Pour venger le fameux coup d’éventail ou de chasse-mouches par le Dey d’Alger au consul général de France, Pierre Deval, suite à une dette non remboursée à un achat de blé, Charles X s’engage dans une conquête pour la prise d’Alger le 5 juillet 1830, et en chassa le Dey Hussein qui capitule. L’armée d’Afrique au nom de la chrétienté et de l’Occident est venue punir «les barbaresques».
Les clés en fer forgé de La Casbah d’Alger furent remises par le dey d’Alger au général de Bourmont en signe de reddition. Les clés se composent d’une trousse de deux unités, la première est une clé à anneau en fer et la seconde une clé à anneau en bronze. Ces clés sont un trésor national et signe symbolique de la prise d’Alger. A noter que Jacques Chirac a remis le sceau du dey d’Alger au président Bouteflika lors de sa visite officielle à Alger et l’oubli voulu du président Hollande lors de sa visite officielle en 2012, de nous ramener la clé à anneau en fer de notre Casbah. Un humour d’Etat !
Pierre Péan après une longue enquête a retrouvé les immenses trésors (des monceaux de quadruples d’Espagne et du Portugal , des mocos ,des piastres, des boudjous…) de la Régence d’Alger et l’or entassé dans les caves de la Casbah. Un butin estimé à 4 milliards d’euros (plus de 500 millions de francs de l’époque). Dans les caveaux de la rue du Divan (mon école primaire), le chiffre officiel était de plus de 48 millions d’espèces d’or et d’argent trouvés. Où sont passées ces sommes colossales ? Un haut vol par des pilleurs sous la conduite d’un maréchal de Bourmont ! et le pouvoir chancelant d’un Charles X.
Dès 1934, des exemples de pillages par des ethnologues au service du colonialisme sont connus. Où sont passées…les objets volés aux Aurès et en Kabylie (outils, armes, bijoux, ossements, plantes…) par des ethnologues célèbres au service du colonialisme.
Pour compenser ce haut vol, on nous a restitué le 5 juillet 2020 des restes humains algériens de 24 chefs historiques de la résistance populaire et de leurs compagnons, entre 1838 et 1865, entreposés au musée de l’Homme de Paris dans «de vulgaires boîtes cartonnées qui évoquent les emballages de magasins de chaussures» ! L’historienne Malika Rahal : «Encore un morceau de 1962 qui se règle en 2020… Les morceaux de corps rentrent à la maison après leur long, très long séjour dans des cartons du musée de l’Homme, à Paris.»
Michel Leiris, anticolonialiste rapporte que «50 000 objets volés lors de la mission ethnographique» «Dakar - Djibouti» : … «On pille les nègres». Ce cambriolage culturel est pourtant interdit par le tribunal de Nuremberg qui précise bien : «Que les pillages des biens culturels sont des crimes de guerre». On ne peut gommer cette injustice historique. A nous de nous réapproprier notre culture, notre mémoire et de récupérer nos biens culturels.
Le 5 juillet 1962 : l’indépendance de l’Algérie. Que dire : la joie dans les rues, un peuple colonisé 132 ans qui retrouve son indépendance…Moi le yaouled (gamin) de la Casbah, j’avais 12 ans à l’époque. C’était un moment de folie et d’euphorie. L’exode des Français d’Algérie, qui avait débuté dès le mois de mai, s’est précipité. Pour eux, c’était «la valise ou le cercueil». Ils n’envisageaient pas d’alternatives. Bab El Oued, la rue Michelet et la rue d’Isly se sont ainsi vidés de leurs habitants. Durant les derniers jours, c’était la panique. Le «oui» avait obtenu 99,72% des suffrages lors du referendum du 1er juillet, le premier scrutin loyal depuis 132 ans.
Pendant au moins dix jours, Alger n’était plus une ville mais une fête permanente. Les femmes ne parlaient plus, elles poussaient des youyous à longueur de journée. Les enfants étaient redevenus des enfants. Les grands aussi.
Il régnait une sorte d’anarchie joyeuse. C’était une joie indélébile, un événement que je ne peux oublier même si je perdais la raison. Après tout ce que nous avions vécu comme persécutions, peur et cauchemar en permanence, c’était comme une révélation divine et une nouvelle naissance. On nous appelait : musulmans, Arabes ou indigènes jamais Algériens. Les Arabes, dont les qualités principales sont la barbarie, la paresse et l’orgueil. Le mépris des Européens et les humiliations ont fait de l’Algérien un méchant, un révolté, un révolutionnaire épris de liberté et de justice.
Pouvoir vivre sans cette peur, imaginer qu’on pouvait circuler librement, crier notre joie sans avoir à se justifier était inouïe, c’était presque incroyable. Alors qu’on nous avait interdit d’être Algériens et étrangers dans notre propre pays, nous les bicots, tronc de figuier, ratons, crouilles, singes, bougnoules, sous/homme, ce jour-là, tout semblait permis, tout semblait possible.
Dans toute l’Algérie les gens étaient dans les rues du village et descendaient des douars environnants pour exprimer leur joie, et beaucoup, hommes, femmes et familles entières, s’embarquaient au hasard dans des camions en direction d’Alger pour défiler et fêter «l’indépendance».
C’est un jour qui ne ressemble à aucun autre. En ce 5 juillet 1962, l’Algérie fête, dans la frénésie, l’indépendance que doit proclamer le soir même le général de Gaulle. Cent trente-deux ans jour pour jour après la prise d’Alger par les Français. Hommes, femmes et enfants défilent dans les rues, au cri de «Vive l’Algérie indépendante», vêtus de leurs habits de fête, drapeaux du Front de libération nationale (FLN) au vent.
C’est quelque chose qu’on ne vit qu’une fois. On a vu tous les villages, toute la population venir, les hommes, les femmes. Ils dansaient, ils chantaient. On se rencontrait, on criait. C’était l’euphorie. La population goûte à la liberté retrouvée, les combattants de l’Armée de libération nationale (ALN) paradent dans les rues, les exilés préparent leur retour et les chefs politiques s’apprêtent à endosser le costume de gouvernants. Avec l’indépendance, arrachée après plus de sept années de guerre et la victoire du «oui» au référendum du 1er juillet, sonne l’heure de la délivrance.
Tandis que les adultes emménageaient dans les appartements laissés vacants, les gamins s’adonnaient au pillage des magasins.
C’est un peu comme si tout les habitants du 93 s’installaient sur les Champs Élysées. Il faut imaginer les boutiques laissées à l’abandon...
Je me suis d’ailleurs allégrement servi pour jouer au Robin des Bois. De Bab Azzoun, j’ai ramené des rouleaux de tissus que j’ai offerts à toutes les voisines de notre immeuble. Les bijouteries étaient vides ! Tout le monde se servait. Tout le monde était content.
La plus grande joie a été le retour à la maison de mes deux frères. Ils rentraient sains et saufs chez eux, dans un pays libéré, après avoir été incarcérés dans la prison de Serkadji et condamnés à mort.
Pendant leur absence, des armes et de l’argent étaient dissimulés sous le lit de mes parents. J’avais en permanence un revolver caché dans mon cartable.
Notre immeuble aussi s’est vidé. Tout le monde était dehors, les gens ne dormaient pas, ne mangeaient pas, ne travaillaient pas et dansaient allègrement dans les rues d’Alger. Avec des copains armés, on a tourné dans les quartiers européens, sur le capot des voitures, en criant de joie «Tahia El Djazair». D’ailleurs, je me suis blessé en tombant d’un camion rue de la Lyre. Le 5 juillet 1962 restera pour moi une fête inoubliable. Historique cette ambiance festive, cimentée dans ma mémoire. Même avec la bouche en sang et deux dents cassées.
Pour terminer un peu d’humour : «Les Algériens veulent connaître leur histoire : grand-père… parle-nous de la guerre d’Algérie : alors tout a commencé le 5 juillet 1962» (Dilem).
Mais papa : achète-moi un livre d’histoire ! Mais ma fille tu penses qu’il n’y a pas assez d’histoire dans notre famille ! Omar Flici