Elle exige l’évacuation, l’indemnisation et l’arrêt immédiat de la guerre : La CIJ qualifie d’illégale la colonisation des territoires palestiniens

20/07/2024 mis à jour: 08:48
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Photo : D. R.

La Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, a réaffirmé hier le droit des Palestiniens à l’autodétermination, en déclarant l’occupation par Israël, des territoires de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Ghaza illégale. Elle a exigé «la décolonisation, par l’évacuation de ces territoires, l’arrêt de la colonisation,  la déconstruction des colonies installées sur les territoires occupés et l’indemnisation des victimes de ces pratiques et politiques illégales». La Cour a affirmé que les Etats sont dans l’obligation de ne pas  reconnaître et d’aider  la situation illicite de colonisation  et de faire en sorte d’arrêter immédiatement la guerre.

Journée historique pour le peuple palestinien soumis, depuis neuf mois, à une guerre génocidaire menée par l’armée sioniste. En réponse à la demande de l’Assemblée générale de l’ONU, adressée le 30 décembre 2022, la Cour internationale de justice (CIJ), demandant un avis sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, la réponse de la haute juridiction de l’Onu a été rendue hier après-midi.

Cette demande était basée sur trois questions précises : «Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du Territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?

Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées dans la première question ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les Etats et l’Organisation des Nations unies ?»  La réponse, en neuf points, de la CIJ a été sans équivoque.

La Cour a d’abord affirmé, à l’unanimité de ses quinze membres, sa compétence pour rendre l’avis demandé, avant de donner les réponses tant attendues. Pour la CIJ, «la  présence continue de l’Etat d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite et que l’Etat d’Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais».

A ce titre, la Cour a émis : «L’Etat d’Israël est dans l’obligation de cesser immédiatement toute nouvelle activité de colonisation, et d’évacuer tous les colons du Territoire palestinien occupé.» Il est aussi mis «dans l’obligation de réparer le préjudice causé à toutes les personnes physiques ou morales concernées dans le Territoire palestinien occupé».

Dans le deuxième point, la CIJ a également mis «tous les Etats dans l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite de l’Etat d’Israël dans le Territoire palestinien occupé et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la présence continue de l’Etat d’Israël dans le Territoire palestinien occupé».

Les États ne doivent ni reconnaître ni aider la présence d’Israël en Palestine

Il en est de même pour les organisations internationales, y compris l’Organisation des Nations unies, qui sont, en vertu de la réponse de la CIJ, «dans  l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite de l’Etat d’Israël dans le Territoire palestinien occupé», précisant que «l’ONU, en particulier l’Assemblée générale, qui a sollicité l’avis, et le Conseil de sécurité, doivent examiner quelles modalités précises et mesures supplémentaires sont requises pour mettre fin dans les plus brefs délais à la présence illicite de l’Etat d’Israël dans le Territoire palestinien occupé».

Avant d’annoncer ces réponses, la Cour est revenue sur le contexte général, a analysé la conformité des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, telles que définies dans les questions, avec les obligations incombant à cet Etat au regard du droit international et examiné, dans le cadre de cette analyse, les questions de l’occupation prolongée, de la politique de colonisation d’Israël, de l’annexion du Territoire palestinien occupé depuis 1967, ainsi que de l’adoption par Israël de lois et de mesures connexes qualifiées de discriminatoires.

Sur la question de l’occupation prolongée du Territoire palestinien «depuis plus de 57 ans», la Cour a «observé que l’Etat agissant en tant que puissance occupante détient, de par cette qualité, un ensemble de pouvoirs et de responsabilités à l’égard du territoire sur lequel il exerce un contrôle effectif.

La nature et la portée de ces pouvoirs et responsabilités reposent toujours sur le même postulat, à savoir que l’occupation est une situation temporaire répondant à une nécessité militaire, et qu’elle ne peut donner lieu à un transfert du titre de souveraineté à la puissance occupante».

Pour la Cour, la prolongation d’une occupation «ne modifie pas en soi son statut juridique au regard du droit international humanitaire. Bien qu’il soit fondé sur le caractère temporaire de l’occupation, le droit qui la régit ne fixe pas de limites temporelles qui pourraient, en tant que telles, modifier le statut d’une occupation.

L’occupation se traduit par l’exercice, par un Etat, d’un contrôle effectif dans un territoire étranger. Pour être autorisé, cet exercice d’un contrôle effectif doit donc être à tout moment conforme aux règles relatives à l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force, notamment l’interdiction de l’acquisition de territoire résultant du recours à la menace ou à l’emploi de la force, ainsi qu’au droit à l’autodétermination».

De ce fait, la Cour a estimé «qu’une occupation qui se prolonge est susceptible d’avoir une incidence sur la justification, au regard du droit international, de la présence continue de la puissance occupante dans le territoire occupé». Pour ce qui est de la politique de colonisation d’Israël, la Cour a réaffirmé ce qu’elle a déjà énoncé dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, c’est-à-dire que «les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et le régime qui leur est associé ont été établis et sont maintenus en violation du droit international».

Par ailleurs, la Cour a «pris note avec une profonde inquiétude des informations indiquant que la politique de colonisation menée par Israël s’est accentuée depuis l’avis consultatif qu’elle a donné en 2004».

Sur la question de l’annexion du Territoire palestinien occupé, elle a affirmé  que «le fait de tenter d’acquérir la souveraineté sur un territoire occupé, ainsi que cela ressort des politiques et pratiques adoptées par Israël à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, est contraire à l’interdiction de l’emploi de la force dans les relations internationales et à son corollaire, le principe de non-acquisition de territoire par la force».

«Le régime de restriction est constitutif de discrimination systémique»

En ce qui concerne la question des conséquences juridiques de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes, la CIJ a conclu «qu’un large éventail de lois et de mesures adoptées par Israël en sa qualité de puissance occupante réservent aux Palestiniens un traitement différencié fondé sur des motifs précisés par le droit international» et relevé que «cette différence de traitement ne peut être justifiée sur le fondement de critères objectifs et raisonnables, ni d’un objectif légitime d’intérêt public».

En conséquence, elle est d’avis «que le régime de restrictions générales qu’Israël impose aux Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé est constitutif de discrimination systémique fondée, notamment, sur la race, la religion ou l’origine ethnique en violation des articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale».

Sur l’aspect de la question portant sur les effets vpar le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, en ce qui concerne les conséquences des politiques et pratiques d’Israël, la Cour a indiqué qu’elles «se poursuivent déjà depuis des décennies» et précisé que «le peuple palestinien a été privé de son droit à l’autodétermination pendant une longue période, et toute prolongation supplémentaire de ces politiques et pratiques compromet l’exercice de ce droit à l’avenir».

Pour ces raisons, a-t-elle ajouté, elle «considère que les politiques et pratiques illicites d’Israël  portent un manquement à l’obligation qui lui incombe de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination». La Cour s’est penchée, par ailleurs, sur la question de savoir, et dans l’affirmative, de quelle manière les politiques et pratiques d’Israël ont une incidence sur le statut juridique de l’occupation, à la lumière des règles et principes de droit international pertinents.

«Le peuple palestinien doit pouvoir exercer son droit à l’autodétermination»

Tout d’abord, la Cour a considéré que «la première partie de la question n’est pas de savoir si les politiques et pratiques d’Israël ont une incidence sur le statut juridique de l’occupation en tant que telle.

Elle est plutôt d’avis que la première partie de la seconde question a trait à la manière dont les politiques et pratiques d’Israël influent sur le statut juridique de l’occupation et, par là même, sur la licéité de la présence continue de cet Etat, en tant que puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé. Cette licéité doit être déterminée à l’aune des règles et principes du droit international général, dont ceux de la Charte de l’ONU».

Dans ce contexte, a ajouté la CIJ, «l’affirmation par Israël de sa souveraineté sur certaines parties du Territoire palestinien occupé et l’annexion de celles-ci constituent une violation de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force.

Cette violation a un impact direct sur la licéité de la présence continue d’Israël, en tant que puissance occupante, dans ledit territoire», ajoutant qu’Israël «n’a pas droit à la souveraineté sur quelque partie du Territoire palestinien occupé et ne saurait y exercer des pouvoirs souverains du fait de son occupation. Les préoccupations d’Israël en matière de sécurité ne sauraient non plus l’emporter sur le principe de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force».

La Cour a observé, d’autre part, que «les effets des politiques et pratiques d’Israël et le fait qu’il exerce sa souveraineté sur certaines parties du Territoire palestinien occupé constituent une entrave à l’exercice, par le peuple palestinien, de son droit à l’autodétermination.

Ces effets comprennent l’annexion par Israël de certaines parties du Territoire palestinien occupé, la fragmentation de celui-ci, qui en compromet l’intégrité, les pratiques d’Israël consistant à priver le peuple palestinien de la jouissance des ressources naturelles dudit territoire et son entrave au droit de ce peuple de poursuivre librement son développement économique, social et culturel». 

La Cour a indiqué, en outre, que «les effets des politiques et pratiques d’Israël décrits ci-dessus, lesquels ont notamment pour conséquence que le peuple palestinien se trouve depuis longtemps privé de son droit à l’autodétermination, constituent une violation de ce droit fondamental.

Cette violation a un impact direct sur la licéité de la présence d’Israël, en tant que puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé (…) l’occupation ne saurait être utilisée de sorte à laisser indéfiniment la population occupée dans l’expectative et l’incertitude, en la privant de son droit à l’autodétermination tout en intégrant des parties de son territoire dans le propre territoire de la puissance occupante».

Sur la question de la licéité de la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé la CIJ a considéré que «les violations, par Israël, de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ont un impact direct sur la licéité de la présence continue d’Israël, en tant que puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé.

L’utilisation abusive persistante de sa position en tant que puissance occupante à laquelle Israël se livre en annexant le Territoire palestinien occupé et en imposant un contrôle permanent sur celui-ci, ainsi qu’en privant de manière continue le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, viole des principes fondamentaux du droit international et rend illicite la présence d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. Cette illicéité s’applique à l’intégralité du territoire palestinien occupé par Israël en 1967».

Les magistrats de la CIj ont expliqué qu’il «s’agit là de l’entité territoriale dans laquelle ce dernier a imposé des politiques et pratiques visant à entamer et à entraver la capacité du peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination, tout en étendant sa souveraineté sur de vastes zones de ladite entité en violation du droit international.

Le Territoire palestinien occupé dans son intégralité est aussi le territoire à l’égard duquel le peuple palestinien devrait pouvoir exercer son droit à l’autodétermination et dont l’intégrité doit être respectée». La Cour a conclu que «les politiques et pratiques d’Israël visées constituaient une violation du droit international et leur maintien,  un fait illicite à caractère continu qui engage la responsabilité internationale d’Israël».

La Cour a également conclu que «la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé était illicite». Il est important de savoir que les réponses de la CIJ ont été votées par la majorité de ses membres, à l’exception de la vice-présidente de la Cour, l’Ougandaise Julia Sebutinde, qui a voté contre toutes les réponses, comme elle l’a fait lors des ordonnances de la CIJ, contre Israël et le juge Abraham Tomka, qui s’est opposé à cinq réponses. 


 

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