La mère, sa fille et ses trois neveux.... La politique est une affaire de famille chez les Thienthong, qui présentent cinq candidats dans deux partis rivaux pour les élections législatives du 14 mai en Thaïlande. De nombreux clans quadrillent la vie politique thaïlandaise, animée depuis plus de vingt ans par le plus influent d’entre eux: les Shinawatra.
Candidate pour la première fois, Paetongtarn Shinawatra suit les traces de son père Thaksin, Premier ministre entre 2001 et 2006, et de sa tante Yingluck, au pouvoir de 2011 à 2014. Loin de la fortune de Thaksin, évaluée autour de deux milliards d’euros, et des meetings géants, les Thienthong règnent près de la frontière cambodgienne depuis plus de cinquante ans. L’entreprise familiale de logistique s’est transformée dans les années 1970 en machine à gagner politique - l’un profitant à l’autre, dans un cercle où peuvent coïncider intérêts privés et publics.
Au bord des routes mal entretenues de la province rurale de Sa Kaeo (est), seul leur nom ressort des affiches de campagne. Kwanruen Thienthong, sa fille Treenuch Thienthong et son neveu Sorawong Thienthong se présentent pour tenter d’obtenir les trois sièges de député à pourvoir. Les deux premières défendent le parti pro-armée (PPRP), majoritaire dans la coalition sortante, quand le dernier est présent sous la bannière rouge du mouvement d’opposition associé aux Shinawatra, Pheu Thai, en tête dans les sondages. «Lors des réunions de famille, nous ne parlons pas de politique. (...) On peut avoir différentes opinions, nous restons une famille», sourit Sorawong, 47 ans.
Ses deux frères, Surachart et Surakiat, sont aussi candidats pour Pheu Thai, le premier dans une circonscription de Bangkok et le second sur la liste du parti (les députés thaïlandais sont élus selon un système complexe mêlant scrutin majoritaire et proportionnel). A l’Assemblée nationale comme dans les cabinets ministériels, les Thienthong appartiennent au paysage de la vie politique du royaume. Dans les années 1990, ils avaient la réputation de faire ou défaire les gouvernements. Les zones rurales sont le pré carré de ces clans influents, qui dépassent le cadre idéologique.
Ils offrent un gage de stabilité dans un royaume à l’histoire politique mouvementée, émaillée par douze coups d’Etat réussis depuis la fin de la monarchie absolue en 1932. Mais dans la lignée des manifestations pro-démocratie de 2020, des voix dénoncent leur mainmise.
«Ces familles ont gagné beaucoup d’argent et d’influence dans les années 1970 et 1980, dans un système dépourvu d’Etat de droit et en symbiose avec les responsables locaux de l’armée, de la police et de l’administration», a remarqué Pasuk Phongpaichit, économiste à l’université Chulalongkorn de Bangkok. «Cette élection oppose deux systèmes. Un dominé par les familles politiques, et un autre avec une nouvelle génération d’électeurs plus enclins à trouver l’idéologie d’un parti plus attractive.
Lequel va gagner? C’est très incertain». «S’impliquer en politique, c’est quelque chose de plus grand qu’une entreprise familiale», explique Treenuch (50 ans), ministre de l’Education du gouvernement sortant, qui vise un sixième mandat consécutif.
Les nombreux colliers de soucis oranges reçus à son meeting témoignent de sa popularité quasi intacte à Sa Kaeo. «Quand mon cousin est décédé, je leur ai demandé (aux Thienthong, NDLR) d’être en charge des funérailles, et ils l’ont fait, donc je ne peux pas les abandonner», explique Boonma Noinamkhum, 55 ans, croisé au rassemblement. Dans les coulisses, son frère Thanit suit le meeting. Elu député à cinq reprises, il ne se présente pas cette année, pour s’occuper de la gestion de la province. Malgré les apparences, les Thienthong ne sont pas invincibles.
En 2019, Sorawong avait perdu son siège de député face à un candidat PPRP. «La politique appartient à tout le monde», rappelle Yutthachai Ramphaiwan, candidat pour le parti réformiste Move Forward dans la circonscription promise à Treenuch.