Le président Kaïs Saïed a fait hier le déplacement à l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) pour remettre le dossier de sa candidature à l'élection présidentielle du 6 octobre prochain.
Le Président tunisien a préféré le recours aux parrainages populaires et, non, celui de parlementaires ou d’élus locaux. Il a contribué lui-même à la remise au bureau dédié de l’ISIE des boîtes d’archives pleines d’imprimés de parrainages. Devant l’ISIE, le Président tunisien a répondu aux questions des journalistes en assurant, surtout, qu’il a accordé l’amnistie aux journalistes et blogueurs condamnés en vertu du très polémique article 54 en matière des libertés, «tant qu’il n’y a pas d’autre délit à part l’article 54», a précisé le Président Saïed.
Il a insisté sur l’idée que «la Tunisie est en phase de guerre de Libération… Nous ne cherchons pas à limiter les libertés de quiconque, dans le cadre du respect de la loi.. Il n’y a aucun recul en matière de libertés». Le Président tunisien a ajouté : «Je n’ai porté plainte contre quiconque … Je ne suis jamais intervenu dans la justice.»
Il a surtout insisté sur les mensonges et les fausses nouvelles sévissant sur les réseaux sociaux en vue de perturber l’ordre public, qu’il faut arrêter. Avec le dépôt de la candidature du Président Saïed, l’ISIE est à son cinquième dossier puisque l’équipe de campagne de la présidente du parti Destourien libre a déposé formellement une candidature. La postulante ne disposant ni de parrainage populaire ni d’élus la soutenant.
Il est clair que le Président Saïed n’a trouvé aucune difficulté pour réunir plus de 240 000 parrainages populaires. Les réseaux sociaux ont montré des campagnes orchestrées par des jeunes dans toutes les régions pour réunir ces parrainages. Par contre, le président de l’ISIE Farouk Bouasker a déclaré, avant-hier, aux médias : «L’écrasante majorité des 114 postulants n’ont pas fait preuve de sérieux dans le respect de la condition des parrainages, y compris les 4 dossiers déjà déposés (avant le Président Saïed).»
Bouasker a ajouté qu’une campagne médiatique a été orchestrée concernant les difficultés à obtenir le bulletin n°3, portant sur les antécédents judiciaires. Or, «la moitié des postulants n’a même pas déposé de demande concernant ce bulletin et une bonne partie des autres ne se sont pas présentés pour retirer leurs bulletins lorsqu’ils ont été avertis par le ministère de l’Intérieur».
Par ailleurs, le journal en ligne Businessnews a repris hier les propos du postulant Karim Gharbi, alias K2Rhym, disant que les services du ministère de l’Intérieur lui ont signifié hier qu’ils ne pouvaient donner suite à sa demande de bulletin n°3 du 31/07/2024, «non conforme aux procédures» et qu’il «devait faire une autre demande».
Businessnews a remarqué que le document partagé par le rappeur ne comportait aucun cachet ni signature. Il est à noter que quatre dames ont été condamnées à la prison ferme la semaine dernière pour des parrainages concernant ce K2Rhym.
Six cautions
Le président de l’ISIE Farouk Bouasker a également affirmé que «six postulants, seulement, ont déposé leurs cautions à la Trésorerie générale, sur les 114 ayant retiré des imprimés de l’ISIE», en ajoutant que «l’expérience a montré que le nombre de dépôt de dossiers s’accélère durant les dernières 48 heures».
Concernant les parrainages, Bouasker a assuré que «la collecte des parrainages n’est pas illégale», toutefois, certaines personnes ont «été arrêtées en possession de multiples copies de cartes d’identité et d’autres avaient distribué de l’argent contre des parrainages !» Le président de l’ISIE a ajouté que «les interventions des forces de l’ordre avaient fait suite à des alertes de citoyens puisque l’ISIE a mis un numéro vert pour signaler tout comportement suspect».
L’ISIE a donc fait preuve de rigueur dans l’application de la loi. Pour expliquer le phénomène du nombre réduit de candidats effectifs, le politologue Mohamed Bououd a constaté que «l’argent sale a régné auparavant dans les diverses campagnes électorales après 2011», en précisant : «Tout le monde se rappelle des agissements des islamistes d’Ennahdha, de Slim Riahi et son Union patriotique libre, en 2014, ou de Nabil Karoui et son Qalb Tounes, en 2019…
Ces campagnes de parrainage se faisaient contre monnaie sonnante en 2012, 2014 et 2019.» Bououd a ajouté que «la disparition de l’argent public pour financer les campagnes électorales a largement contribué à diminuer ces pratiques», en constatant : «Ne reste que quelques cas pour perpétuer pareilles pratiques, comme les deux groupes de personnes condamnées à Sousse ou Jendouba, qui cherchaient des parrainages pour Nizar Chaâri et K2Rhym.»
«Les postulants peuvent facilement prétendre ne pas être au courant de tels agissements’, poursuit le politologue, en privilégiant «la possibilité de retrait de K2Rhym qui n’aurait présenté de demande de bulletin n°3 que le 31 Juillet !» «Il devient perceptible que le scwrutin sera plus ‘propre’ avec l’absence de financement public et avec plus de contrôle des campagnes de parrainages», conclut Bououd.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami