Alors que l’Algérie amorce une transition significative vers le paiement électronique et le commerce en ligne, l’adoption des Terminaux de paiement électronique (TPE) reste encore limitée dans de nombreux secteurs commerciaux. Cette situation freine l’instauration de la transparence dans les transactions.
Prenons l’exemple de la wilaya de Constantine, où la direction du commerce et de la promotion des exportations a récemment diffusé un communiqué exhortant l’ensemble des opérateurs économiques à «offrir à leur clientèle des moyens de paiement électronique (TPE)».
Conformément aux dispositions de l’article 113 de la loi n°23-22 du 24 décembre 2023, intégrée à la loi de finances de 2024, la même source affirme que cette mesure vise à éviter l’usage du paiement en espèces. Il est demandé aux opérateurs de se conformer aux réglementations en vigueur en se rapprochant des institutions bancaires ou postales pour se doter des équipements nécessaires dans les plus brefs délais. Toutefois, de nombreux commerçants de la région estiment qu’imposer l’usage des TPE sans un environnement propice reste une entreprise difficile.
Certains pointent du doigt des attentes interminables dans les agences bancaires ou postales, parfois durant deux heures ou plus, les dissuadant d’effectuer des transactions quotidiennes.
De surcroît, plusieurs commerçants jugent qu’il serait inconcevable d’obliger leurs clients à utiliser des cartes bancaires, alors qu’une grande partie de la population préfère encore les paiements en espèces. «Je ne peux pas forcer mes clients à abandonner l’argent liquide. Et je ne peux pas aussi les perdre», déplore un commerçant de vaisselle.
Un boulanger a même qualifié la question de l’usage des TPE de «ridicule», en faisant remarquer que leur utilisation n’est observable que dans les grandes surfaces, comme les supermarchés et les centres commerciaux. Un constat observé lors de notre tournée dans la ville de Constantine ainsi qu’au niveau de la circonscription administrative d’Ali Mendjeli.
Des obstacles qui perdurent
D’autres obstacles se dressent encore. Certains commerçants dénoncent une fiscalité basée sur le chiffre d’affaires brut plutôt que sur les bénéfices nets. Une pratique qui, selon eux, pénalise grandement les petits commerces.
Le problème de la connectivité internet, notamment dans les zones rurales sans fibre optique ou sans modem depuis des mois, est également soulevé. La question des marchés ambulants ou hebdomadaires, où la généralisation des TPE semble particulièrement complexe, ajoute une autre dimension aux défis à relever.
Un opérateur ayant requis l’anonymat a mis en lumière les difficultés pratiques : «Obliger tous les opérateurs à utiliser les TPE est difficilement réalisable. Imaginez, pour un crédit bancaire de 100 milliards de centimes, il faudrait, dans certains cas, restituer 30 % en espèces après une certaine période. Il y a même des gens qui se rendent à la banque avec des sacs noirs remplis de billets», souligne-t-il avec ironie. Il ajoute qu’une distinction claire doit être faite entre une économie libre et une économie dirigée.
Pour Mohamed-Laïd Bouhanguel, coordinateur du bureau de la wilaya de Constantine de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), la généralisation des TPE est toutefois envisageable, à condition que des mesures facilitatrices soient mises en place à chaque niveau, notamment pour les commerçants.
Selon ses dires, la wilaya compte plus de 70 000 opérateurs économiques, entre commerçants, investisseurs et importateurs. D’ailleurs, notre interlocuteur n’a pas manqué de saluer les efforts déployés par la direction du commerce, en mettant en exergue l’importance et l’impact de telle mesure. Une réunion a même été organisée récemment afin de solliciter le soutien de l’UGCAA dans la promotion de cette initiative.
Cependant cette transition vers le paiement électronique constitue une équation complexe qui mérite une étude approfondie et des solutions adaptées à chaque secteur.