Neuf millions de Rwandais ont été appelés aux urnes hier pour la présidentielle et les législatives, des scrutins où la victoire semble promise au chef de l’Etat Paul Kagame, qui dirige le pays depuis la fin du génocide des Tutsi en 1994, et à son parti, le Front patriotique rwandais (FPR). Le décompte des voix commencera dès leur clôture et des résultats partiels seront communiqués au fur et à mesure du dépouillement, jusqu’à l’annonce de résultats provisoires le 20 juillet, a indiqué une source au sein de la commission électorale, citée par l’AFP.
Le président Paul Kagame a voté dans un bureau de la capitale Kigali. Les résultats définitifs seront proclamés le 27 juillet. Mais le scénario semble connu d’avance. La présidentielle oppose les trois mêmes candidats qu’en 2017, quand le chef de l’Etat sortant l’avait emporté avec 98,79% des voix face au leader du seul parti d’opposition autorisé Frank Habineza (0,48%) et à l’indépendant Philippe Mpayimana (0,73%).
Paul Kagame, 66 ans, tient fermement les rênes du pays depuis qu’il a renversé en juillet 1994, avec la rébellion du FPR, le gouvernement extrémiste hutu instigateur du génocide qui a fait, selon l’ONU, plus de 800 000 morts parmi la minorité tutsi. D’abord vice-président et ministre de la Défense mais dirigeant de facto du Rwanda, Paul Kagame en est officiellement le président depuis 2000, élu par le Parlement après la démission de Pasteur Bizimungu, puis à trois reprises au suffrage universel (95,05% en 2003 - 93,08% en 2010 - et 2017).
Il jouit d’une forte popularité pour avoir relevé le pays, exsangue au sortir du génocide et aujourd’hui présenté par certains dirigeants occidentaux et africains comme un modèle de développement. Sa solide croissance (7,2% de moyenne entre 2012 et 2022) s’est accompagnée d’un développement d’infrastructures (routes, hôpitaux...) et de progrès socioéconomiques, notamment dans le domaine de l’éducation et de la santé. Mais il est aussi accusé de museler les voix critiques du pouvoir.
La commission électorale a invalidé la candidature d’une voix anti-Kagame, Diane Rwigara, en raison de documents non conformes. Elle a déjà été écartée de la dernière présidentielle, accusée de falsification de documents et arrêtée, avant d’être blanchie par la justice en 2018. Deux figures de l’opposition, Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda, n’ont pas non plus eu la possibilité de se présenter à la présidentielle, en raison de condamnations passées.
La justice a rejeté leurs demandes de voir leurs droits civiques restaurés. Dans un communiqué, Amnesty International a dénoncé les «sévères restrictions» aux droits de l’opposition, ainsi que des «menaces, détentions arbitraires, accusations fabriquées de toutes pièces, meurtres et disparitions forcées».
Les trois semaines de campagne ont été dominées par P. Kagame et le FPR. Ses rivaux sont, eux, quasiment invisibles, même si F. Habineza s’est félicité d’un contexte plus apaisé qu’en 2017, assurant même avoir reçu un «soutien massif» de la population. De son côté, Philippe Mpayimana a reconnu être opposé à un adversaire «trop fort».
Pour la première fois, la présidentielle est couplée avec les législatives, où 589 candidats briguent les 80 sièges de la Chambre des députés. Les électeurs en éliront 53 directement. Actuellement, le FPR compte 40 sièges sur 53 et ses alliés (Parti social-démocrate, Parti libéral, Parti social Imberakuri) 11 sièges. Le Parti démocratique vert de F. Habineza a deux députés.
Les 27 autres sièges sont réservés par quotas aux femmes, aux jeunes et aux handicapés. Ils seront attribués mardi à des candidats ne se présentant sous aucune bannière partisane : 24 femmes seront élues par les conseillers municipaux et régionaux, deux jeunes par le Conseil national de la jeunesse et un handicapé sera désigné par la Fédération des associations des handicapés.