Distribution, éditions et médias : Kretinsky, le milliardaire qui parle peu et s’agite beaucoup

26/04/2023 mis à jour: 03:12
AFP
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Photo : D. R.

En plus de ses investissements classiques dans les médias, le magnat a renfloué Libération à hauteur de 15 millions d’euros en septembre, sans pour autant entrer au capital, et là encore sans tenter d’intervenir sur le contenu.

Quadra très discret, décrit comme un bourreau de travail à l’intelligence vive, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky a massivement investi dans les médias, la distribution et l’industrie en France, sans qu’on cerne encore bien sa stratégie globale. «Il est très ambitieux et dynamique, quand on voit ce qu’il arrive à faire à son âge...», souffle, admiratif, un acteur de la distribution qui échange régulièrement avec lui.

Kretinsky, 47 ans, a déboulé sur le marché français en 2018, après avoir construit sa fortune (8,5 milliards d’euros actuellement selon Forbes) sur les énergies fossiles. Depuis, il a investi dans les médias (Marianne, Elle, Télé 7 jours, Franc-Tireur, Le Monde, TF1...), la distribution (Fnac Darty et Casino, dont on a appris lundi qu’il souhaitait en prendre le contrôle) et l’industrie (essentiellement dans l’énergie).

Il est également en train d’acheter la maison d’édition Editis au géant des médias Vivendi. Même s’il investit tous azimuts, «ça n›est pas du tout un capitaliste désincarné», assure à l’AFP Jean-Michel Mazalerat, président de GazelEnergie, producteur d’électricité détenu par Kretinsky via l’énergéticien tchèque EPH.

«Sa grande caractéristique, c’est de s’entourer d’équipes très jeunes et de grands professionnels», poursuit M. Mazalerat, en louant ses «méthodes de management modernes et sa volonté d’investir pour sortir du charbon». Unanimement décrit comme «extrêmement intelligent» et comme un investisseur avisé, le Tchèque a aussi une réputation de gros travailleur, qui envoie des messages à ses collaborateurs à 02h 00 du matin.

Ce francophile, qui a étudié à Dijon, «parle un français remarquable», selon un interlocuteur régulier. Mais ses prises de parole publiques sont rares. Visage massif, lunettes rectangulaires et vague air de Daniel Craig, l’acteur de James Bond, Kretinsky est né en 1975 à Brno. Son père, Mojmir Kretinsky, était professeur d’informatique et sa mère, Michaela Zidlicka, de droit (elle a été juge à la Cour constitutionnelle tchèque entre 2004 et 2014).

Son beau-père, Vladimir Zidlicky, qu’il considère comme un deuxième papa, est un photographe d’art célèbre pour ses nus mêlant onirisme et érotisme. Après avoir eu un fils avec une avocate, Kretinsky est en couple avec la cavalière Anna Kellnerova, 26 ans, fille du plus riche milliardaire tchèque, Petr Kellner, mort dans un accident d’hélicoptère en 2021.

Kretinsky possède en outre une institution du foot tchèque, le Sparta Prague, et est actionnaire du club anglais de West Ham. En France, son arrivée dans l’univers des médias a d’abord suscité des craintes. Mais «il n’est pas du tout interventionniste, on fait exactement ce qu’on veut», déclare à l’AFP Caroline Fourest, directrice du magazine Franc-Tireur.

Elle n’a que très peu croisé Kretinsky, qui lui laisse l’impression d’un homme poli et discret. En plus de ses investissements classiques dans les médias, le magnat a renfloué Libération à hauteur de 15 millions d’euros en septembre, sans pour autant entrer au capital. Et là encore sans tenter d’intervenir sur le contenu. «Toutes ses promesses de nous laisser tranquilles ont été tenues», dit à l’AFP le directeur de Libé, Dov Alfon.

A l’inverse, pendant la présidentielle d’avril 2022, la société des rédacteurs de Marianne avait dénoncé une «ingérence» de Kretinsky après une Une se positionnant clairement contre Marine Le Pen.

La direction de la rédaction avait démenti. Reste à savoir ce qui pousse ce milliardaire aux convictions réputées libérales et pro-européennes à investir dans la presse. Sous le régime communiste, sa génération a beaucoup souffert de l’absence de liberté dans les années 80. «Alors, quand il déclare qu’il investit pour la liberté de la presse, je le crois très sincère», affirme Jean-Michel Mazalerat.

Plus prosaïquement, une source au sein d’un de ses médias trouve classique pour un capitaine d’industrie de chercher à asseoir son influence via la presse. Tous secteurs confondus, certains observateurs jugent sa stratégie d’investissements erratique.

Une position que ne partage pas l’acteur de la distribution qui échange régulièrement avec lui. «Peut-être que toutes les informations ne sont pas publiques», glisse cette source à l’AFP. «Ce n’est pas toujours la ligne droite qui permet d’arriver où on veut aller».

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