Domicide, l’autre crime contre l’humanité

28/04/2024 mis à jour: 04:26
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Le 15 avril, un rapport présenté par les experts de l’ONU concluait que l’armée israélienne a eu recours à l’intelligence artificielle (IA) pour majorer les effets de sa guerre totale contre la bande de Ghaza. 

Allant bien au-delà de l’objectif militaire classique de défaire une force armée ennemie, l’offensive menée par la bande à Netanyahu a tué en masse parmi la population civile  (les derniers bilans font état de plus de 34 000 morts depuis près de sept mois), mais a aussi systématiquement détruit tous les repères de vie, dans une entreprise de plus en plus évidente de «purification» irréversible : il ne s’agit pas seulement d’assassiner Ghaza, mais de brûler son corps et disperser ses cendres de manière à ce que soit impossible tout miracle de résurrection qui puisse porter les éléments identitaires de sa souche palestinienne. «Les habitations ont disparu et, avec elles, les souvenirs, les espoirs et les aspirations des Palestiniens, ainsi que leur capacité à réaliser d’autres droits, notamment leurs droits à la terre, à la nourriture, à l’eau, à l’assainissement, à la santé, à la sécurité et à la vie privée», écrivent les experts des Nations unies. 

Les instances de la même institution internationale avaient, pour rappel, déclaré «inhabitable», fin janvier dernier, la bande de Ghaza. Le procédé a un nom et il est catalogué crime contre l’humanité dans le droit international : domicide. Le concept désigne toute destruction systématique et généralisée des logements, des services et des infrastructures civiles, note le Haut Commissariat des droits de l’homme. 

Depuis le 7 octobre dernier, le déluge de feu déclenché contre l’enclave a ciblé l’habitat, les infrastructures publiques, dont des structures de santé, les stations hydrauliques, les minoteries, les exploitations agricoles... tout ce qui simplement fait une cité, structure une vie communautaire et un lien avec le territoire.

 L’offensive terrestre lancée au soir du 27 octobre a été menée par des tanks mais aussi par des engins lourds de chantier pour achever de raser ce qui a pu échapper à l’acharnement de l’artillerie et des raids aériens. Les images provenant du terrain de la guerre ont par ailleurs montré des opérations de plastiquage d’immeubles, clôturant systématiquement des ratissages de l’armée. 

Déjà pratiquée en Cisjordanie contre les militants palestiniens et leurs familles, la démolition punitive du patrimoine immobilier est ici déployée à grande échelle et accomplit une des étapes destinées à faire parvenir, plus tard, à la réalisation du fantasme de coloniser la bande de Ghaza. Plus de 80% de la population ont été déplacés de force dans le coin sud de ce mouchoir de poche que Tel-Aviv déclare ne plus vouloir lâcher, avec le pari de les voir définitivement quitter le territoire, vers le Sinaï voisin, notamment. Mercredi dernier, Abdelfattah Al Sissi, le président égyptien, en renouvelant la ferme opposition de son pays à tout exode des populations vers la péninsule, a confirmé indirectement que l’option était toujours d’actualité, côté israélien.  

«Après six mois d’offensive militaire, le pourcentage de logements et d’infrastructures civiles détruits à Ghaza est le plus important jamais enregistré dans un conflit», statuent les rapporteurs spéciaux de l’ONU. Il y a trois jours, Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, a abondé dans le même sens : s’adressant au Parlement européen, réuni à Strasbourg (France), il a affirmé que le désastre subi par le bâti de Ghaza dépasse celui des villes allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale.

 90 milliards de dollars est l’estimation qu’il a présentée des dégâts directs, en s’appuyant sur une évaluation commune réalisée par la Banque mondiale et les Nations unies. Et la guerre n’est pas finie.        
 

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