L’insoumission à la politique coloniale de la France en Algérie devenait un thème porté par nombre de jeunes Français après 1956 et le vote des pleins pouvoirs qui envoya les jeunes appelés faire la guerre contre la révolution algérienne.
Les jeunes militants d’alors entrèrent en rupture avec les partis de la gauche traditionnelle, que ce soit les socialistes (SFIO) trempés jusqu’au cou dans le vote et dans la répression en Algérie, ou même le Parti communiste dont les dirigeants, inféodés à Moscou, ne soutinrent pas franchement le mouvement national algérien dans les premiers mois de la «rébellion».
Parmi les jeunes, dont la démarche trancha, figure Alain Krivine décédé il y a quelques jours. Il fut l’un des premiers à adhérer à Jeune résistance. Pour l’universitaire Vanessa Codaccioni, Jeune Résistance (JR), «représente aussi une force politique nouvelle qui rallie de plus en plus de jeunes, comme Alain Krivine qui, né en 1941 et membre de l’Union des étudiants communistes (UEC) en 1956 dont il devient l’un des dirigeants l’année suivante, adhère parallèlement et clandestinement, par l’intermédiaire de ses deux frères, tous deux trotskistes et passés à l’aide au FLN.
En son sein, il mène alors trois types d’actions clandestines – le blocage des trains de soldats en partance pour l’Algérie, l’aide au transport d’argent pour le FLN et l’aide aux évasions de militants frontistes emprisonnés en métropole».
Lors d’un entretien pour sa thèse, Vanessa Codaccioni raconte sur Tweeter l’engagement du défunt militant contre la guerre d’Algérie : «Je m’occupais de l’arrêt des trains, il y avait des déserteurs qui partaient en Suisse donc je m’en occupais. On avait des contacts cheminots.
On bloquait les trains. Ça faisait du bruit, j’étais fier, j’entendais à la radio Jeune Résistance vient encore de bloquer des trains. (…) J’étais jeune, ça m’excitait. On faisait passer des bagnoles pleines de fric pour le FLN. On s’était postés tous les 100 mètres et s’il y avait des flics, on devait faire un nœud de chaussure. C’étaient des conneries, mais ça marque, je ne fais pas ça tous les jours. (…) J’ai aidé à la Roquette. J’étais une petite main. C’était agréable. J’étais dans les bras d’une nana et on devait se bisouter sur les talus pour repérer les rondes de flics, c’était sympa ça. Donc j’étais volontaire. J’ai toujours été là-dedans, la résistance, les machins, les trucs, et j’ai toujours été un peu activiste. Je trouvais ça bien .
Cet engagement allait alors à l’encontre de ce que préconisait le PCF, son parti d’alors. Un témoin en réponse à Vanessa Codaccioni se rappelle qu’il « racontait souvent qu’alors qu’il était au Festival de la Jeunesse à Moscou en 1957, une déléguée algérienne l’avait engueulé parce que le PCF n’était pas anticolonialiste pour l’Algérie comme il l’avait été pour l’Indochine ».
En ce soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, il est utile de rappeler que ce conflit colonial (comme le sera plus tard la guerre du Vietnam), constitua un catalyseur d’énergie pour une jeunesse qui ne se reconnaissait plus dans la gauche traditionnelle, donnant naissance à un fort courant d’extrême-gauche en France. Un courant qui déboucha sur le mouvement populaire de 1968 où cette mouvance politique se renforça.
Paris
De notre bureau W. Mebarek