Djahida Houadef. Artiste peintre : «Mon art est une sorte de conversation à l’infini»

30/04/2024 mis à jour: 21:13
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Une des œuvres de la plasticienne Djahida Houadef - Photos : D. R.

L’artiste peintre des couleurs, Djahida Houadef, nous parle de son œuvre à la fois vivante, riche en bruit et en musicalité. On retrouve dans sa peinture toujours en filigrane le motif poétique et la spiritualité. Elle revient sur son parcours artistique coloré, ses influences et ses aspirations dans le monde de l’art.

  • Expliquez-nous votre parcours, comment vous est venue l’envie de peindre ?

Un don se cultive dans un silence religieux, il évolue dans une sorte de magie, et il pousse sans explication précise et exacte, comme une plante grimpante, petite ensuite grande, à travers un cycle d’ombres et de lumières, à travers des jours et des nuits, à travers des signes précurseurs,une accumulation de tentatives et d’expériences, de découvertes hasardeuses qui se mettent sur votre chemin parce que c’est ainsi !

Petite, je regardais beaucoup d’images autour de moi et j’avais très envie de les reproduire avec mes propres mains, avec mes propres yeux et avec mes propres sensations. Les retours d’impressions et les avis émis à mes dessins retrouvaient un encouragement qui m’avait stimulée pour explorer davantage l’imperceptible et l’inconnu.

Quand on est habité par des graines en état de germination, on n’a aucun choix, sauf celui de libérer les forces inépuisables et céder le passage à la régénération.

  • Qu’est-ce qui vous attire dans la peinture ? Pourquoi créez-vous ?

L’image est une synthèse de lumière, de dimension, de volume et d’espace, quand nous dominons l’ensemble de ces trois dimensions et nous unissons le tout dans une seule image, à deux dimensions, qui nous permet non seulement de voir le monde autour de nous, mais d’y mettre cette part indéchiffrable de nous, la rendre palpable, avec du sens.

Une interaction vivante où nous retenons mieux le cheminement de nos quêtes et les processus des naissances, que d’être devant un constat, devant un prêt à l’emploi, créer, c’est être proche du divin, c’est de comprendre notre existence, c’est de continuer à vivre et à exister malgré la réalité de la mort.

  • Quelle définition donneriez- vous à votre art assez coloré ?

Mon art est une sorte de conversation à l’infini avec les autres, il puise son souffle des regards et des sensations posés sur lui, plus on l’interpelle, plus il s’ouvre et s’approfondit, il n’a pas d’âge, il ne vieillit pas et ne prend aucune ride, il a la capacité de traverser le réel et l’insaisissable, d’être une ressource intarissable, d’être témoin, d’être accompagnateur, d’être inspirateur, d’être un vecteur qui donne et qui reçoit.

  • Vos  influences semblent multiples ?

Personne n’est née du néant, se construire avec une empreinte personnelle c’est de prendre sa part de la transmission, du savoir et de la curiosité, les mijoter avec soi, avec sa propre matière, approuver et permettre à cette greffe venue de l’ailleurs de fusionner, et de fabriquer du nouveau.

Dans un apprentissage, il arrive que l’influence soit apparente et directe, tout comme elle soit sournoise et méconnaissable, en tous les cas, ma formation à l’Ecole des beaux-arts m’a facilité l’accès à la découverte de l’art et des artistes, il y a ceux qui m’ont marquée et dont je me sentais proche de leur vision et leur interprétation, et ceux qui le mûrissement de mes réflexions n’a pas encore atteint le degré de leurs travaux.

Les influences sont inévitables, car la continuité de l’esprit de l’humain doit assurer l’évolution et le développement du monde, mais le plus important est qu’il est absolument nécessaire d’être soi pour apporter l’authenticité de l’individu à l’ensemble.

  • Quelles émotions essayez-vous de transcrire dans vos œuvres ?

D’abord une émotion de bien-être, véhiculant du positif, car la réalité du monde nous rattrape à chaque coin de la terre, avec toutes ces violences diffusées et dominantes qui nous heurtent à tout moment, mes œuvres sont une poésie contre le mal et pour le bien, elles sont contre la laideur et pour la beauté, elles sont contre l’obscurantisme et pour la lumière, elles sont équilibres contre les maux et un refuge thérapeutique, elles sont en opposition aux inégalités, aux injustices, aux puissances qui creusent les écarts entre les couches sociales, et le capitalisme qui tire les ficelles à sa guise. Le message de mes œuvres est beauté, créativité, culture, patrimoine, mémoire et identité.

  • Vote peinture se distingue très souvent par des scènes de vie, évoquant la richesse et la diversité du patrimoine algérien, le tout empreint de beaucoup de spiritualité ?

Effectivement, l’identité algérienne est souvent valorisée dans mes œuvres, certes l’art est une expression universelle, l’artiste, en tant que citoyen du monde, peut être interpellé par des préoccupations qui concernent n’importe quel coin de la terre. Il est humain avant tout, sa sensibilité à fleur de peau ne le laisse pas indifférent à ce qui se passe autour de lui, il réagit très vite et d’une manière historique.

Mais quand un artiste fait connaître sa géographie, les valeurs de son pays, le patrimoine culturel qui le caractérise, cela restera une valeur ajoutée non seulement dans son propre pays, mais aussi un patrimoine à retenir pour l’humanité.

Le contenu de l’expression artistique avec toute la diversité de ses sujets peut rendre l’art un contenant essentiel pour l’existence de l’être, il peut être un socle sur lequel se construit une philosophie de vie, une personnalité et une puissante spiritualité qui lui permettra d’acquérir une moralité, une sagesse pour cultiver la paix.

Ces dernières années, mon œuvre s’appuie essentiellement sur la spiritualité, spécialement depuis la pandémie du Covid où une remise en question reste présente en permanence. Etre ou ne pas être, telle est la question !

  • La  femme algérienne à travers ses luttes occupe une place de choix  dans votre art ?

La femme algérienne omniprésente dans mon œuvre ne risque pas de s’éclipser un jour, voiler ses maux dans le silence ne lui rendra pas justice, même si on n’a pas la baguette magique pour changer la réalité mentale et sociale, la moindre des choses est de les évoquer pour sortir des ombres.

La femme algérienne est incontestable ma propre image, je la peins pour la valoriser et pour rehausser son humanité, sa sensibilité, sa personnalité, son caractère, son savoir, sa générosité et ses atouts porteurs d’amour et de paix.

  • Comment voyez-vous l’avenir de l’art algérien ?

L’art algérien a fait son chemin depuis l’indépendance, il y a des artistes, femmes et hommes, qui ont mené à niveau l’art pictural avec des concepts innovateurs, des mouvements artistiques, des revendications idéologiques, ils ont même réussi à créer des écoles, ils ont assumé une certaine transmission et écrit l’histoire de l’art algérien.

Seulement, tout ce travail acquis a besoin d’être retenu sur les différents supports, pour la mémoire, pour la transmission, pour la culture et le patrimoine. La génération d’artistes post- indépendance continue à donner le meilleur d’elle-même, mais il est fondamental de l’accompagner, de la soutenir moralement et financièrement, de porter ses créations vers une totale visibilité à l’échelle nationale et internationale.

  • Vos futurs projets ?

Continuer à travailler, à être attentive à toutes les opportunités, afin d’ouvrir davantage le champ de la créativité, et à partager l’art pour une meilleure connexion, un dialogue permanent, et une projection porteuse d’espoir, celui du meilleur. 
 

 

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