Djillali Salmi a été un acteur privilégié à la CAN-1968 en Ethiopie. Il avait 21 ans et était précédé d’une réputation très flatteuse pour un joueur de son âge. Il raconte sa première et dernière expérience en CAN.
- Que te reste-t-il de souvenirs de la CAN-1968 après 54 ans ?
C’est en même temps loin et proche, beaucoup et peu. A l’époque, j’avais 21 ans et la carrière internationale s’ouvrait devant moi. J’avais des rêves plein la tête et une ambition que nourrit légitimement un jeune de mon âge appelé en sélection aux côtés de très grands joueurs.
J’ai eu la chance, d’abord, de bénéficier d’une prescription de suspension grâce à l’intervention diligente du sélectionneur Lucien Leduc qui a demandé à la fédération de me qualifier au CRB une année après mon départ de l’OM Ruisseau. A l’époque nous étions soumis à la licence B. C’est-à-dire attendre deux ans avant d’être qualifié avec le nouveau club. Lucien Leduc m’a beaucoup aidé dans ce sens.
- La CAN-1968, c’était comment dans ta tête avant d’aller en Ethiopie ?
C’était une aventure à vivre, à ne pas manquer. Jouer en équipe nationale à 21 ans aux côtés de Lalmas et des autres grands joueurs de l’époque était un rêve. Je suis parti là-bas la fleur au fusil (rires). Très vite, j’ai déchanté.
Sur place, rien n’était facile. L’environnement d’abord et le climat ensuite m’ont douché. Les conditions d’hébergement étaient difficiles, pour ne pas dire autre chose. Le climat, à savoir l’altitude, c’était nouveau pour nous. On respirait difficilement au repos. Que dire alors pendant l’effort et en match? On n’avait pas le choix.
- Le tournoi n’a pas bien débuté pour les Verts…
C’est le moins que l’on puisse dire. La veille du premier match, contre la Côte d’Ivoire, des problèmes ont surgi. Des gens ont influencé les choix du sélectionneur. Il n’a pas aligné sa meilleure équipe.
La cuisante défaite lui a fait perdre ses nerfs. Le second match, il a aligné son équipe. Nous avons gagné 4-0 avec un grand Lalmas. Il a marqué 3 buts et a impressionné les observateurs présents au stade. Nous nous sommes amusés contre l’Ouganda.
- La suite fut moins joyeuse…
Le match contre l’Ethiopie fût une tragédie du football. L’arbitre congolais a d’entrée affiché un parti-pris en faveur des locaux. Il était leur 12e homme sur le terrain.
La preuve, un joueur de l’équipe adverse m’a agressé sans ballon, m’a fait éclater l’arcade sourcilière, m’a envoyé à l’hôpital sur une civière et il a continué à jouer. Et c’est moi que l’arbitre a expulsé. J’avais le visage ensanglanté. A l’époque, c’était cela le football africain. Heureusement, cela a beaucoup changé. Je garde quand même un bon souvenir de la CAN 1968.
- Qu’est-ce qui a manqué à votre génération et à bien d’autres pour faire mieux ?
C’est difficile de comparer. Les époques, les circonstances ne sont pas les mêmes. Chaque génération a fait ce qu’elle a pu avec ses moyens. On ne peut comparer que ce qui est comparable.
Les conditions matérielles et de préparation ne sont pas les mêmes. Il est temps de mettre fin aux conflits générationnels. Le football algérien ne gagnera rien là dedans.
Regardons vers l’avenir et plaçons notre football et nos joueurs dans les meilleures conditions pour réaliser tous les rêves des supporters algériens. Je termine en souhaitant bonne chance à l’équipe nationale à la CAN au Cameroun.