Émeutes meurtrières en Ouzbékistan : lourdes peines pour les accusés

31/01/2023 mis à jour: 03:55
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Un tribunal en Ouzbékistan a condamné mardi 31 janvier à des peines allant jusqu'à 16 ans de prison ferme des participants à des manifestations réprimées dans le sang l'été dernier dans ce pays autoritaire d'Asie centrale, a annoncé la Cour suprême.

Parmi les 22 personnes jugées, 16 ont été condamnées à des peines de trois à 16 ans de prison ferme pour leur participation à ces troubles, qui avaient fait officiellement 21 morts en juillet. Le principal accusé, le journaliste Daouletmourat Tajimouratov, a été condamné à 16 ans de prison ferme pour «tentative de coup d'État». Deux accusés ont été condamnés à du sursis et quatre à des peines de restriction de liberté.

Karakalpakstan, cœur de la contestation

Les 1er et 2 juillet 2022, des manifestations avaient éclaté au Karakalpakstan pour dénoncer un projet de révision de la Constitution qui prévoyait de réduire l'autonomie de cette région désertique d'Ouzbékistan, parmi les plus pauvres du pays. Daouletmourat Tajimouratov avait réclamé d'«être nommé légalement dirigeant du Karakalpakstan», des propos considérés comme de la sédition par les autorités. Son arrestation avait nourri la colère de la population.

La répression des manifestations avait officiellement causé la mort de 21 personnes, Internet avait été coupé et l'état d'urgence instauré. Mais le pouvoir ouzbek a abandonné la réforme constitutionnelle décriée.

Durant son procès, débuté en novembre, Daouletmourat Tajimouratov s'était défendu d'avoir appelé à l'indépendance du Karakalpakstan, tout en clamant qu'«en rêver n'était pas un crime», selon des propos rapportés par le média gazeta.uz.

Une région et république autonome

Moins de deux millions d'habitants vivent au Karakalpakstan, sur les quelque 35 millions que compte l'Ouzbékistan. Mais cette république autonome représente plus du tiers du territoire ouzbek et comprend une partie de la mer d'Aral. Les Karakalpaks, peuple turcique comme les Ouzbeks, ne sont cependant pas majoritaires dans la région qui dispose de son parlement, d'un conseil des ministres, d'un drapeau et d'un hymne.

En Ouzbékistan, État aux réflexes autoritaires malgré une timide ouverture ces dernières années, l'accès aux informations sur les évènements au Karakalpakstan reste en partie verrouillé. Si le porte-parole du parquet ouzbek a confirmé à l'AFP la mort de 21 personnes, la liste des victimes n'est toujours pas disponible et les circonstances des décès n'ont pas été révélées.

Enquête ouverte après les émeutes

De plus, le procès s'est tenu à Boukhara (Sud-Ouest), à près de 600 kilomètres à la fois de la capitale ouzbèke, Tachkent, et de Noukous, capitale du Karakalpakstan. Début janvier, l'ex-ministre de l'Intérieur du Karakalpakstan au moment des émeutes avait demandé au tribunal de se montrer clément.

Après les émeutes, le président ouzbek Chavkat Mirzioïev avait accusé des «forces étrangères» d'être à l'œuvre, sans étayer ses propos. L'ONG Human Rights Watch avait dénoncé début novembre un «usage injustifié de la force létale» au Karakalpakstan par les forces de l'ordre, après vérification de plusieurs dizaines de vidéos des évènements. Une enquête préliminaire pour usage excessif de la force a été ouverte, a indiqué mi-décembre dernier le parquet.

Un territoire stratégique

Ex-république soviétique, l'Ouzbékistan est situé dans une région stratégique au cœur de l'Asie centrale, où la Russie et la Chine exercent une forte influence, quelque peu contestée par les Occidentaux et la Turquie. Arrivé au pouvoir en 2016 à la mort de son prédécesseur, l'impitoyable Islam Karimov, Chavkat Mirzioïev a mené d'importantes réformes économiques et sociales. Malgré certains progrès, l'Ouzbékistan reste accusé de ne pas respecter les libertés fondamentales.

La population ouzbèke reste elle préoccupée par la dégradation du niveau de vie, à l'image des coupures régulières d'électricité et de chauffage cet hiver par des températures exceptionnellement basses, et cela alors que le pays est un gros producteur de gaz naturel. Le Karakalpakstan est également touché par le réchauffement climatique et la sécheresse, affectant l'agriculture, principal secteur économique.

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