La police de Memphis a annoncé samedi le démantèlement de l’unité spéciale impliquée dans le passage à tabac fatal début janvier d’un jeune Afro-Américain, dont la vidéo a choqué les Etats-Unis.
Samedi, la police de Memphis, dans le Tennessee (sud des Etats-Unis), a déclaré dans un communiqué qu’«il est dans l’intérêt de tous de démanteler définitivement l’unité SCORPION». «Les policiers actuellement affectés à l’unité ont donné leur accord», ajoute le communiqué. La famille de Tyre Nichols a salué cette décision via un communiqué de ses avocats, la jugeant «à la fois appropriée et proportionnelle à la mort tragique de Tyre Nichols» mais aussi «décente et juste pour tous les citoyens de Memphis». Les images choquantes de l’interpellation fatale de Tyre Nichols, 29 ans, par cinq policiers noirs ont suscité horreur et incompréhension aux Etats-Unis, sans provoquer pour le moment l’explosion sociale similaire à celle de l’été 2020 redoutée par les autorités.
«Opportunité»
Depuis sa mort début janvier, sa famille a sans cesse appelé au calme. Et avant la publication en début de soirée vendredi de la vidéo, reprise en direct et sans coupes par les plus grandes chaînes de télévision, le président Joe Biden a appelé sa mère et son beau-père et exhorté à des manifestations pacifiques.
Des rassemblements allant de quelques dizaines à quelques centaines de personnes se sont tenus vendredi soir dans plusieurs villes, dont Memphis, New York et Washington. Samedi après-midi, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés sous la pluie et dans le froid devant la mairie de Memphis, un imposant bâtiment de blocs de béton. «Memphis a l’opportunité d’établir le modèle de réponse à de tels actes», a lancé l’élu au conseil municipal de la ville JB Smiley à la foule, réclamant une réforme de la police. Aux sons de «pas de justice, pas de paix» et avec des pancartes demandant «justice pour Tyre Nichols», les manifestants ont ensuite défilé dans les rues autrement calmes de Memphis. Plus tôt, des habitants rencontrés dans la rue avaient exprimé leur indignation après la publication des images de l’arrestation. Robert Jones, 26 ans, vendeur dans un magasin du centre-ville, a vu des extraits de la vidéo. «Il paraît que c’est une nouvelle année, mais les choses ne changent pas», a-t-il lâché en référence aux violences policières.
«Culture» policière
La vidéo publiée par la police montre un insoutenable passage à tabac après un banal contrôle routier le 7 janvier à Memphis. A coups de poing, de pied, de matraque, les policiers s’acharnent sur le jeune homme, l’aspergent de gaz lacrymogène et le visent avec un pistolet Taser à décharges électriques. A aucun moment on ne voit Tyre Nichols riposter. Il tente de s’enfuir, est rattrapé. «Maman. Maman. Maman !», crie-t-il dans un des extraits. Tyre Nichols est mort trois jours plus tard dans un hôpital de Memphis.
Les cinq policiers ont été licenciés, inculpés pour meurtre et écroués. Quatre d’entre eux ont ensuite été libérés sous caution. Vendredi, tout en se disant horrifiée, la famille s’était déclarée «satisfaite» des chefs d’inculpation retenus contre les cinq policiers et avait salué la «rapidité» des mesures prises à leur encontre. «Ça aurait pu être moi» à la place de Tyre Nichols, a réagi après avoir vu la vidéo Demarcus Carter, Afro-Américain de 36 ans vivant à Memphis, qui s’attendait à ce que les manifestations soient plus importantes. Mais une fois qu’un procès aura eu lieu, «si le verdict n’est pas le bon alors les manifestations seront plus grosses», a-t-il prédit. Certaines questions restent en suspens après la diffusion des images de l’arrestation. La vidéo ne montre par exemple pas le début de l’interaction entre Tyre Nichols et le groupe. Cette nouvelle mort après une arrestation a relancé le débat sur les violences policières dans le pays, où le souvenir de George Floyd, tué en 2020 par un policier blanc, reste vivace, avec le sentiment que les grandes manifestations qui avaient suivi n’ont rien réglé au problème. Ben Crump, l’un des avocats de la famille de Tyre Nichols et qui avait défendu la famille de George Floyd, a blâmé une «culture policière institutionnalisée». «Peu importe que le policier soit noir, hispanique ou blanc (...). Il y a des règles non écrites selon lesquelles si une personne est issue d’un certain groupe ethnique, alors on peut la traiter avec un usage excessif de la force», a-t-il dit samedi sur la chaîne MSNBC.