilité de la société». Des accusations lourdes traduites par des peines tout aussi lourdes allant de 20 à 30 ans de réclusion.

Cela peut aller même jusqu’à la perpétuité si les opérations de spéculation «ont été commises par un groupe criminel organisé». On souhaite donc vivement que la promulgation de cette loi aura l’effet dissuasif escompté. Cela dit, un texte réglementaire, si parfait et si complet soit-il, ne suffit pas à lui seul à corriger un dysfonctionnement ou éradiquer une pratique criminelle.

Le droit demande avant tout à être appliqué et ne pas rester lettre morte. Pour cela, il est indispensable, pour ce qui est de l’application de cette nouvelle loi antispéculation, de renforcer en effectifs et moyens matériels les directions du commerce à travers toutes les wilayas, afin qu’elles puissent intensifier leurs missions d’inspection sur le terrain, de même que les équipes de l’administration fiscale. Il y a lieu de souligner également l’importance du travail de veille citoyenne.

Cela suppose une plus grande implication des consommateurs qui ne doivent plus se contenter de subir de façon passive, mais sont appelés à s’organiser et multiplier les actions collectives, type associations de protection des consommateurs. Ce travail de veille, qui gagnerait d’ailleurs à mettre à profit l’inestimable potentiel de communication des réseaux sociaux, permettra ainsi de documenter et de signaler les opérations commerciales illicites et d’identifier les spéculateurs patentés.

La nouvelle loi, justement, n’a pas omis de mentionner la prise en compte des actions en justice intentées par les associations civiques (article 9). Par ailleurs, il est primordial que l’Etat ne se désengage pas de la fourniture directe de certains produits de base et continue à protéger les couches les plus défavorisées à travers des mécanismes et des réseaux de distribution appropriés.

Et l’on ne peut que se féliciter que le texte antispéculation ait pensé à cet aspect en exhortant les collectivités locales à mettre en place «des points de vente de produits de première nécessité ou de large consommation à des prix répondant aux besoins des catégories à revenus modestes».

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