Elections européenne : L’inquiétante percée de l’extrême droite

11/06/2024 mis à jour: 13:33
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Photo : D. R.

France
De notre correspondant  Walid Mebarek

Coup de tonnerre pour la classe politique dimanche soir avec l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président Emmanuel Macron. Pourtant, les élections européennes n’étaient pas censées avoir une incidence nationale pour aucun des pays européens appelés à renouveler le Parlement de Strasbourg, même si les pro-Européens proclamés y laissent des plumes. 

Contrairement à la France, pour 26 des 27 pays de l’Union européenne, cela ne va rien changer, même pour l’Allemagne où le score de l’extrême droite rappelle les années sombres du nazisme. Au bout du compte, la majorité conservatrice du Parlement n’est pas menacée. Tout au plus, les bancs de gauche et des écologistes à Strasbourg seront moins fournis et ceux de l’extrême droite renforcés. 

L’Europe, malgré tous ses aspects contestés, parfois lourdement comme par les agriculteurs en 2024, continuera donc sur sa trajectoire alors que les suffrages d’extrême droite dénotent une montée de la défiance vis-à-vis de cette instance communautaire européenne et une envie d’en changer les règles. 

Parmi les pays membres atteints par le populisme, n’oublions pas que l’Italie (Giorgia Meloni en octobre 2022) puis les Pays-Bas (Geert Wilders, en mai 2024) ont basculé. Comme déjà la Hongrie (2010) ou, il y a quelques années, la Pologne en 2015, avant un recentrage dans ce pays.

En France, dans un pays où l’extrême droite gagne du terrain depuis quelques années déjà, la campagne électorale avait «nationalisé» un scrutin qui n’a pas vocation à l’être, signant une question : pour ou contre Macron ! Et ici ou là, l’impensé de la «dissolution» affleurait, au sein du pouvoir et de l’opposition (notamment au Rassemblement national), si l’Exécutif perdait l’élection… C’est justement ce qui s’est passé : le pouvoir macroniste a été largement défait avec le faible score de la liste présidentielle Renaissance (14,6%), malgré l’implication médiatique du Premier ministre Gabriel Attal et du président Macron lui-même sur l’air de «l’Europe est mortelle»… 

Le parti de droite Les Républicains chute à 7,25% des voix. En l’absence d’une majorité absolue depuis 2022, ce parti défait était l’allié occasionnel des macronistes. Sur son flanc droit, le RN flirte avec 31,37% des voix et l’autre parti nationaliste d’Eric Zemmour, Reconquête, atteint 5,5% pour sa première participation. Le parti, rappelons-le, était représenté par Marion Maréchal, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen.

(Jordan Bardella et Marine Le Pen au meeting du 2 juin à Paris)
 

LES ÉLECTEURS CONVOQUéS POUR LES 30 JUIN ET 1ER JUILLET

Devant cette nouvelle carte défavorable pour lui, dimanche soir, alors que les résultats définitifs n’étaient pas encore établis, le président français Emmanuel Macron a jugé que cette élection remettait en cause les équilibres politiques nationaux et qu’il ne pourrait plus gouverner jusqu’au terme de son mandat en 2026. Il a alors décidé de rendre la parole aux citoyens convoquant les électeurs aux urnes les 30 juin et 7 juillet. 

L’éditorialiste du journal Le Monde, résume l’équation qu’espère résoudre le président français : «Emmanuel Macron est confronté à l’injonction contradictoire qu’il s’est lui-même assignée : faire baisser le vote d’extrême droite sans avoir mené une politique capable d’extirper ses racines. Se décidera à la va-vite, les 30 juin et 7 juillet, rien moins que l’avenir de notre démocratie.» 

Libération titre son édito : «Dissolution de l’Assemblée nationale : qui peut croire que Macron sait ce qu’il fait ?» Sous la plume de son directeur Dov Alfon, le ton est sentencieux, en se plaçant d’emblée du côté de la gauche en guise de recours : «En route vers ces élections inattendues mais ô combien cruciales, la gauche française doit prendre conscience de son rôle historique : assurer aux Français, comme ses ancêtres républicains, que le fascisme ne passera pas.»


Quel est donc le score des listes de gauche : Place publique-PS 13,83% ; La France insoumise, 9,89 ; Ecologistes 5,5% ; Parti communiste 2,36%. Soit un total de 31,58% un total équivalent au score du RN (sans les 5,5% de Reconquête !). L’heure est grave ont souligné nombre de personnalités politiques ou du monde associatif et syndical, sous le thème inversé du «Tous contre l’extrême droite». En témoigne un communiqué de la CFDT : «En annonçant de façon totalement précipitée et dangereuse la dissolution de l’Assemblée nationale, le président de la République transforme (les élections européennes) en rendez-vous hexagonal. La CFDT le déplore. 

Comme elle l’a toujours fait, elle mobilisera toutes ses forces pour que l’extrême droite n’accède pas au pouvoir.» Expression du désarroi, le député du parti présidentiel, Joël Giraud, annonce qu’il ne se représentera pas, estimant que la dissolution de l’Assemblée nationale, «annonce d’un gouvernement de cohabitation entre le Président et l’extrême droite alliée sans doute à une partie de la droite, compte tenu des forces en présence, ne fait pas partie de mon ADN politique».


L’ESPOIR D’UN FRONT POPULAIRE

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie depuis 2017, estime que «c’est l’élection législative qui aura les conséquences les plus lourdes pour la France, pour les Français, de l’histoire de la Ve République».
A gauche, le mot de Front populaire (expression nous faisant remonter à 1936) refait son apparition. C’est le député François Ruffin de La France insoumise (LFI) qui a appelé à cette unité. Sauf que la désunion a plutôt été le lot de ces dernières années, cassant la dynamique de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) créée avec succès entre les deux tours des législatives de 2022. Le fondateur de LFI, Jean-Luc Mélenchon, a rejoint l’appel : «Maintenant l’union. Urgente, forte, claire».

Pendant ce temps, de partout, dans le camp présidentiel (centre droite), à droite (Les Républicains – LR) et à l’extrême droite (RN et Reconquête) des tractations débutaient hier. On verra plus clair dans la semaine comment se recompose l’échiquier politique français. 

Une chose est sûre, le président Macron, pour les deux ans qui lui restent, prendra la posture que la Constitution de 1958 lui assigne : être au-dessus de la mêlée. Hier d’ailleurs, comme si de rien n’était, il reprenait son itinérance mémorielle, 80 ans après la fin de la guerre contre le nazisme, un combat antifasciste dont les valeurs se sont… dissoutes avec le temps…

Les conservateurs restent majoritaires, la gauche est en recul

Incontestablement, les partis d’extrême-droite (classés en plusieurs groupes au Parlement européen), ont le vent en poupe au lendemain du renouvellement de l’assemblée strasbourgeoise. Leur parole sera plus forte puisqu’ils représentent désormais plus du quart de l’Hémicycle de 720 eurodéputés. Le plus fort contingent extrême-droitier est fourni par la France (30 députés sur 81 députés français) et par l’Italie, avec 24 députés sur 81.

Puis les Allemands (15 députés sur 96 élus). Les conservateurs de droite du Parti populaire européen (PPE) progressent et confirment leur place de première formation politique. Les sociaux-démocrates (S&D) – le deuxième groupe dans l’Hémicycle communautaire – perdent du terrain ainsi que les libéraux de Renew (où siège le parti présidentiel français Renaissance) et les Ecologistes.

Le résumé de la nouvelle configuration est fourni par une voix extra-européenne, celle du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui estime que la majorité restera «pro-européenne et pro ukrainienne (…) mais nous pouvons voir la dynamique des partis de droite qui gagnent en popularité. Il semble qu’avec le temps, les partis de droite seront sur les talons [des partis pro-européens] et nous suivons ce processus avec attention». Cette redistribution des cartes pourrait-elle ainsi avoir des répercussions internationales en dehors de l’Union européenne ?

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