Dr Tanina Hakem. Endocrinologue diabétologue : «Le diabétique doit toujours se référer à son médecin traitant»

10/03/2025 mis à jour: 22:01
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Que se passe-t-il dans l’organisme du diabétique lorsqu’il jeûne ?

Avant de répondre à cette question, je pense qu’il faut commencer par comprendre ce qui se passe dans un corps sain. En fait, l’équilibre glycémique chez le sujet sain est assuré par plusieurs hormones, dont l’insuline qui est l’hormone hypoglycémiante. Après le repas du iftar, la glycémie de l’individu qui a jeûné pendant plusieurs heures commence à s’élever. 

La sécrétion de l’insuline par le pancréas est alors stimulée et permet le stockage du sucre en glycogène par le foie et les muscles. Cela contribue à maintenir une glycémie dans les normes. Durant le jeûne, c’est plutôt le contraire. La glycémie ne s’élève pas vu l’absence de bol alimentaire. La sécrétion d’insuline est freinée et le sujet sain ne présente pas d’hypoglycémies grâce à justement certaines hormones comme le glucagon, le cortisol, etc. 

Ces derniers stimulent la néoglucogenèse hépatique ainsi que la glycogénolyse qui est la dégradation du glycogène en glucose. Ce processus bien ficelé aide à maintenir une glycémie normale. Maintenant chez le diabétique qui présente un dérèglement de l’homéostasie glucidique, l’insulinoresistance chez le diabétique de type 2 ou le déficit en insuline chez le diabétique de type 1 provoquent une dégradation excessive du glycogène hépatique ce qui provoque des hyperglycémies durant le jeûne, associé au risque de cétose, de déshydratation et accroît le risque de thromboses veineuses. Sans oublier l’augmentation significative de risques d’hypoglycémie.

Quels sont les risques qu’encourt un diabétique lorsqu’il jeûne ?

Les risques, comme précédemment indiqué, sont les complications aiguës du diabète, à savoir les hyperglycémie, surtout quand celles-ci dépasse les 2.50g/l. Il y a aussi un risque de cétoses et cetoacidoses. On retrouve aussi les états hyperosmolaires pour des glycémies pouvant dépasser les 6 gr. Et enfin, des hypoglycémies modérées à graves, nécessitant le recours aux urgences, tel que le coma hypoglycémique. 
 

Dans quels cas le Ramadhan est-il contre-indiqué pour un diabétique ?

Nous, médecins spécialistes, utilisons un score pour mesurer le risque avec un système de points. Ce système a été élaboré par l’International Diabetes Fédération (IDF). Pour expliquer brièvement : pour un score dépassant les 6 points, le jeûne est contre-indiqué. En résumé, les patients mal équilibrés, sous insuline, qui présentent plusieurs épisodes d’hypoglycémie et qui sont à très haut risque cardiovasculaire avec insuffisance rénale, néphropathie diabétique, une cardiopathie sous-jacente, les DT1 (sauf certaines exceptions), les sujets âgés multi tarés, ayant des déficits cognitifs n’ont pas le droit de jeûner.  
 
 

Quels sont les signes auxquels il est important de rester vigilants et quelles sont vos recommandations aux personnes diabétiques qui jeûnent ? 

 

Le diabétique doit toujours se référer à son médecin traitant qui pourra autoriser le jeûne. La consultation est donc obligatoire pour ajuster les doses des différents traitements et modifier les horaires de prise. Il est aussi important d’interrompre le jeûne en cas d’hypoglycémie inférieur à 0.7g/l ou en cas d’hyperglycémie supérieure ou égale à 3gr/l. Il est aussi essentiel d’être vigilant si ça atteint déjà les 2,50 g. Il faut aussi interrompre le jeûne en cas de malaise, même si la glycémie est normale. Autre conseil important : faire une autosurveillance glycémique fréquente, à savoir au s'hour, vers midi ou 13h. Il faut savoir que l’équivalent de glycémie à jeun vers 16h, avant et après le f'tour sont parfois nécessaires, surtout pour les diabétiques prenant plusieurs médicaments. 

Autre recommandation importante : ne surtout pas oublier de bien s’hydrater en eau et non pas en jus industriel. Et enfin, je conseille aux diabétiques de commencer le repas par des crudités. Vient ensuite la chorba, la hrira ou autre soupe avec bourek sans pomme de terre, et de préférence cuit au four. D’ailleurs, pour ce qui est des farces, il faut privilégier celles à base de légumes, viande, épinards,...

Propos recueillis par Sofia Ouahib

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