Ayant désormais leur plan média, pour être à la page, certains de nos walis ont opté pour les réseaux sociaux, et d’une manière trop exhibitionniste, trop voyante, sans doute, pour supplanter l’encombrement qui règne dans ce moyen de communication visiblement très prisé. Aussi, ils ne circulent plus que dans un flux d’images, qui s’apparentent à des procès en direct à la télé, envers des cadres confus, dont l’unique parade, face à une mitraille de questions, est de se couvrir et de se blottir sous le couvert de leurs supérieurs, donneurs d’ordres. Les scènes, véritables réquisitoires, ont-elles besoin de prendre à témoin le téléspectateur, et sont-elles productives pour ceux qui les ont initiées ? Tout le monde (a fortiori les walis) sait que notre administration est un véritable monde, où niche depuis longtemps une bureaucratie résolue et décidée à appliquer sa loi, qui est loin d’être celle à laquelle pense, naïvement, le commun des mortels.
Alors, cet effet d’annonce, si c’en est un, n’est aucunement productif, pire, il touche à la dignité de ceux qui sont interpellés, qui se trouvent humiliés, rabaissés, parce que, pour des raisons évidentes, ils ne peuvent ni répliquer ni s’opposer à de grands commis, qui savent dans leur for intérieur ou feignent d’ignorer que la bureaucratie, avec ses rouages secrets, ses codes, ses mécanismes cachés, ne peut aucunement se dissiper, sous l’éclat des projecteurs, aussi étincelants soient-ils. Le wali, maître dans sa wilaya avec toutes les prérogatives, peut avoir la main lourde, si nécessité, en cas de viol de la loi, d’abus ou de dépassements. D’autres, cadres supérieurs, recteurs d’université, ont conçu ces réseaux comme une fenêtre, donnant directement sur leurs étudiants, encourageant les familiarités et éloignant la distanciation nécessaire et souhaitée. Notre œil ne s’est pas encore accommodé du changement et celui-ci est loin d’advenir chez les bureaucrates. On s'affole de leurs emballements régressifs mais on fait le dos rond, en attendant des jours meilleurs, qui tardent à venir. Il est peut-être encore loin le temps où le désir de changement, voire de rupture, aura déclassé et vaincu les vieux réflexes bureaucratiques.
Pour rester dans l’air du temps, ces mêmes réflexes sont aussi l’apanage de la Coordination des syndicats autonomes de l’éducation, qui se rappelle à notre bon souvenir, en lançant, en guise de baptême, une grève nationale aujourd’hui «après avoir épuisé tous les moyens possibles pour exprimer notre rejet des deux projets, qui représentent un danger sur les libertés syndicales et l’environnement du travail en général. Nous demandons le retrait immédiat de ces deux projets et les exposer aux partenaires sociaux pour révision et enrichissement», relève-t-on dans l’appel du coordinateur Djamel Ghoul, où les deux lois sont récusées. Celle ayant trait «aux modalités d’exercice du droit syndical, à la prévention et aux règlements des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève». Voilà. Si les syndicats sont dans leur rôle, ils ne nous font pas oublier, en revanche, les grèves cycliques qui ont entaché les scolarités précédentes, en faisant courir un grave danger sur le cursus des élèves et de l’école, déjà pas en grande forme. On aurait aimé que ces syndicats prennent part aussi au challenge pédagogique, qui reste un chantier fructueux, vierge et ouvert, où l’élève doit acquérir une bonne formation, des perspectives d’avenir, en ayant confiance dans sa capacité d’être un acteur de sa vie. Car le système scolaire crée un destin dès l’enfance, dans un milieu souhaité, juste, compétitif, égalitaire dans les chances et le traitement de chacun. Contre les oligarchies nanties de l’excellence, privilégiées face au plus grand nombre défavorisé. Cela aussi devrait être une revendication et un objectif des syndicats. Car la politique, fut-elle celle des syndicats, quoique l’on dise, ne se réduit pas à réagir, de manière ponctuelle, aux difficultés du présent et à proposer des réformes. Le syndicat est un acteur important de la société. A ce titre, il doit vivre au rythme de ses pulsations. Il doit en être le sel et non le fiel. Pour l’émergence d’une société apaisée, qui vise le meilleur, rassurée par son unité et sa cohésion sociale. Le syndicat doit lutter pour le bien commun, sans vanité, sans calculs, toujours prêt à servir la communauté.