Elle a offert à l’Algérie sa première médaillé d’or aux JO de Paris : Kaylia Nemour, la championne volante

06/08/2024 mis à jour: 05:04
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 Jusqu’à mai 2023, date à laquelle elle intègre l’équipe d’Algérie, Kaylia Nemour était considérée comme acquise à la «Team France» dont elle était depuis toute petite programmée à porter les couleurs 

Qu’est-ce qui a donc poussé la virtuose athlète qui a fait toutes ses classes dans l’Hexagone à mettre son immense talent au service de notre pays ? 

 Dans une déclaration à chaud après son sacre fulgurant, elle a ces mots lourds de sens : «Cette médaille a un goût particulier après tout ce que j’ai traversé, ce que j’ai enduré, ce que j’ai vécu.» 

 

 

L’image est belle : le drapeau algérien hissé haut sous le dôme de l’Arena Bercy qui accueille les épreuves de gymnastique artistique, flanqué des drapeaux chinois et américain, légèrement en dessous. Et Qassaman qui retentit en l’honneur de notre héroïne, la gracieuse Kaylia Nemour. Elle venait d’être sacrée championne olympique, une médaille d’or autour du cou, irradiant le podium de sa silhouette élancée, nimbée de la grâce d’une danseuse étoile et de la vélocité d’une ballerine. La gymnaste de 17 ans, qui offrait ainsi sa première médaille d’or à l’Algérie aux Jeux olympiques de Paris, remportait haut la main en finale, ce dimanche, l’épreuve des barres asymétriques. 

La victoire de Kaylia Nemour est d’autant plus éclatante qu’elle avait comme concurrente directe la Chinoise Qiu Qiyuan, soit celle-là même qui lui avait ravi le titre de championne du monde à Anvers, en Belgique, à l’automne 2023. Qiu Qiyuan avait battu Kaylia Nemour de justesse, de moins d’un dixième exactement (15.100 pour la Chinoise contre 15.033 pour l’Algérienne), faisant d’elle néanmoins la vice-championne du monde. Et voici que Kaylia prenait sa revanche, et de quelle manière ! Elle exécuta un numéro de haute voltige agrémenté d’un mouvement unique qui porte d’ailleurs son nom : « le Nemour ». 

Une nouvelle technique et un nouveau mot qui entre ainsi dans le dictionnaire de la gymnastique artistique. A l’Arena Bercy, sa prestation époustouflante lui a valu la note stratosphérique de 15.700, contre 15.500 pour la championne du monde qui hérite de la médaille d’argent. 

La médaille de bronze quant à elle est revenue à l’Américaine Sunisa Lee (14.800), tandis que la tenante du titre et championne aux barres asymétriques aux JO de Tokyo (2021), la Belge Nina Derwael, a terminé au pied du podium, soit la 4e place, avec une note de 14.766. Ces détails pour dire que la compétition était vraiment très relevée, avec un casting d’enfer, entre une championne du monde et deux championnes olympiques, l’Américaine ayant décroché elle aussi l’or aux JO de Tokyo au concours général individuel.


Une pépite qui fait le bonheur de l’Algérie

Vous l’avez sûrement remarqué : le sacre de la gymnaste franco-algérienne a d’emblée suscité de vifs regrets de la part de la presse française. Les Français se demandent comme une telle pépite, grand espoir de la gym française, a pu leur passer sous le nez, surtout qu’ils n’ont obtenu aucune médaille en gymnastique. «JO - Gym : championne olympique, l’Algérienne Kaylia Nemour aurait pu représenter la France» titre Le Figaro. Libération abonde dans le même sens : «JO de Paris 2024 : l’or de la Franco-Algérienne Kaylia Nemour ou la plus grande frustration de la gym française». 

Le journal français ne tarit pas d’éloges sur Kaylia en maudissant le sort ou le manque de flair qui leur a fait rater ce diamant pur : «C’est l’histoire de la plus grande frustration que la gymnastique française ait connue. Celle d’une athlète franco-algérienne d’un talent hors-norme qui rafle la médaille d’or aux barres asymétriques, mais pas pour l’Hexagone. Dimanche, vingt ans après l’or d’Emilie Le Pennec, alors âgée de 16 ans, Kaylia Nemour, 17 ans, a imposé un mouvement d’une dextérité folle et d’une difficulté extrême, lui valant une note de 15,7, devant la Chinoise Qiu Qiyuan (15,5) et l’Américaine Sunisa Lee à 14,8.»  

Jusqu’à mai 2023, date à laquelle elle intègre l’équipe d’Algérie, Kaylia Nemour était considérée comme acquise à la «Team France» dont elle était depuis toute petite programmée à porter les couleurs. 

Qu’est-ce qui a donc poussé la virtuose athlète qui a fait toutes ses classes dans l’Hexagone à mettre son immense talent au service de notre pays ? Dans une déclaration recueillie par l’envoyé spécial d’El Watan aux JO de Paris, et que vous pouvez consulter intégralement dans l’édition de ce lundi, Kayla Nemour a ces mots qui en disent long sur tout ce qu’elle a dû encaisser pendant des années en silence avant de monter sur le podium : «Cette médaille a un goût particulier après tout ce que j’ai traversé, ce que j’ai enduré, ce que j’ai vécu.» 

 

Une mère française et un père originaire de Jijel

Kaylia Nemour est née le 30 décembre 2006 à Saint-Benoît-la-Forêt, en Indre-et-Loire. Stéphanie, sa mère, est française, tandis que son père, Jamel, est d’origine algérienne. Informaticien de profession, il est précisément originaire de Béni Meslem, à Jijel. Kaylia s’est passionnée pour la gymnastique dès son plus jeune âge. «J’ai commencé la gym à l’âge de 4 ans» confie-t-elle dans un reportage de la chaîne algérienne AL24. Elle avait deux passions, en réalité : la gym et la pâtisserie, dont elle veut faire plus tard son métier. 

Marchant sur les pas de sa sœur aînée, elle rejoint le club d’Avoine-Beaumont Gymnastique, près de la ville de Chinon. Elle sera rapidement prise en charge par un couple d’entraîneurs fabuleux qui joueront un rôle-clé dans sa formation, et qui continuent à l’encadrer à ce jour : Marc et Gina Chirilcenco. «Kaylia c’est un extraterrestre. Elle respire la gym, elle sent la gym, et en dehors de ça, elle est très attachante, très drôle, et très embêtante», témoigne avec affection Gina Chirilcenco pour la chaîne AL24. 

Véritable prodige, Kaylia Nemour enchaîne très vite les performances. Elle est «championne de France espoir au concours général individuel de gymnastique artistique et au sol en 2019» avant de «briller lors des Championnats méditerranéens de Cagliari (Italie) la même année» écrit Le Point. «Elle y décrochera la médaille d’or aux barres asymétriques et à la poutre, mais également le bronze par équipes, affirmant un fort potentiel et de belles perspectives une fois chez les seniors» poursuit le magazine. «2021 sera l’année de la confirmation. Elle décroche alors le titre de championne de France aux barres asymétriques à seulement 14 ans». 

Deux opérations aux genoux et une année sans compétition

Vers l’âge de 13-14 ans, Kaylia commence à ressentir  des douleurs aux genoux. Elle souffre d’ostéochondrite, une anomalie de la croissance de l’os et du cartilage. Elle subit deux opérations aux deux genoux en se faisant poser une greffe osseuse. Ces interventions chirurgicales la priveront de compétition pendant une année entière. Cela va être un tournant dans sa carrière. «Kaylia se fait opérer de son premier genou en juillet 2021, et du deuxième genou au mois de septembre (de la même année)», se remémore sa mère sur Algérie 24. «Huit mois plus tard, elle revoit le chirurgien. (…) Quand on va le voir, c’était le 9 mars (2022), je me souviens, il avait un grand sourire. Il ausculte Kaylia et lui dit elle peut reprendre la compétition. Mais il préconise d’y aller progressivement. (…) Il fallait se réadapter doucement, chose qu’on a faite avec le kiné. Elle s’est réadaptée petit à petit. Elle est restée longtemps à ne travailler que les barres, puis un peu la poutre, avant de recommencer le sol et le saut. Donc elle a son autorisation du chirurgien, deux jours après, elle a celle du médecin du sport. Et au moment où on pensait que ça serait la grande joie, elle est bloquée : le médecin fédéral (de la Fédération française de gymnastique, ndlr) lui dit non, je ne t’autorise pas à reprendre l’entraînement», relate Stéphanie Nemour, sa maman. 

A cette opposition médicale s’ajoute un autre élément qui va aggraver la fracture avec la Fédération française : l’obligation faite aux athlètes de se regrouper loin de chez eux. «Deux mois après, la Fédération a décidé de regrouper toutes les athlètes potentiellement ''médaillables'' à l’INSEP (l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, ndlr), au niveau du pôle de Saint-Etienne. Il s’agissait en gros de prendre nos enfants et de les mettre dans un lieu autre que celui où ils s’entraînent au quotidien. Les filles ont dit non. Nous, ici, on a tout ce qu’il faut, on a notre environnement, on a notre école, nos amis, notre salle de gym, nos entraîneurs, on n’a pas envie de partir.» La rupture est consommée. 

Se tournant vers l’Algérie, Kaylia Nemour a tout de suite été inscrite aux Championnats du monde d’Anvers en novembre 2023 où elle a terminé deuxième, comme nous le disions, décrochant déjà la médaille d’argent grâce à laquelle elle a pu se qualifier aux JO de Paris.  Mustapha Benfodil

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