Le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe n’est pas une fin en soi pour l’Algérie, qui s’emploie inlassablement à aplanir les différends existants entre les pays membres pour qu’ils puissent parler d’une seule voix et peser davantage sur la scène régionale, et même internationale.
La 32e session du Conseil de la Ligue arabe s’ouvrira demain, vendredi, à Djeddah, au bord de la mer Rouge. Ce sommet, qu’accueillera l’Arabie Saoudite, sera marqué par le retour du président Bachar Al Assad parmi ses pairs, après 12 années d’exclusion. La dernière participation de Bachar Al Assad à un sommet de la Ligue arabe remonte à 2010, à Syrte en Libye, bien avant le «printemps arabe» qui a éclaté en 2011 et qui a semé le chaos en Syrie pendant plusieurs années.
La réintégration de la Syrie, actée le dimanche 7 mai au Caire, constitue le résultat des efforts consentis par l’Algérie en faveur de l’unification des rangs arabes. N’ayant jamais cessé de plaider la cause syrienne, l’Algérie a œuvré avec acharnement, depuis qu’elle assure la présidence du Conseil de la Ligue arabe après le sommet d’Alger de novembre 2022, pour obtenir son retour au sein de cette instance panarabe. «Ce que fait l’Algérie envers la Syrie part du principe qu’il s’agit d’un membre fondateur de la Ligue arabe et que ce pays frère ne saurait être privé de ses droits», avait affirmé le 3 mai dernier le président Tebboune, lors d’une rencontre avec les directeurs de plusieurs médias nationaux à l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse.
La Syrie, qui a préféré que son retour ne soit pas soulevé lors du dernier sommet d’Alger, s’est montrée très reconnaissante envers l’Algérie. Le président syrien, Bachar Al Assad, a exprimé, lors d'un appel téléphonique qu’il a effectué le 8 mai, ses «vifs remerciements» au président Abdelmadjid Tebboune pour tous les efforts qu’il a consentis en faveur de ce retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, «à la faveur de la présidence algérienne du Sommet arabe».
Une reconnaissance qui a été réitérée par le ministre syrien de l’Economie et du Commerce extérieur, Samer Al Khalil, lors de la réunion du Conseil économique et social tenue en prévision du sommet du 19 mai. Le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe n’est pas une fin en soi pour l’Algérie, qui s’emploie inlassablement à aplanir les différends existants entre les pays membres pour qu’ils puissent parler d’une seule voix et peser davantage sur la scène régionale, voire même internationale. C’est d’ailleurs sous le signe du «rassemblement» que s’est tenue, les 2 et 3 novembre 2022 à Alger, la 31e session du Conseil de la Ligue arabe.
La feuille de route d’Alger
Un sommet, sanctionné par la «Déclaration d’Alger», qui a remis la cause palestinienne au cœur des priorités de cette instance arabe. Ainsi, la Déclaration d’Alger a relevé «l’importance de la centralité de la cause palestinienne, du soutien absolu aux droits inaliénables du peuple palestinien, y compris son droit à l’établissement de l’Etat de Palestine indépendant, pleinement souverain sur les lignes du 4 juin 1967, avec Al Qods-Est pour capitale, le droit au retour et à l’indemnisation des réfugiés palestiniens, conformément à la résolution 194 de 1948 de l’Assemblée générale des Nations unies».
Le sommet d’Alger a également réitéré l’attachement à l’initiative arabe de paix de 2002 pour «la résolution du conflit arabo-israélien sur la base du principe de la terre contre la paix» en mettant fin à «l’occupation israélienne de toutes les terres arabes, y compris le Golan syrien, les fermes de Chebaa et les collines libanaises de Kafr Shuba». Toujours en faveur de la cause palestinienne, la déclaration du dernier sommet arabe a souligné l’impératif d’accélérer l’unification des rangs palestiniens, pour laquelle l’Algérie a œuvré en regroupant toutes les factions palestiniennes dans une conférence à Alger tenue du 11 au 13 octobre 2022. Il a été en outre décidé de conjuguer les efforts pour mettre un terme à la crise libyenne, à travers une solution inter-libyenne, qui préserve l’unité et la souveraineté de la Libye et qui protège sa sécurité et la sécurité des pays voisins.
S’agissant de la guerre au Yémen, le Sommet d’Alger a relevé la nécessité de poursuivre les efforts pour parvenir à une solution politique inclusive qui «garantisse l’unité, la souveraineté, la stabilité et l’intégrité territoriale de ce pays et la sécurité des pays voisins». Il a retenu l’impératif d’aider le Liban pour «la préservation de sa sécurité et de sa stabilité» et de soutenir «les mesures qu’il a prises pour asseoir sa souveraineté sur son territoire et son espace maritime».
Les dirigeants arabes, qui se réuniront lors de la 32e session du Conseil de la Ligue, évalueront l’état d’exécution de la Déclaration d’Alger, qui constitue une véritable feuille de route pour l’action arabe commune. Le sommet de Djeddah aura également à se pencher sur la situation chaotique au Soudan, plongé depuis le 15 avril dans une guerre opposant les forces de soutien rapide (FSR) à l’armée régulière. Aujourd’hui, plus de la moitié de la population soudanaise a besoin d’aide et de protection, selon des responsables onusiens.
La Somalie, également membre de la Ligue arabe, est toujours en guerre civile, qui a déjà causé plus de 500 000 morts. Ainsi, le défi d’instaurer la paix et la stabilité dans le monde arabe, en mettant un terme aux ingérences étrangères, reste entier. L’Arabie Saoudite, qui succédera à l'Algérie à la tête du Conseil de la Ligue arabe, aura la lourde responsabilité de renforcer l’action arabe pour mettre un terme à ces conflits qui rongent des Etats membres. M. A. O.
MBS provoque l’ire des dirigeants arabes
Le prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane, dont le pays accueillera ce vendredi la 32e session du sommet de la Ligue arabe, a provoqué hier l’ire de nombreux dirigeants arabes. La raison ? Mohammed Ben Salmane (MBS) a invité le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à la cérémonie d’ouverture de l’organisation panarabe sans les avoir consultés au préalable. La colère des dirigeants arabes s’explique par le fait également que la présence du président ukrainien aux travaux de la Ligue arabe contredit le souhait du Monde arabe de rester non aligné dans le conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine depuis plus d’une année, surtout qu’ils entretiennent de bonnes relations autant avec l’Ukraine qu’avec la Russie.
La présence de Volodymyr Zelensky en Arabie Saoudite sera certainement interprétée par Moscou comme un alignement de la Ligue arabe et de ses membres sur la position de l’Ukraine et de l’Otan. La Russie pourrait être ainsi amenée à revoir ses relations avec les pays membres de la Ligue panarabe, surtout s’il est offert à Volodymyr Zelensky une tribune pour tenir un discours au vitriol contre le président russe Vladimir Poutine.
Aussi, l’initiative de MBS pourrait amener certains dirigeants arabes à faire l’impasse sur le rendez-vous saoudien de la Ligue arabe. A préciser que les travaux de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, préparatoire à la 32e session du sommet de la Ligue des Etats arabes, se sont ouverts hier à Djeddah en Arabie Saoudite. L’annonce de la venue du président ukrainien à Djeddah a eu pour effet de plonger ces travaux dans un climat extrêmement pesant. A. Z.