Mustapha Preure était cette figure, ce visage, cette bonne bouille, familière, rassérénante, cathodique et théâtrale. Cette force de l’âge… canonique, cet aîné, ce doyen, cet ancien, ce vieux de la vieille, ce vétéran imposant et forçant le respect chez les «enfants de la télé», grands et petits. C’était le père idéal, le papa «gâteau» – pour ne pas dire baba – pour eux.
Et c’est un pan entier de la mémoire collective télévisuelle algérienne qui s’en est allé. Ses rôles récurrents de père, pas du tout fouettard, exemplaire, un «patriarche», un coryphée, à la sagesse d’un «Obi-Wan Kenobi» communiquant une bonhomie à fleur de peau et débonnaire et exhibant une énergie (que la force soit avec vous, toujours, semblait-il exhorter).
Mustapha Preure est un enfant de La Casbah, un vrai, un citadin, qui vivra l’éveil nationaliste parmi les Scouts musulmans, ayant fait ses premières armes, voire ses premières amours, en faisant résonner les planches. Un coup de théâtre pour cet artiste né.
Il est doué. Il est musicien, animateur de soirées, comédien à la radio anté et postindépendance. Il travaillera avec les illustres Mohamed Touri, Mahieddine Bachtarzi, Hassen El Hassani, Rouiched, Mohamed Ouaniche et même avec la diva de la musique algérienne, Warda El Djazaïria et El Hadj M’hamed El Anka, maître incontesté du chaâbi, qu’il côtoiera énormément. C’est un homme de théâtre d’une grande envergure.
«Ayez la foi, la passion et de la patience»
Il a son actif plus de 80 films, entre participation, second et premier rôles, 17 productions télévisuelles. Les téléspectateurs se souviendront indéfiniment de ses rôles imposants dans les feuilletons Chafika après la rencontre ; Les blessures de la vie ; Le Brocanteur de Abdelkader Hellal, ou dans des films comme Histoires sans ailes de Amar Tribèche, Mémoire de scène de Abderrahim Laloui. Lors d’un hommage organisé en son honneur par le comédien Sid Ali Ben Salem en 2018, Mustapha Preure,
interviewé par le présentateur TV Djallal, confiera : «Si c’était à refaire, je ne changerai rien. Je referai le même itinéraire. Il y eut des hauts et des bas, la colonisation... Un jour sans, un jour avec, un jour avec de la viande, un autre frugal… Mon message pour les jeunes : ‘‘Je ne me considère pas comme un grand comédien. Ayez la foi, la passion et surtout la patience pour exercer le métier d’artiste. Il faut tenir, se battre, travailler et faire beaucoup de sacrifices. Le gain, l’argent, c’est après. Nous ne pouvons pas envoyer les artistes à la retraite, et les laisser végéter dans les parcs…»
Le regretté Mustapha Preure devait être inhumé hier au cimetière d’El Kettar, à Alger.